Edition du 28 mars 2024

Chine : confiance, guerre des prix et crédibilité, les maîtres-mots de ce début d’année

Après une pause statistique en raison du Nouvel An lunaire, les données d’activité pour janvier et février ont été publiées la semaine dernière. Si certaines composantes ont surpris à la hausse, à commencer par la production industrielle (7% en glissement annuel) soutenue par la demande extérieure (les exportations ont progressé de 8,2% en janvier et de 5,6% en février), la Chine demeure enfermée dans ses difficultés structurelles, en particulier dans le secteur immobilier. Premier impératif : créer le choc de confianceLa confiance, ou plutôt son absence, se lit partout : dans les chiffres des ventes au détail (5,5% en février, ce qui a déçu le consensus), dans ceux de l’investissement privé, dans le niveau des importations (-8,2% en février) et surtout dans les indicateurs du marché immobilier. C’est surtout ce dernier qui concentre les inquiétudes, car loin de s’améliorer, le début d’année a marqué une nouvelle dégradation des variables-clés : mises en chantier, superficies vendues et nouvelles constructions. Fragilisé par la faillite de près de 50% des promoteurs, le secteur immobilier demeure bloqué dans la première étape de sa lente mue : achever les chantiers démarrés et payés par les ménages qui présentent encore une certaine rentabilité.Alors que le nombre de nouveaux chantiers a chuté de 60% par rapport au pic de 2019, les prix ne se sont ajustés que de 6,3% en 2023 en moyenne dans les grandes villes. Ce chiffre cache des disparités entre les mégalopoles concentrant encore une pression démographique importante (Pékin, Shanghai, Shenzhen) et les autres, mais est révélateur de la volonté des autorités de réguler l’ampleur de la baisse des prix, et ce pour trois raisons :Éviter un effet de richesse négatif, le secteur immobilier concentrant 70% des actifs des ménages urbains ;Éviter un effet de contagion sur le système bancaire en cas de baisse très brutale des prix, alors même que ce dernier demeure encore plutôt solide malgré son exposition au secteur immobilier ;Ne pas alimenter encore plus la déflation et risquer que la guerre des prix déjà en cours dans le secteur des véhicules électriques ne se propage à d’autres secteurs de l’économie. Deuxième impératif : éviter la guerre des prixLa guerre des prix fait rage sur le marché des véhicules électriques. À l’offensive, BYD, le fabricant de batteries, devenu le géant de l’automobile en Chine. En 2023, le constructeur a supplanté Tesla comme premier producteur mondial de véhicules électriques ; la Chine est ainsi devenue le premier exportateur de voitures devant le Japon et l’Allemagne. Plus solide financièrement que la plupart de ses concurrents, BYD a procédé depuis le début de l’année à de nouvelles baisses de prix sur ses modèles d’entrée de gamme, avec des tarifs démarrant sous les 10 000 dollars.Cette guerre des prix est dangereuse. Bien sûr, elle bénéficie aux consommateurs à court terme en stimulant la concurrence. Mais elle intervient dans un contexte de faible niveau de la demande dans l’économie chinoise, déjà marquée par une inflation très faible, voire négative. Si la hausse des prix est enfin revenue en territoire positif en février (0,8% en glissement annuel), c’est surtout grâce à un effet de base favorable et à la période du Nouvel An lunaire, généralement propice à une hausse des prix dans les activités liées aux célébrations (transports, hôtellerie, restauration, etc.).Dans le secteur automobile, la guerre des prix ne peut avoir lieu que sous deux conditions : le niveau élevé des subventions accordées par les autorités (directement aux constructeurs pour la recherche et développement par exemple et aux acquéreurs) et la baisse des marges des producteurs. Cette baisse est acceptée à court terme car les constructeurs automobiles visent bien sûr les marchés à l’exportation, notamment européens, sur lesquels le niveau des prix pourra être plus élevé tout en restant compétitif par rapport aux marques américaines ou européennes.Or, l’Union européenne semble de plus en plus réticente à l’idée d’ouvrir grand la porte du marché unique aux véhicules électriques chinois, quand bien même ses consommateurs pourraient profiter de prix moins élevés, et donc faire augmenter le taux de pénétration de l’électrique face aux moteurs plus polluants. La Commission a ainsi engagé des enquêtes sur le niveau réel des subventions chinoises dans le secteur, avec l’idée d’utiliser cet argument pour dénoncer une concurrence déloyale, et donc mettre en place des barrières tarifaires et non-tarifaires supplémentaires.Une offensive de ce type serait une très mauvaise nouvelle pour l’économie chinoise qui compte plus que jamais sur son industrie manufacturière, et notamment les « new three » (véhicules électriques, panneaux solaires et batteries), pour maintenir son appareil industriel et écouler les surcapacités qui ne peuvent être absorbées par un marché domestique atone. En février, l’excédent commercial cumulé sur douze mois a atteint un nouveau record en dépassant largement les 1 000 milliards de dollars (1 096 Mds).Troisième impératif : proposer un discours politique efficace et crédibleC’était, jusqu’à la crise du Covid, le grand point fort de la Chine. Mais depuis quatre ans, les attentes des marchés semblent désalignées de celles des autorités. Les marchés ont d’abord été déçus par le dynamisme de la reprise début 2023, puis par ce qu’ils considéraient comme une insuffisance de soutien budgétaire de la part de l’État. Résultat, certaines décisions (par exemple, le soutien aux marchés actions qui commençaient à dévisser trop rapidement) ont été annoncées à la hâte, et n’ont fait qu’accroître les craintes sur l’état réel de l’économie.Cumulées sur trois ans, les mesures de soutien sont loin d’être dérisoires, même si leur niveau n’a rien de comparable avec celui des grandes relances de 2008 et 2015. Cependant, elles manquent d’efficacité pour convaincre les investisseurs et les ménages, et c’est peut-être cela qui tranche le plus avec le passé et la formidable capacité qu’avait la Chine à trouver les bons leviers pour réactiver son cycle.À bien y regarder, le discours des autorités est pourtant cohérent avec ses actions : celui d’une priorité donnée à la stabilité politique, au désendettement – en particulier des collectivités, responsables de bien des dérives dans ce domaine – mais aussi à la place de l’État, du secteur public et surtout du Parti au centre de la vie économique du pays. Le problème viendrait alors peut-être du refus des marchés d’accepter ce changement.

