Europe – Les 27 un peu plus unis sur l'énergie
- 19.09.2022
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En résumé
Après le Conseil des ministres européens de l'Énergie du 9 septembre, le mandat a été donné à la Commission européenne de préparer des propositions concrètes sur des moyens pour réduire l'impact de la hausse des prix de l'énergie sur les consommateurs finaux.
Dans son discours sur l'état de l'Union, la présidente Ursula von der Leyen a déjà apporté des propositions concrètes sur certains points.
La Commission propose que les États membres se donnent pour objectif de réduire la demande globale d'électricité d'au moins 10 % jusqu'au 31 mars 2023. Ils peuvent choisir les mesures appropriées pour parvenir à cette réduction, y compris des compensations financières. En particulier, la Commission propose l'obligation de réduire la consommation d'électricité d'au moins 5 % pendant certaines heures de pointe de prix. Elle cible donc les heures de consommation d'électricité les plus coûteuses, lorsque la production d'électricité à partir du gaz a une incidence significative sur le prix. Cette réduction de la demande aux heures de pointe entraînerait une réduction de la consommation de gaz de 1,2 milliard de mètres cubes sur une période de quatre mois, soit 3,8% de la consommation du gaz pour l'électrification.
La Commission propose aussi un plafond temporaire aux recettes des producteurs d'électricité « inframarginaux », soit ceux recourant à des technologies à moindre coût (les énergies renouvelables, le nucléaire et le lignite), qui fournissent de l'électricité au réseau à un coût inférieur au niveau de prix fixés par les producteurs « marginaux » plus chers. Le plafond des recettes inframarginales devrait être fixé à 180 euros/MWh. Les recettes supérieures à ce plafond seraient perçues par les gouvernements et utilisées pour aider les consommateurs d'énergie à amortir la hausse de leurs factures.
Une contribution de solidarité temporaire sur les bénéfices excédentaires réalisés dans les secteurs du pétrole, du gaz, du charbon et du raffinage qui ne sont pas couverts par le plafond des recettes inframarginales est aussi proposée. Cette contribution serait perçue sur les bénéfices de 2022 excédant de plus de 20 % les bénéfices moyens des trois années précédentes. La Commission permet désormais aux États d'étendre aux petites et moyennes entreprises les prix réglementés déjà pratiqués pour certains consommateurs vulnérables. Les États sont également encouragés à conclure des accords bilatéraux de solidarité afin que les États producteurs partagent une partie des recettes inframarginales avec les États dont la production d'électricité est faible.
Concernant la question de la réduction du prix du gaz et de l'électricité, les divergences sont plus importantes et le sujet bien plus complexe, techniquement et politiquement. La Commission s'est donc engagée à approfondir les discussions avec les États sans fournir plus de précisions. On sait que la Commission a une préférence pour le plafonnement du prix du gaz importé par gazoduc de Russie, car c'est surtout sur celui-ci que les manipulations de marché s'opèrent. Au sein du Conseil, une majorité de pays souhaitent élargir le plafonnement aussi au GNL, mais la Commission reste sceptique, craignant les conséquences sur l'offre dans un marché fortement compétitif. Elle préfère obtenir des prix plus attrayants par des accords bilatéraux ou en faisant peser le pouvoir d'oligopsone de l'UE via la plateforme commune d'achats.
Au total, les mesures proposées permettent de mettre en œuvre une certaine redistribution des gains et des pertes et de limiter la charge sur les budgets des États. Mais elles n'ont aucun impact sur l'inflation. Si la politique budgétaire s'en trouve un peu soulagée, la politique monétaire se retrouve en revanche face à la tâche impossible de maîtriser une inflation importée. Elle ne peut que limiter la propagation de l'inflation aux autres composantes que l'énergie en infléchissant la demande. L'arbitrage s'opère donc entre une récession et un dérapage des anticipations d'inflation. Seules des mesures règlementaires de plafonnement du prix du gaz et de l'électricité pourraient modérer l'inflation et sortir la BCE de ce dilemme.
Article publié le 16 septembre 2022 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine
Vous pouvez consulter également « Europe – Les 27 testent leur unité au travers du plafonnement du prix du gaz et de l'électricité », paru le 13/09/2022

Les mesures proposées permettent de mettre en œuvre une certaine redistribution des gains et des pertes et de limiter la charge sur les budgets des États. Mais elles n'ont aucun impact sur l'inflation. Si la politique budgétaire s'en trouve un peu soulagée, la politique monétaire se retrouve en revanche face à la tâche impossible de maîtriser une inflation importée. Elle ne peut que limiter la propagation de l'inflation aux autres composantes que l'énergie en infléchissant la demande. L'arbitrage s'opère donc entre une récession et un dérapage des anticipations d'inflation. Seules des mesures règlementaires de plafonnement du prix du gaz et de l'électricité pourraient modérer l'inflation et sortir la BCE de ce dilemme.
Paola MONPERRUS-VERONI, Economiste