Pétrole – Scénario 2023-2024 : la remontée des cours se fait désirer
- 19.07.2023
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En résumé
Si les réductions de production annoncées par l'OPEP+ n'ont pas eu l'effet escompté sur les cours, elles pourraient bien finalement tendre le marché sur le second semestre 2023 et en 2024, à condition toutefois qu'elles soient bien appliquées.
Les réductions successives de quotas de l'OPEP+ et l'annonce récente de l'Arabie saoudite de réduire d'un million de barils supplémentaires par jour, en juillet prochain, ne parviennent pas à relancer les cours au-delà de la barre des 80 dollars par baril. Il faut dire que les craintes de récession pèsent sur la demande, notamment dans les pays de l'OCDE. Alors que, selon l'Agence Internationale de l'Énergie, la demande mondiale en pétrole devrait augmenter de 2,2 millions de barils par jour en 2023, la croissance de la demande des pays de l'OCDE ne devrait pas dépasser 300 000 barils par jour. L'Asie devrait donc rester le moteur principal de la croissance de la demande en pétrole en 2023, comme le suggère l'augmentation de la demande chinoise en mars et avril derniers.
Malgré une volonté affichée de réduire sa production, l'OPEP+ ne parvient toujours pas à atteindre ses objectifs. En cumulant les réductions annoncées en novembre 2022 et avril 2023, l'OPEP+ devrait produire 3,66 millions de barils de moins qu'en août 2022. Selon les données de l'Agence Internationale de l'Énergie, au mois de mai 2023, l'OPEP+ n'aurait réduit sa production que de 1,35 million de barils par jour par rapport à août 2022. Alors que les quatre gros producteurs du Moyen-Orient (Arabie saoudite, Irak, Koweït et Émirats arabes unis) ont réduit leur production de 1,9 million de barils par jour, d'autres membres de l'OPEP+ se montrent moins disciplinés. C'est notamment le cas du Nigéria et du Kazakhstan, dont les pétroles sont particulièrement appréciés par l'Europe comme substitut de choix au pétrole russe. L'Iran, qui n'est pas soumis aux systèmes de quotas, augmente également sa production malgré l'embargo. Quelques fissures apparaissent dans la cohésion de l'OPEP+. Plusieurs pays semblent reprocher un manque de transparence du système de quotas mis en place par l'axe Arabie saoudite-Russie. Hors OPEP+, de nombreux pays producteurs ont aussi augmenté leur production de pétrole. C'est le cas des États-Unis avec environ 650 000 barils par jour entre les mois d'août 2022 et avril 2023. Sur la même période, les États-Unis ont également prélevé l'équivalent de 350 000 barils par jour sur leurs réserves stratégiques, permettant ainsi de compenser la majeure partie des baisses nettes de production de l'OPEP+.
Notre scénario se fonde sur une relative bonne cohésion au sein du groupe OPEP+ en 2023 et 2024, avec une Arabie saoudite toujours prête à défendre le cartel qu'elle dirige, en modulant sa production en fonction de celles des autres membres du groupe. La production américaine devrait commencer à atteindre un possible plateau autour de 19 millions de barils par jour. Nous estimons que les technologies nécessaires pour booster les productions de roches-mères ne seront pas encore largement déployées en 2023 et 2024. Pour limiter l'effet sur les prix de la réduction d'un million de barils par jour cet été pendant la "driving season" aux États-Unis mais aussi en Europe, les États-Unis continueront à prélever sur leurs réserves stratégiques jusqu'à la fin du troisième trimestre 2023 à un rythme toutefois plus faible que celui de 670 000 barils par jour entre le 25 février et le 31 décembre 2022.
Dans l'hypothèse d'une relative bonne discipline et d'une cohésion de l'OPEP+, les capacités de l'offre à s'adapter à une augmentation de la demande devraient faiblir. Avec une croissance de la demande de pétrole d'un million de barils en 2024, le marché pétrolier devrait se tendre progressivement. Notre scénario est donc basé sur un prix moyen du pétrole de 83 et 93 dollars par baril en 2023 et 2024 respectivement.
Article publié le 30 juin 2023 dans notre trimestriel Monde – Scénario macro-économique 2023-2024 : : une "normalisation" laborieuse

En zone euro, le chemin vers la "normalité" est assez étroit. L'absorption de chocs aussi extraordinaires que la pandémie suivie d'une crise énergétique se traduit par un repli assez brutal du rythme de croissance : un repli qui n'est pas annonciateur d'une récession mais, plutôt, d'une normalisation des comportements promue (voire « aggravée ») par celle des politiques économiques qui passent d'un soutien exceptionnel à une orientation plus restrictive.
Stephane FERDRIN, Ingénieur-Conseil