Edition du 28 mars 2024

Espagne – Le plan de relance espagnol accélère le pas

Le montant total des subventions pour l'Espagne dans la première phase du Plan de relance s'élève à 69,5 milliards d'euros, qui seront versés jusqu'en 2026, sous réserve du respect des objectifs liés à la réalisation des investissements et des réformes. Sur cette somme, l'Espagne a reçu de la Commission européenne 37 Mds € jusqu'à présent. Au total, les fonds NGEU disponibles pour l'Espagne s'élèvent à 163 Mds € : à la première phase s'ajouteront, via l'ADENDA, 10,3 Mds € supplémentaires de subventions et jusqu'à 83,2 Mds € de prêts. Dans le budget 2023, l'Espagne a inclus 35,9 Mds € de la Facilité de reprise et de résilience, principal instrument du NGEU. Ce montant comprend des fonds des budgets précédents qui n'ont pas été alloués.Quel est le bilan en termes de réformes et d'investissements ?En 2023, de nombreux projets budgétisés ont démarré, pour un montant total d'environ 28,4 Mds € (pratiquement 80% du budget prévu pour 2023), selon les données d'exécution budgétaire. Cependant, lorsqu'il s'agit d'évaluer l'exécution des fonds, cette estimation est trop large, car elle inclut des projets dans lesquels les fonds sont disponibles pour le secteur public, mais pour lesquels les bénéficiaires des aides associées n'ont pas encore été déterminés. En se concentrant sur les versements de l'État aux bénéficiaires finaux, on constate que l'État a déboursé environ 16 Mds €, contre 24 Mds € pour l'ensemble de la période 2021-2022. Ainsi, le niveau d'exécution budgétaire des fonds lors de cette première phase du plan a été de plus de 40 Mds €, soit 59% des fonds budgétés (ce chiffre était de 34,5% fin 2022). On observe donc que l'exécution prend progressivement de la vitesse après un départ initial quelque peu hésitant. En ce qui concerne les PERTE, les appels à projets conclus depuis le début (en 2022) ont accumulé près de 12 Mds€ (dont 7 Mds€ relatifs à l'année 2023), sur un total à mobiliser de plus de 41 Mds €. On observe une forte hétérogénéité dans l'exécution entre les PERTE bénéficiant d'une dotation plus élevée. Ainsi, le projet du véhicule électrique connecté arrive à 3,6 Mds € utilisés et celui des énergies renouvelables à 3,3 Mds €, tandis que ceux du domaine des semi-conducteurs et du cycle de l'eau en sont encore à leurs stades initiaux. Dans tous les cas, la complexité de ces projets ambitieux se révèle dans l'état d'exécution budgétaire des fonds, qui devra accélérer pour épuiser les ressources en 2026. Quant aux réformes nécessaires pour recevoir les déboursements, en 2023, la plupart du calendrier convenu avec Bruxelles a été respectée. Plus précisément, la deuxième partie de la réforme des retraites, les lois sur le logement, sur l'emploi et sur les universités ont été approuvées. Les trois premières étaient prévues pour le second semestre 2022, mais elles ont été adoptées au cours du premier semestre 2023 et sont actuellement examinées par la Commission en vue d'approuver le versement de 10 Mds € demandé par l'Espagne pour le quatrième versement du NGEU. Si les fonds non exécutés en 2023 se réalisent en 2024, le montant total pourrait se situer autour de 20 Mds €, de sorte que la contribution du NGEU à la croissance du PIB cette année ne serait pas négligeable et pourrait atteindre 0,4 pp. En fin de compte, ces fonds continueront d'être l'un des piliers de la croissance.  Article publié le 22 mars 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Edition du 28 mars 2024

