Royaume-Uni – La BoE, partagée, a maintenu le statu quo en novembre
- 09.11.2021
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En résumé
Douche froide pour les marchés outre-Manche. Ou plutôt douche tiède. Voici que la BoE a infirmé leurs anticipations de resserrement ultra-agressif de la politique monétaire à très brève échéance (jeudi matin les marchés tablaient sur une hausse du taux directeur de 120 points de base d’ici décembre 2022), anticipations qu’elle a elle-même nourri par une communication devenue plus hawkish ces dernières semaines.
Le comité de politique monétaire a voté par 7 voix contre 2 le maintien du taux directeur à 0,1%. Deux membres ont en effet voté pour un relèvement du Bank rate à 0,25%. Toutefois, ce n’était ni le gouverneur Andrew Bailey ni le chef économiste Huw Pill, contrairement à ce que l’on pouvait craindre au regard de leurs commentaires récents, mais les faucons habituels Michael Saunders et Dave Ramsden. Ces derniers ont par ailleurs continué de voter pour la fin précoce des achats d’actifs et ont été rejoints par Catherine L. Mann dans leur vote pour la réduction de la taille cible du programme d’achats de titres souverains de 20 à 855 milliards de livres. La majorité du comité a tout de même considéré la politique actuelle comme appropriée et les achats de gilts se poursuivront comme prévu jusqu’à la fin de l’année et jusqu’à ce que l’enveloppe entière de 150 Mds £ soit utilisée. La seule décision qui a été unanime concernait le stock de titres obligataires d’entreprises, maintenu à 20 Mds £. La taille cible de la totalité des titres achetés (titres d’entreprises et titres souverains) reste donc à 895 Mds £. Une fois la taille cible atteinte, les actifs arrivant à maturité seront réinvestis afin de maintenir le stock à sa cible tant que le taux directeur reste inférieur à 0,5%.
Plusieurs facteurs ont motivé le maintien du statu quo à l’issue de cette réunion de novembre :
- La BoE a jugé qu’il était raisonnable d’attendre les données officielles sur l’évolution du marché de travail sur la période consécutive à la fin du dispositif de chômage partiel avant de décider quand précisément le resserrement monétaire pouvait intervenir. Pour le moment, la BoE s’est contentée d’affirmer qu’il sera nécessaire d’augmenter le taux directeur "dans les prochains mois", afin que l’inflation revienne à la cible de manière soutenable, si le marché du travail se comportait comme prévu (sans hausse significative du taux de chômage au quatrième trimestre). Le resserrement monétaire sera toutefois "modeste" et donc en-deçà des anticipations des marchés sur lesquelles la BoE a fondé ses nouvelles projections (à savoir un taux directeur en hausse à 1% d’ici fin 2022). Les nouvelles projections de la BoE, établies sous l’hypothèse de ces anticipations de marché, font état d’une inflation légèrement en-deçà de la cible de 2% à la toute fin de la période de prévision (2024) avec un pic à 4,8% au deuxième trimestre 2022 (en moyenne).
- La BoE craint des risques baissiers sur la demande en lien avec l’impact de la hausse des prix sur les revenus réels des ménages. Les hausses des prix de l’énergie annoncées et à venir (la BoE s’attend à une forte hausse des prix administrés en avril 2022, qui pousserait le taux d’inflation CPI à un pic de 5%) et, plus globalement, les chocs sur l’inflation liés aux goulets d’étranglement vont conduire à une baisse des revenus réels des ménages en 2022 et en 2023, selon les projections de la BoE. Ces chocs, exogènes et toujours considérés comme transitoires, constituent en eux-mêmes un resserrement des conditions financières, amenuisant la nécessité de resserrer la politique monétaire pour éviter une surchauffe de l’économie.
- Les pressions globales sur les prix sont toujours considérées comme transitoires, conduisant à une hausse temporaire des prix à la consommation plutôt qu’à des taux d’inflation élevés de manière persistante. Or, la politique monétaire n’est pas censée répondre à des facteurs de nature transitoire, mais doit se focaliser sur les perspectives de moyen terme, y compris les anticipations d’inflation à moyen terme.
- Enfin, la BoE note l’asymétrie des coûts/bénéfices dans la conduite de la politique monétaire lorsque l’on est proche de la limite basse effective du taux directeur, car les marges d’accommodation supplémentaire en cas de choc sur la demande sont beaucoup plus faibles que les possibilités de resserrement. Si un empressement de la part de la BoE pour retirer l’accommodation d’urgence est compréhensible afin de se reconstituer des marges de manœuvre pour le futur, attendre pour choisir le bon moment pour le faire est tout aussi valable pour éviter d’ajouter inutilement un choc supplémentaire sur les chocs déjà présents et pesant sur la demande.
Notre opinion – Bien que les prévisions de croissance aient été révisées à la baisse pour cette année et l’année prochaine (de 7,2% à 7% pour 2021 et de 6% à 5% pour 2022) et qu’une rechute de l’inflation est toujours anticipée au cours de la seconde moitié de 2022, la BoE a confirmé qu’elle était sur la voie du resserrement monétaire. La fin des achats d’actifs sera suivie sans trop attendre par un relèvement du taux directeur.
Deux aspects-clés restent tout de même entourés de la plus grande incertitude : le calendrier des hausses de taux et leur ampleur, la BoE se contentant de signaler qu’elle remontera les taux "dans les prochains mois" et que le resserrement sera "modeste". De plus, le resserrement est conditionné par les données officielles sur le marché du travail, à savoir celles qui couvrent la période après la fin du chômage partiel (30 septembre) : l’ONS publiera les données du mois d’octobre le 13 décembre, quelques jours seulement avant la prochaine réunion du MPC (16 décembre).
Si une hausse du taux directeur en décembre est donc possible, il faudrait, selon nous une très bonne surprise dans les chiffres officiels pour que la BoE se décide à augmenter les taux la veille de Noël. La réunion de politique monétaire de février semble plus probable pour le premier relèvement de taux. Encore faut-il que les données d’ici là ne soient pas trop décevantes et là les risques restent toujours orientés à la baisse.
Article publié le 5 novembre 2021 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

Bien que les prévisions de croissance aient été révisées à la baisse pour cette année et l'année prochaine (de 7,2% à 7% pour 2021 et de 6% à 5% pour 2022) et qu'une rechute de l'inflation est toujours anticipée au cours de la seconde moitié de 2022, la BoE a confirmé qu'elle était sur la voie du resserrement monétaire. La fin des achats d'actifs sera suivie sans trop attendre par un relèvement du taux directeur.
Slavena NAZAROVA, Economiste - Royaume-Uni, Pays scandinaves et Irlande