Afrique – Banque mondiale et FMI : ce que nous apprennent les dernières prévisions

Afrique – Banque mondiale et FMI : ce que nous apprennent les dernières prévisions

En résumé

Banque Mondiale et FMI viennent de publier leurs dernières prévisions pour l’Afrique sub-saharienne. Si les pays développés sont les principaux bénéficiaires du plan de relance américain, les deux institutions font également preuve d’un peu plus d’optimisme pour l’Afrique sub-saharienne. En 2020, le PIB de la zone ne devrait se contracter que de 2%, contre une récession attendue à -3% en octobre dernier par le FMI. Par rapport aux prévisions de janvier 2020, ce seront donc 5,5 points de croissance qui auront été perdus. Si l’Afrique sub-saharienne s’en tire mieux que d’autres régions, la pression démographique veut que cette chute de 2% de l’activité corresponde à un recul de 5% du PIB par tête. Une reprise plus vigoureuse que prévue aux 3e et 4e trimestres 2020 aura permis d’éviter le pire. La bonne performance du Nigéria, la première économie de la zone qui a su se sortir de la récession dès le 4e trimestre, a notamment participé à ce rebond.

Cette reprise de l’activité tient à deux choses : premièrement, une situation sanitaire moins grave que prévu une fois les premiers confinements passés, permettant de lever la plupart des restrictions au second semestre 2020. Autre raison, la résilience du prix des matières premières (hors pétrole) a soutenu l’activité dans les pays miniers et agricoles durement affectés aux premières heures de la pandémie par les difficultés logistiques. Le prix des denrées alimentaires a connu une hausse tout au long de la pandémie, tandis que le prix des métaux a rebondi vigoureusement après un court passage à vide au plus fort de la pandémie. Seul le pétrole peine à retrouver son niveau de prix pré-pandémie mais les premiers mois de 2021 ont permis au cours de rattraper l’essentiel de son retard. Indépendamment des prix, les chiffres de la Banque mondiale confirment la contribution positive des secteurs agricoles à la croissance en 2020.

Des divergences qui se creusent en 2021

Pour ce qui est de 2021, les prévisions ont également été revues à la hausse de 0,2 point, soit une croissance attendue entre 2,3% et 3,4% pour l’ensemble de la zone selon la Banque mondiale (le FMI prévoit désormais une croissance de 3,4% contre 3,1% en octobre). Pourtant, selon le FMI, les trois premières économies de la région, le Nigéria, l’Afrique du Sud et l’Angola, devraient être à la peine. Seul le Nigéria retrouvera son niveau d’activité d’avant-crise en 2021 tandis que l’Afrique du Sud et l’Angola ne devraient toujours pas l’avoir retrouvé fin 2022. Dans l’ensemble, les économies les plus dynamiques en 2021 devraient être celles qui ont le mieux résisté en 2020. On retrouve donc dans cette liste les économies diversifiées d’Afrique de l’Ouest. Pour ce qui est des pays pétroliers, la remontée des cours du pétrole ne leur profitera que modérément en raison des limites de production imposées par l’OPEP+ et, pour certains d’entre eux, en raison de la maturité de leurs champs pétroliers. Paradoxalement, ce sont également ces pays qui selon la Banque mondiale devraient en 2021 être le moins éloignés de la trajectoire de croissance qui leur était prédit avant la crise, ce en raison de perspectives de croissance alors déjà faibles.

En revanche, cette hausse des prix du pétrole devrait avoir un impact sur les comptes courants de la région au profit des pétroliers et au détriment des autres pays. La dégradation des comptes courants devrait être particulièrement marquée dans les pays miniers où les projets d’investissement, et donc les importations de biens d’équipements, devraient reprendre sur fond de hausse du cours des matières premières.

Les divergences pourraient également apparaître sur le front sanitaire avec la diffusion du variant sud-africain. Celui-ci a déjà coûté à l’Afrique du Sud son dynamisme au mois de janvier quand le pays a dû prendre des mesures responsables de la fermeture d’environ 20% de son économie. L’effet de cette seconde vague est d’ailleurs toujours perceptible dans la confiance des ménages et des entreprises, qui a connu un léger recul en ce début d’année malgré la reprise progressive de l’activité. Aujourd’hui, c’est l’Éthiopie qui fait face à une seconde vague. L’incertitude, durablement installée suite à la lenteur de la campagne vaccinale, pèsera donc tout au long de l’année 2021, et sans doute encore en 2022, sur l’investissement privé dans les secteurs les plus affectés par les restrictions sanitaires, tourisme en tête.

Notre opinion – Ces nouvelles prévisions ne changent pas fondamentalement les perspectives pour la région mais confirment la hiérarchie entre les pays pour la reprise. Si la situation sanitaire concentre les principales incertitudes, l’accès au financement devrait également déterminer la capacité des États à orchestrer leur reprise. Les problématiques de besoins de financement restent aiguës. À ce titre, le prolongement par le G20 de l’Initiative de Suspension du Service de la Dette à l’ensemble de l’année sera un des outils à la disposition des États. Un certain nombre d’États sub-sahariens semblent également conserver un appétit pour l’émission de nouveaux Eurobonds. Sans surprise, les premières émissions depuis la crise ont été réalisées par des pays d’Afrique de l’Ouest, à savoir la Côte d’Ivoire et plus récemment le Ghana. Les investisseurs semblent eux aussi avoir conservé un appétit pour ce type de dette, comme en témoignent les conditions de financement obtenues par le Ghana en dépit d’une charge de la dette déjà très élevée. Cela pourrait inciter des pays tels que le Cameroun, le Benin ou le Nigéria à revenir dès 2021 sur ce marché des capitaux.

Article publié le 9 avril 2021 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

Afrique – Banque mondiale et FMI : ce que nous apprennent les dernières prévisions

Ces nouvelles prévisions ne changent pas fondamentalement les perspectives pour la région mais confirment la hiérarchie entre les pays pour la reprise. Si la situation sanitaire concentre les principales incertitudes, l'accès au financement devrait également déterminer la capacité des États à orchestrer leur reprise.

Nathan QUENTRIC, Economiste