Afrique sub-saharienne – Trente ans après la dernière dévaluation du franc CFA, quelle stabilité pour la zone monétaire ?

Il y a trente ans, quatorze pays africains assistaient stupéfaits à la dévaluation du franc CFA de 50%. Aujourd'hui, qu'en est-il de la stabilité de la zone franc ?Tout d'abord, la zone franc est un espace économique et monétaire qui réunit l'UEMOA, la CEMAC, l'Union des Comores et la France.  - L'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) comprend le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.  - La Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) comprend le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.  - L'Union des Comores. L'objectif de la zone franc est simple : favoriser la stabilité monétaire et financière. Pour cela, le cadre institutionnel du franc CFA s'appuie sur deux principes de coopération monétaire :  - Une parité de change fixe avec l'euro ;  - Une garantie de convertibilité illimitée par le Trésor français. Ces principes sont vecteurs de plusieurs avantages, en théorie : celui de se prémunir contre le risque de change d'une part, et celui de favoriser la stabilité des prix d'autre part. Aujourd'hui, les perspectives économiques de l'UEMOA et de la CEMAC laissent entendre raison aux bienfaits de la zone monétaire qui connaît une croissance plus forte que l'ensemble de la région Afrique sub-saharienne. De plus, l'ancrage du franc CFA à l'euro a épargné les pays membres de la zone franc des effets inflationnistes de la guerre en Ukraine.   Pour autant, on constate de fortes disparités, en termes de croissance, entre l'UEMOA et la CEMAC, compte tenu de la structure différenciée de leurs échanges commerciaux : les pays de la CEMAC étant majoritairement exportateurs d'hydrocarbures contrairement aux pays de l'UEMOA. Par ailleurs, le franc CFA nourrit certaines controverses. D'un point de vue économique, la parité fixe empêche toute dévaluation compétitive. Par conséquent, le franc CFA, en tant que monnaie forte, pousse les pays membres de la zone monétaire à importer plutôt que de produire, donnant naissance à des balances commerciales souvent déficitaires. Enfin, le franc CFA ne semble pas avoir dynamisé le commerce intra-régional dans la mesure où les pays de la zone franc continuent d'échanger très peu entre eux. D'où l'ambition prêtée aux juntes qui dirigent le Mali, le Burkina Faso et le Niger d'abandonner le franc CFA. Souhaitant approfondir leur coopération économique et monétaire, les États membres de l'Alliance du Sahel (AES) ont annoncé, sur fond de rhétorique souverainiste, leur volonté de créer leur propre monnaie à l'instar de ce qu'avaient pu faire la Mauritanie ou Madagascar en 1973. Or, cette décision pourrait ne pas être sans conséquences pour la stabilité de la zone franc et, plus particulièrement, pour l'UEMOA dont on rappelle que le Mali, le Niger et le Burkina Faso représentent près de 30% du PIB.       Article publié le 22 mars 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Edition du 27 mars 2024

La Chine n'est pas le Japon des années 1980 et c'est à la fois une bonne nouvelle et un grand problème

