Chine – La publication des chiffres de croissance n'éteint pas les inquiétudes du marché
- 10.11.2022
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En résumé
Les marchés ont été peu convaincus par la démonstration de Xi Jinping qui s'est assuré les pleins pouvoirs au sein du comité permanent en nommant ses fidèles, dont Li Qiang, jusqu'ici secrétaire du PCC à Shanghai, qui devrait devenir son prochain Premier ministre.
Les bourses de Hong Kong, Shanghai et Shenzhen ont ainsi décroché au lendemain des annonces. Les investisseurs traduisent leur inquiétude de voir de nouveaux resserrements réglementaires se produire, notamment dans le secteur de la tech. Les entreprises technologiques (Alibaba, Tencent, Meituan) ont d'ailleurs enregistré les chutes les plus lourdes.
Autre inquiétude : que la stratégie zéro-Covid, si coûteuse en termes d'activité, ne se poursuive encore longtemps. Un scénario de plus en plus plausible, tant il est maintenant indissociable de la personne de Xi Jinping, qui en a plusieurs fois loué les bénéfices lors de son discours inaugural.
La publication – attendue car repoussée sans justification d'une semaine – des chiffres d'activité du troisième trimestre n'ont pas permis de dissiper les doutes.
Certes, les chiffres de croissance sont meilleurs que ceux anticipés par le consensus : 3,9% en glissement annuel, 3% de croissance cumulée depuis janvier. Un peu d'air bienvenu après les 0,4% du catastrophique deuxième trimestre, pas assez pour se rapprocher de la cible initiale de 5,5% de croissance en 2022.
Et surtout, comme au deuxième trimestre, les contributions à la croissance demeurent – trop – équilibrées : 1,2 point de pourcentage (pp) pour la consommation, 0,8 pp pour l'investissement, 1 pp pour le commerce extérieur. Cela n'est pas une bonne nouvelle, car cela signifie que la consommation reste atone, un constat confirmé par les ventes au détail qui ont nettement ralenti en septembre (2,5% en glissement annuel, après 5,4% en août), sur fond de confinements locaux.
Le mois d'octobre ne s'annonce pas franchement meilleur sur ce plan : les premières données liées à la Golden Week (1-7 octobre) sont décevantes, avec une fréquentation des cinémas en baisse, et des déplacements touristiques entre provinces toujours très limités par les mesures sanitaires.
Autre spectre qui continue de peser sur la demande, le chômage des jeunes, qui commence à ralentir après avoir frôlé les 20% en juillet, mais demeure à un niveau très élevé (17,9% en septembre).
C'est donc sur les exportations que repose encore principalement l'activité. Ces dernières commencent aussi à ralentir (5,7% en septembre en glissement annuel), mais continuent d'alimenter un solde commercial toujours plus élevé (903 milliards de dollars en septembre, contre 635 Mds en septembre 2021), alors que les importations stagnent (0,3% en septembre en glissement annuel, comme en août).
La production industrielle a pourtant progressé rapidement (6,3% en septembre en glissement annuel), ce qui ne cadre pas très bien avec le reste des indicateurs. Cela peut traduire des phénomènes de stockage, auquel cas un renversement de la courbe pourrait vite se matérialiser, ou bien une accélération de la demande publique, une réponse classique des autorités chinoises dans les phases de ralentissement du cycle. Un sentiment confirmé par les chiffres de l'investissement public dans les infrastructures (8,3% en septembre en glissement annuel), destiné à soutenir la production de ciment et d'acier, secteur traditionnel de surcapacités en Chine, et par les indices PMI d'octobre, qui sont entrés en zone de contraction.
Des surcapacités qui sont encore loin de retrouver leur débouché naturel dans le secteur immobilier. Les mises en chantier continuent de se contracter, et sont en recul de près de 40% par rapport à janvier. Les ventes commencent tout juste à se stabiliser à un niveau très bas (-25% depuis janvier) car les acheteurs craignent toujours que les difficultés financières des promoteurs ne les empêchent de mener les chantiers à terme.
Article publié le 28 octobre 2022 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

Mois après mois, le modèle de croissance chinois continue de se déséquilibrer. Avec un secteur immobilier à l'arrêt, le recours aux politiques traditionnelles, qui avaient jusqu'ici toujours permis de soutenir le cycle en phase de retournement, ne fonctionne plus. Les rares mesures de soutien à la consommation ne concernent qu'une partie infime de la population : avec 600 millions de Chinois vivant avec moins de 200 euros par mois, les subventions à l'achat de véhicules électriques ne vont pas résoudre la crise de confiance qui s'installe progressivement chez les consommateurs. La poursuite sans fin de la stratégie zéro-Covid et le chômage des jeunes empêchent toujours une large frange de la population de se projeter avec optimisme dans l'avenir et de libérer une partie de leur épargne de précaution. Or, alors qu'une récession est annoncée dans les économies avancées, c'est sur son marché intérieur que la Chine devrait compter.
Sophie WIEVIORKA, Economiste - Asie (hors Japon)