Zone euro – La Commission européenne prépare les pays à la réouverture des procédures de déficit excessif

Zone euro – La Commission européenne prépare les pays à la réouverture des procédures de déficit excessif

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Avec sa première recommandation d'ordre quantitatif sur les projections budgétaires des États membres depuis 2019, la Commission européenne rappelle à l'ordre les pays en leur rappelant que la clause suspensive du Pacte de stabilité prend fin en décembre 2023. Dès le printemps 2024, les procédures pour déficit excessif seront de nouveau opérationnelles avec les anciennes ou les nouvelles règles. C'est pour cadrer les trajectoires budgétaires en vue de cette reprise de la supervision budgétaire qu'en juillet dernier, le Conseil européen a fixé le cadre de ces recommandations.

Quatre grands principes doivent être respectés :

  • Limiter le taux de croissance des dépenses primaires nettes au rythme maximal défini pour chaque pays en fonction de sa croissance potentielle ;
  • Assurer le retrait complet des mesures déployées pour contrer la hausse des coûts de l'énergie et allouer cette épargne à la réduction du déficit ;
  • Préserver l'investissement national ;
  • Assurer la dépense et l'absorption des fonds du plan de relance européen Next Generation EU.

Au niveau agrégé, les finances publiques de la zone euro satisferaient ces critères. Après trois ans d'une forte impulsion positive à l'économie (4 points de PIB en cumulé entre 2020 et 2022), l'orientation budgétaire deviendrait restrictive en 2023 et 2024, portant le déficit de la zone à 3,3% en 2023 et à 2,9% en 2024. En dépit d'une croissance faible (attendue à 0,6% en 2023 et 1,2% en 2024), cette orientation restrictive serait appropriée, selon la Commission. Elle faciliterait, en effet, la maîtrise de l'inflation grâce à la compression de la demande et ne contrarierait pas le resserrement monétaire de la Banque centrale européenne. Les prévisions de croissance de la Commission, et donc celles de déficit, peuvent néanmoins être jugées plutôt optimistes en 2024. Par ailleurs, la Commission se méfie des engagements en termes d'ajustements structurels promis par les pays, puisqu'elle intègre une certaine dérive structurelle du déficit par rapport aux annonces des plans budgétaires. 

En 2023, les quatre grands principes ne sont pas respectés pleinement : si les mesures destinées à faire face au Covid ont été entièrement supprimées, ce n'est pas encore le cas de celles liées à la hausse des coûts de l'énergie. La dépense primaire courante nette a néanmoins baissé ainsi que les subventions à l'investissement (notamment le Superbonus en Italie et la recapitalisation d'Uniper en Allemagne). L'investissement national a été préservé et l'investissement financé par les fonds européens a encore augmenté. Au total, l'impulsion budgétaire fournie à l'économie a été négative (de 0,5 point de PIB). 

En 2024, la baisse des dépenses liées à l'énergie ne serait pas destinée entièrement à la réduction du déficit mais à d'autres dépenses. La baisse des dépenses primaires et des subventions à l'investissement compenserait cependant la hausse de l'investissement public financé par les budgets nationaux, garantissant une impulsion négative de 0,6 point de PIB.

Si le déficit est attendu en deçà de 3% en 2024 dans la zone euro, il serait encore supérieur à ce niveau dans neuf pays, dont la France, l'Italie et l'Espagne, qui s'exposeraient donc à l'ouverture d'une procédure pour déficit excessif en 2024. Pourtant, quatorze pays présentent une orientation budgétaire restrictive, mais insuffisamment pour certains. C'est notamment le cas de la France qui risque de ne pas se retrouver alignée avec les critères énoncés par le Conseil et à qui la Commission demande de prendre les mesures nécessaires pour ajuster la trajectoire des dépenses avant le vote du budget. 

C'est aussi, dans une moindre mesure, le cas de l'Allemagne et de l'Italie, qui ne sont pas pleinement en ligne avec les recommandations et à qui on demande, pour la première, de supprimer complétement les mesures liées à l'énergie et, pour la seconde, à ne pas les allouer à d'autres dépenses. 

Notre opinion – Malgré ces efforts de consolidation, la Commission accentue la pression sur les États. En effet, les conditions jusqu'ici favorables de soutenabilité des dettes se dégradent. L'inflation, qui avait poussé à la hausse la croissance nominale en 2022 et encore en 2023 s'estompe, réduisant ainsi l'effet positif sur le dénominateur du ratio dette/PIB. Si le resserrement monétaire n'a eu pour l'instant qu'un impact marginal sur la charge de la dette du fait des maturités longues, son effet va progressivement être intégré dans le coût moyen de l'encours de dette.

Ainsi, l'écart entre ce taux et le taux de croissance nominal du PIB va augmenter, demandant des déficits primaires de plus en plus faibles (ou pour certains pays des excédents de plus en plus élevés) pour assurer la stabilisation ou la baisse des dettes. Des choix devront être opérés car la période post-Covid a été caractérisée par des hausses structurelles de dépenses et des baisses permanentes d'impôts. Cette phase de transition vers un nouvel équilibre d'inflation et de taux plus faibles va donc limiter l'action des gouvernements. Jusqu'en 2026, la capacité de dépense pour l'investissement permise par les fonds européens va continuer de limiter l'orientation restrictive de la politique budgétaire, compensant l'effort qui devra être porté par les budgets nationaux.

Article publié le 24 novembre 2023 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

Zone euro – La Commission européenne prépare les pays à la réouverture des procédures de déficit excessif

Malgré ces efforts de consolidation, la Commission accentue la pression sur les États. En effet, les conditions jusqu’ici favorables de soutenabilité des dettes se dégradent. L’inflation, qui avait poussé à la hausse la croissance nominale en 2022 et encore en 2023 s’estompe, réduisant ainsi l’effet positif sur le dénominateur du ratio dette/PIB. Si le resserrement monétaire n’a eu pour l’instant qu’un impact marginal sur la charge de la dette du fait des maturités longues, son effet va progressivement être intégré dans le coût moyen de l’encours de dette.

Paola MONPERRUS-VERONI, Manager zone euro