Crise immobilière, problèmes démographiques, tensions commerciales avec les États-Unis, niveau de la dette inquiétant : les points de comparaison entre la Chine actuelle et le Japon des années 1980 sont nombreux et font redouter un scénario de "japonisation" de l'économie chinoise. Ce dernier se caractérise par un ralentissement de l'activité provoqué par une baisse de la consommation privée, le déclenchement d'une boucle prix-salaires négative alimentant la déflation, un recul de la croissance potentielle.Or, le Japon ne s'est jamais vraiment remis de sa « décennie perdue » : ce pays, que les économistes des années 1980 voyaient devenir la première puissance économique mondiale, a finalement connu près de vingt ans de stagnation de sa croissance et de ses prix.La Chine n'est pas le Japon des années 1980 et c'est à la fois un avantage et un problème. Un avantage, car elle dispose de marges de manœuvre plus étendues dans la conduite de ses politiques économiques. Un problème, car son niveau de développement et de richesse – et donc de résilience – est bien moins élevé et l'expose à des scénarios finalement plus brutaux.Du Japon, la Chine pourrait néanmoins tirer des leçons afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs. À commencer par l'adoption d'une communication claire et transparente sur les politiques menées pour réancrer les anticipations et redonner confiance.Si les parallèles sont séduisants, si des leçons peuvent être tirées, la nature du régime chinois et le resserrement autour du Parti et de son leader Xi Jinping font cependant que la Chine ne ressemblera jamais totalement au Japon, des années 1980 ou d'aujourd'hui. Et que les obstacles à surmonter pour relancer sa trajectoire de croissance sont encore loin d'être surmontés. 

