Gaz naturel – Malgré de gros efforts d'adaptation de son réseau gazier, l'Europe reste otage de la Russie

Gaz naturel – Malgré de gros efforts d'adaptation de son réseau gazier, l'Europe reste otage de la Russie
  • L'Europe s'en sort bien au premier semestre 2022
  • Les flux de gaz naturel intra-européens se sont inversés
  • Plusieurs infrastructures en Europe opèrent déjà au maximum de leurs capacités
  • Le second semestre 2022 sera plus incertain
  • L'installation rapide de terminaux flottants est le seul recours de l'Europe pour diminuer les risques de rationnement en 2023
  • Le gaz naturel, un moyen pour la Russie de maintenir les alliés divisés

En résumé

Sur le premier semestre 2022, l'Europe est parvenue à compenser la baisse des importations de gaz russe grâce à la forte mobilisation des terminaux de regazéification. L'essor du négoce du GNL (gaz naturel liquéfié) en Europe a provoqué une inversion des flux gaziers intra-européens d'ouest vers l'est.

Plusieurs infrastructures européennes (terminaux, gazoducs, interconnexions) fonctionnent déjà à pleine capacité, limitant ainsi la possibilité d'augmenter substantiellement les flux de gaz vers l'Europe centrale et l'Italie. Si les flux de Nordstream 1 reste au niveau enregistré entre la mi-juin et la mi-juillet et si l'Europe paie le prix pour attirer les cargaisons de GNL, alors les infrastructures actuelles devraient être suffisantes pour terminer l'année 2022 avec un risque minimal de rationnement. Pour assurer la sécurité d'approvisionnement de gaz naturel l'hiver prochain, certains terminaux de regazéification et certaines interconnexions devront continuer à fonctionner à pleine capacité pendant tout le second semestre.

L'année 2023 s'annonce, par contre, potentiellement plus difficile et incertaine. Si Nordstream 1 ne retrouve pas rapidement ses flux "normaux" après la probable réception des pièces détachées incriminées dans les réductions des exportations via Nordstream 1, l'Europe devra réussir sans délai à mettre en service les premiers terminaux flottants qu'elle vient d'affréter en Allemagne et aux Pays-Bas.

En l'absence de nouvelles capacités significatives de liquéfaction de gaz naturel avant 2025, l'ajout de terminaux flottants d'importation en Europe ne devrait pas pour autant détendre substantiellement les prix du gaz naturel à court et moyen termes.

Gaz naturel – Malgré de gros efforts d'adaptation de son réseau gazier, l'Europe reste otage de la Russie

En jouant sur la répartition de son gaz à travers ses différents gazoducs, la Russie a le moyen d'entretenir la division entre pays européens. L'enjeu de l'approvisionnement en gaz naturel en Europe risque d'entretenir les divergences géopolitiques entre, d'une part, la Pologne et les pays baltes, partisans souvent d'une confrontation totale avec la Russie, et, d'autre part, l'Allemagne, les Pays-Bas et la France ouverts à quelques entorses à la doctrine d'isolement de la Russie. La Pologne et les pays baltes, qui n'ont aucun intérêt stratégique dans Nordstream 1, continueront à s'opposer à la route nord du gaz russe et à soutenir le transit du gaz russe par l'Ukraine.

Stephane FERDRIN, Ingénieur-Conseil