Zone euro – Face au rapprochement de la menace, l'UE accélère REpowerEU

Zone euro – Face au rapprochement de la menace, l'UE accélère REpowerEU

En résumé

Avec la récente réduction par Gazprom de l’approvisionnement en gaz à destination des entreprises de cinq pays, ce sont désormais douze États membres de l’Union européenne (UE) qui sont directement touchés par la baisse, voire l’arrêt complet, des livraisons de gaz de Russie. Aujourd'hui, les exportations de gaz russe vers l'UE représentent la moitié de ce qu'elles étaient il y a un an.

Le système gazier européen a bien réagi et a pu jusqu'à présent absorber les coupures en rendant opérationnel le plan REPowerEU : au mois de mai, les livraisons de GNL – avec 12,8 milliards de m3 – ont atteint un quart des 50 milliards de m3 supplémentaires prévus par le plan pour remplacer les importations de gaz russe. Le stockage progresse avec un taux de remplissage supérieur à 56%, soit plus que la moyenne historique. Le Conseil européen et le Parlement européen ont répondu rapidement à la demande de la Commission d’adopter les modifications à la réglementation relative au stockage en exerçant une pression sur les entreprises pour qu'elles agissent et garantissent par le stockage une marge de sécurité supplémentaire pour passer l'hiver, en cas d'interruption totale de l'approvisionnement en gaz russe.

Ce risque est de plus en plus présent et Gazprom a déjà annoncé une maintenance de Nord Stream 1 du 11 au 21 juillet. On ne peut donc pas exclure que la Russie prenne d'autres décisions pour couper l’approvisionnement à cette occasion.

Les ministres européens de l’Énergie se sont donc accordés sur un plan d'action qui s’articule autour de six actions pour se préparer à l'hiver.

  • Renforcer la surveillance et la coordination par l'intermédiaire du groupe de coordination pour le gaz pendant les mois d'été.
  • Remplacer la consommation de gaz par d'autres combustibles dès que possible, dans les secteurs industriels, mais aussi pour l'électricité et le chauffage.
  • Stimuler les économies d'énergie et l'efficacité énergétique dès maintenant. Un certain nombre de mesures avaient été identifiées dans REPowerEU, permettant de réduire rapidement la consommation de pétrole et de gaz de 5%.
  • Actualiser les plans nationaux d'urgence et conclure les accords de solidarité en suspens, dont seulement six sont en place. 
  • La Commission s’est engagée à présenter un plan coordonné de réduction de la demande. Sur la base d’une analyse actualisée des scénarios pour l'hiver prochain, elle proposera des bonnes pratiques pour économiser le gaz de manière préventive et des orientations sur la gestion de la demande des consommateurs non protégés, en particulier l'industrie.
  • Redoubler d'efforts pour la diversification des approvisionnements sans se concurrencer entre pays membres, grâce à la plateforme énergétique de l'UE qui se met rapidement en place. Une coopération étroite avec les États-Unis s'est déjà traduite par un niveau record de 28 milliards de m3 de livraison de GNL prévus au total pour l’année 2022. Une déclaration commune avec la Norvège ainsi qu’un protocole d'accord avec l'Égypte et Israël ont été conclus. Un autre mémorandum, destiné à préparer le terrain pour doubler la capacité du gazoduc transadriatique, est en cours de négociation avec l'Azerbaïdjan. Les outils juridiques nécessaires à de futurs achats conjoints sont en cours d’élaboration par la Commission.

Le règlement de l'UE sur le stockage du gaz exige que les réserves de gaz de l'Europe soient remplies avant l'hiver et que leur gestion soit protégée contre toute interférence extérieure. Les nouvelles règles exigent des États membres qu'ils remplissent les installations de stockage à 80% de leur capacité d'ici novembre. Ceux dépourvus d'infrastructures de stockage sont tenus de convenir d'accords bilatéraux pour que des quantités suffisantes soient stockées pour leur usage dans les pays voisins, dans un esprit de solidarité. Les installations de stockage de gaz seront désormais considérées comme des infrastructures critiques et tous les opérateurs de stockage dans l'UE devront se soumettre à un nouveau processus de certification afin de réduire les risques d'interférences extérieures.

La Commission a été mandatée par le Conseil européen et par le G7 pour proposer des mesures supplémentaires pour réduire la flambée des prix. L’objectif de ces nouvelles mesures est aussi d’empêcher la Russie de tirer profit de sa guerre d'agression par la réduction des recettes russes provenant des hydrocarbures. La possibilité d'introduire des plafonds temporaires pour les prix à l'importation est envisagée.

Notre opinion – Les propositions sur le plafonnement des prix de l’énergie de la Commission sont attendues pour le Conseil européen d’octobre. Entretemps, l’épée de Damoclès d’une nouvelle interruption des livraisons de gaz russe pourrait se matérialiser. Ces coupes s'inscrivent dans une stratégie délibérée d’instrumentalisation du commerce du gaz, visant à répandre l'incertitude, à déstabiliser le marché européen et à empêcher le remplissage adéquat des stockages. Elles sont conçues pour augmenter les prix de l'énergie et compromettre la sécurité de l'approvisionnement. La matérialisation d’un scénario d’interruption totale de l’approvisionnement en gaz aura un impact qui se chiffre à environ 2 points de croissance en moins pour la zone euro par rapport à notre scénario central à 2,5% en 2022 et à 1,1% en 2023. Cet impact s’explique par l’amplification de trois chocs : un choc d’offre plus fort lié au rationnement, un choc de demande plus mordant lié à une inflation plus élevée et un choc de confiance plus marqué qui passe par une révision de la valorisation des actifs. Plus cet arrêt interviendra tardivement dans notre scénario, plus les effets de substitution et les ajustements pourront opérer et limiter l’impact sur la croissance. La substitution par d’autres sources est en effet possible mais elle est néanmoins limitée à court terme, notamment pour le gaz. Un quart de l’input de gaz utilisé dans la production d’électricité peut être, plus ou moins facilement, remplacé par d’autres sources d’énergie selon les pays en fonction de leur bouquet énergétique. Si la demande d’énergie par les ménages, l’industrie et les services peut trouver des substituts grâce à d’autres intrants ou d’autres produits finaux moins intensifs en gaz et en énergie, le gaz n’est en revanche pas remplaçable dans de nombreux processus industriels (par exemple, la chimie). Les estimations de l’élasticité de substitution du gaz dans l’économie des pays de la zone euro suggèrent une substituabilité de l’ordre de 10% à 20% à court terme qui peut cependant augmenter à long terme. Si cette élasticité n’est pas élevée, le simple fait qu’elle ne soit pas nulle, réduit radicalement l’impact négatif du choc sur l’offre. Face à ce choc puissant, l’action des politiques économiques sera alors cruciale pour en atténuer l’effet sur l’activité mais sera contrainte par des arbitrages plus complexes.

Article publié le 1er juillet 2022 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

Zone euro – Face au rapprochement de la menace, l'UE accélère REpowerEU

Le Conseil européen et le Parlement européen ont répondu rapidement à la demande de la Commission d'adopter les modifications à la réglementation relative au stockage en exerçant une pression sur les entreprises pour qu'elles agissent et garantissent par le stockage une marge de sécurité supplémentaire pour passer l'hiver, en cas d'interruption totale de l'approvisionnement en gaz russe. Ce risque est de plus en plus présent et Gazprom a déjà annoncé une maintenance de Nord Stream 1 du 11 au 21 juillet. On ne peut donc pas exclure que la Russie prenne d'autres décisions pour couper l'approvisionnement à cette occasion.

Paola MONPERRUS-VERONI, Economiste