Edition du 26 mars 2024

Royaume-Uni – La cible d'inflation à portée de main, la BoE plus accommodante

L'inflation s'approche un peu plus de la cible, mais des risques demeurentLe taux d'inflation des prix à la consommation, mesuré par l'indice CPI, est reparti à la baisse en février atteignant 3,4% sur un an, après 4% en décembre et en janvier (en ligne avec notre prévision, mais 0,1 point en-dessous de la prévision du consensus et de celle de la Bank of England). Il s'agit d'un plus bas depuis septembre 2021, alors que l'inflation avait atteint un pic à 11,1% en octobre 2022. Le taux d'inflation sous-jacent, mesuré par l'indice CPI hors énergie, alimentation, alcool et tabac, a aussi baissé fortement, à 4,5%, un plus bas depuis janvier 2022, après avoir été stable à 5,1% sur la période de novembre à janvier. La modération du taux d'inflation en février est en grande partie due à des effets de base favorables : l'indice CPI a progressé de 0,6% en variation mensuelle en février 2024, contre +1,1% en février 2023. Même constat pour la baisse de l'inflation sous-jacente : en variation mensuelle, l'indice CPI hors énergie, alimentation, alcool et tabac progresse de 0,6%, contre le double (+1,2%) en février 2023. La modération du taux d'inflation depuis son pic s'explique surtout par la baisse des prix de l'énergie et la nette baisse de l'inflation des biens industriels, tandis que l'inflation dans les services est la principale source de rigidité. Néanmoins, la désinflation concerne la quasi-totalité des composantes de l'indice CPI. Le taux d'inflation dans les services diminue à 6,1%, après un léger rebond en février à 6,5%. Il est au plus bas depuis janvier 2023. Le taux d'inflation des biens industriels hors énergie baisse sous 2%, à 1,9%, contre 2,7% en janvier, touchant un plus bas depuis avril 2021. L'inflation de l'énergie quant à elle remonte un peu, mais reste très négative à -13,8% contre -14,9% en janvier. Celle des produits alimentaires, alcool et tabac atteint 6,7%, en baisse continue depuis un pic à 16% en avril 2023. Les composantes qui contribuent le plus à la baisse du taux d'inflation sont l'alimentation (taux d'inflation sur un an à 5% contre 6,9% en janvier) et les prix dans les hôtels, les cafés et les restaurants (+6% sur un an contre +7% en janvier). A contrario, les services au logement et la composante transport ont exercé des pressions à la hausse sur le taux d'inflation. En effet, le taux d'inflation des services au logement augmente pour le cinquième mois consécutif, à -1,7% sur un an, après -2,1% en janvier. Celui de la composante transport augmente pour le quatrième mois d'affilée, à -0,1% sur un an, contre -0,3% en janvier. Une hausse des prix des carburants a été seulement partiellement compensée par des baisses de prix des voitures d'occasion et des services de maintenance et de réparation.  NOTRE OPINIONNous anticipons une forte baisse du taux d'inflation à court terme. En avril, l'inflation CPI atteindrait la cible de 2% grâce à une réduction d'environ 12% des tarifs de gaz et d'électricité. Nous anticipons une inflation inférieure à la cible en moyenne au deuxième trimestre avec un point bas à 1,5% en juin, avant une remontée au second semestre. L'inflation resterait toutefois proche de la cible, à un rythme prévu à 2,1% au quatrième trimestre 2024. Bien que notre scénario central table sur une inflation proche de la cible à moyen terme, les risques autour des prévisions d'inflation restent orientés à la hausse. Une nouvelle poussée inflationniste est possible si les conflits géopolitiques venaient à persister, en mer Rouge en particulier. Les indicateurs avancés ne rassurent pas complètement. Les indices des prix à la production des intrants ont continué de reculer en février, tandis que les prix des produits sortants rebondissent légèrement. De plus, les enquêtes PMI auprès des directeurs d'achat de mars, publiés la semaine dernière, signalent, d'une part, des pressions inflationnistes en hausse dans le secteur manufacturier dues aux prix des matières premières et aux coûts des transports et, d'autre part, des pressions persistantes sur les salaires dans les services. Celles-ci restent le principal facteur de hausse des coûts de production dans ce secteur. Les entreprises sont à présent plus aptes à répercuter leurs hausses de coûts sur les prix finaux dans un contexte de rebond de la demande depuis le début de l'année. À moyen terme, les principaux risques sont ceux liés à la persistance des tensions sur le marché du travail. Bien qu'un apaisement soit à l'œuvre au regard de la baisse continue des postes vacants, le taux de chômage reste bas (3,9%), la croissance des salaires est toujours trop élevée (6,1% sur les trois mois à fin janvier) et le taux d'inactivité s'inscrit de nouveau en hausse (21,8%, soit 1 point de pourcentage au-dessus de son niveau d'avant-Covid). En outre, une hausse de 10% du salaire minimum (National Living Wage) sera mise en place en avril, ainsi qu'une hausse significative des plafonds des salaires des travailleurs immigrés. Des effets de second tour risquent ainsi de continuer à tirer vers le haut les pressions inflationnistes, notamment dans les secteurs des services qui sont les plus intensifs en main-d'œuvre peu qualifiée. Bank of England : les deux membres « faucons » ont rejoint la majoritéLa banque centrale d'Angleterre (BoE) a laissé son taux directeur inchangé à 5,25% à l'issue de sa réunion de politique monétaire de mars, en ligne avec les anticipations. Les minutes de la réunion confirment que le prochain mouvement sur les taux devrait être une baisse, mais il y a des points de vue divergents sur les conditions nécessaires au passage à l'acte. À la lecture des minutes de la réunion, il nous semble qu'une réduction de taux pourrait arriver plus tôt qu'il n'est anticipé actuellement. Tout d'abord, le résultat des votes montre une inflexion dovish significative. Alors qu'en février le Comité de politique monétaire (MPC) était très divisé quant à l'orientation de la politique monétaire, à présent il n'y a qu'un seul membre dissident, Swati Dhingra. Celui-ci a continué de voter pour une baisse de taux de 25 points de base, jugeant que la politique monétaire restrictive pèse sur les niveaux de vie et sur les capacités d'offre de l'économie. Selon ce membre du MPC, les perspectives de demande restent faibles, à en juger par la baisse des postes vacants et la modération des indicateurs de croissance des salaires. La consommation des ménages n'a pas encore récupéré son niveau d'avant-Covid, contrastant avec les autres pays développés. Les deux « faucons », Jonathan Haskel et Catherine L. Mann, qui auparavant votaient pour une hausse de taux supplémentaire, ont rejoint la majorité votant pour le maintien des taux inchangés. Le MPC est unanime sur le fait que la politique monétaire pèse sur l'activité dans l'économie réelle, favorise un assouplissement du marché du travail et pousse vers le bas les pressions inflationnistes. Néanmoins, les « indicateurs-clés de persistance de l'inflation restaient élevés ». Dans le même temps, les minutes indiquent qu'il y a des points de vue divergents concernant le degré de persistance des pressions inflationnistes. D'un côté, les indicateurs nominaux de haute fréquence suggèrent d'ores et déjà la présence d'un impact significatif de la politique monétaire sur les composantes les plus persistantes de l'inflation. De l'autre, la croissance des salaires reste trop élevée et ne devrait se modérer que lentement. Il serait par ailleurs peu probable que l'inflation dans les services retourne à la cible suffisamment rapidement. Quelques risques haussiers demeurent autour des prévisions à la fois d'inflation et des salaires.   Les conditions ne sont donc pas encore réunies pour justifier une baisse de taux à ce stade et il y a une divergence de vue sur les éléments de preuve qui seraient nécessaires avant de passer à l'acte. Le Comité de politique monétaire continuera d'examiner le caractère restrictif de la politique monétaire à chaque réunion. Néanmoins, à part ces « mises en garde », les minutes incluent quelques changements de langage qui font apparaître une tonalité plus accommodante. Ainsi, il est noté que « le Comité reconnaît que l'orientation de la politique monétaire pourrait rester restrictive, même si le taux directeur venait à être réduit, étant donné qu'il se trouve déjà à un niveau restrictif. »   Le Comité envisagerait-il donc d'ores et déjà l'éventualité d'une baisse de taux qui pourrait arriver plus tôt que prévu ? C'est possible, si l'inflation continue de surprendre à la baisse. Comme nous, la BoE anticipe une baisse du taux d'inflation sous la cible au deuxième trimestre, mais elle serait suivie d'un rebond aux troisième et quatrième trimestres à près de 2,8%, une prévision probablement trop élevée. Il est vrai que les risques sont orientés à la hausse à court terme en raison des risques géopolitiques. De plus, l'économie devrait connaître une reprise pendant la première moitié de l'année, comme suggéré par les enquêtes, ce qui implique un risque haussier supplémentaire. Une politique budgétaire légèrement moins restrictive devrait y contribuer (la BoE anticipe un impact de 0,25% sur le niveau du PIB à long terme en raison des mesures annoncées par le gouvernement dans le budget de mars). En revanche, la BoE considère que les implications sur l'inflation devraient être moindres, étant donné un impact positif également escompté sur l'offre. Enfin, la BoE estime à présent que « les risques liés aux pressions domestiques sur les prix et les salaires sont équilibrés ». NOTRE OPINION On constate des orientations significativement plus « dovish » lors de cette réunion de politique monétaire de mars, qui augmentent le risque de voir la première baisse de taux arriver plus tôt que prévu. Nous anticipons toujours pour le moment une première baisse au mois d'août prochain. Une inflation des services et une croissance des salaires trop élevées, et qui ne devraient baisser que lentement, incitent effectivement à la patience. De plus, la récession étant vraisemblablement derrière nous, l'économie devrait avoir entamé un cycle de reprise graduelle depuis le début de l'année, ce qui rend moins urgente la nécessité de baisser les taux pour soutenir l'économie.Article publié le 22 mars 2023 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

Edition du 25 mars 2024

Italie – Baisse de la production industrielle en janvier

Le mois de décembre n'aura été qu'un mirage. La production industrielle a de nouveau baissé en janvier, reculant de 1,2% par rapport au mois précédent et de plus de 3% sur un an. Toutes les catégories de biens sont concernées, mais les biens de consommation durables et les biens d'équipement enregistrent les plus fortes contractions d'un mois sur l'autre, avec respectivement -4,2% et -3,6%. Seul le secteur de l'énergie enregistre une progression positive de l'indice. Sur un an, l'écart est d'autant plus important puisque pour la production de biens de consommation durables, ce dernier avoisine 12%. Par branche d'activité, sur les seize secteurs manufacturiers répertoriés par l'Istat, treize sont dans le rouge. L'électronique, le papier & bois et les produits pharmaceutiques semblent être les plus en souffrance, avec pour la pharmacie une baisse de la production de 15% sur un an. L'Italie n'est pas une exception en Europe. En zone euro, l'indice de production industrielle a baissé de 3,1% en janvier par rapport au mois précédent et de 6,1% sur un an. Les principaux partenaires de l'Italie enregistrent également un mois de janvier en demi-teinte. En France, la production du secteur perd un point, tandis qu'en Allemagne, la légère reprise de janvier masque une industrie encore en difficulté, avec un recul de l'indice de près de 5,5% sur un an.  Article publié le 22 mars 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Edition du 22 mars 2024

Monde – L'actualité de la semaine

Des marchés financiers satisfaits des perspectives de baisse des taux. Italie : baisse de la production industrielle en janvier. Allemagne : évolution positive du climat des affaires. Espagne : le plan de relance espagnol accélère le pas. Royaume-Uni : l'inflation s'approche un peu plus de la cible, mais des risques demeurent. BoE : les deux membres ʺfauconsʺ ont rejoint la majorité. Chine : confiance, guerre des prix et crédibilité, les maîtres-mots de ce début d'année. Bahreïn : la réforme fiscale doit se poursuivre pour sortir le pays des soutiens externes. Afrique sub-saharienne : trente ans après la dernière dévaluation du franc CFA, quelle stabilité pour la zone monétaire ?

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