Mexique – Où en sommes-nous ?
- 02.06.2025
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Le ralentissement est désormais clair1 et les risques baissiers sur l'activité s'accumulent ; l'inflation tend certes à se replier mais reste un peu élevée au regard de l'affaiblissement de la croissance. Alors que la politique budgétaire est contrainte, le potentiel de baisse des taux d'intérêt n'est pas épuisé mais limité.
Le PIB préliminaire du premier trimestre 2025 a augmenté de 0,2% en variation trimestrielle et de 0,6% en glissement annuel, excédant légèrement les anticipations. La reprise des activités agricoles a tiré la croissance, les services ont bien résisté mais l'industrie a fléchi (respectivement, en glissement annuel, +6%, +1,3% et -1,4%). Si le Mexique a échappé à une récession technique, cette croissance médiocre confirme néanmoins le ralentissement visible depuis le second semestre 2023.
Les sources de croissance côté demande (consommation et investissement notamment) ne sont pas encore publiées mais on dispose de quelques pistes : les exportations ont certainement aidé la croissance et compensé la faiblesse de la demande interne mais sans apporter une contribution puissante. Le « boom » des importations américaines par anticipation des droits de douane n'a pas particulièrement profité au Mexique : les chiffres du commerce extérieur mexicain le confirment2 tout comme la faiblesse de la production industrielle.
Même si l'acquis de croissance s'améliore (+0,2% contre -0,1% fin 2024), les derniers indicateurs signalent un ralentissement plus net que précédemment anticipé qui conduit à inscrire une croissance nulle en 2025 (prévision de croissance américaine vers 1,5% en 2025)3.
En effet, l'affaiblissement de la demande intérieure, moteur d'une croissance vigoureuse, supérieure à la tendance en 2022 et 2023, s'amplifie. Après deux années de contribution soutenue à la croissance (2022 et 2023 ; projets d'infrastructure gouvernementaux, investissements privés après plusieurs années de faiblesse, nearshoring), l'investissement fléchit. Droits de douane et menaces de droits de douane, inquiétudes sur l'avenir de l'accord de libre-échange (le « USMCA » devrait être étudié à partir d'octobre 2025 ; un nouvel accord devrait être finalisé mi-2026), incertitude sur la politique américaine ont pesé sur la confiance des agents (ménages et entreprises) et l'investissement. Ce dernier ne devrait pas se reprendre rapidement. Les dépenses de consommation ont également largement soutenu la reprise passée (bonne tenue du marché du travail, politique salariale favorable avec notamment des hausses sensibles du salaire minimum). Le marché du travail est désormais moins tendu et la croissance des salaires se tasse. Par ailleurs, aux États-Unis, à l'occasion du projet de loi budgétaire, les républicains de la Chambre des représentants ont proposé un texte imposant une taxe de 5% sur les transferts de fonds. Cela constitue un risque à plus long terme4. Enfin, la demande extérieure n'offrira qu'un faible soutien à la croissance. Avec le ralentissement de la demande intérieure, les importations de biens de consommation et de capitaux, qui avaient fortement augmenté durant la période de reprise soutenue, devraient néanmoins diminuer.
En termes de politique économique, le Plan Mexico présenté en janvier par le président C. Sheinbaum entend stimuler l'investissement et la croissance potentielle5. Le plan vise à attirer 277 milliards de dollars d'ici 2030 et à porter les investissements à 28% du PIB grâce à des incitations fiscales et à des procédures simplifiées. Ce plan est censé augmenter le PIB de 0,7% par an. Or, des détails doivent encore être précisés et les délais dans sa mise en œuvre ne permettent pas de tabler sur un soutien rapide. Compte tenu de l'objectif budgétaire, le budget ne permet pas de stimuler la croissance6. Les autorités mexicaines ne sont en outre pas connues pour leur « audace budgétaire » et leur réactivité en cas de choc même massif sur la croissance.
Les taux annuels d'inflation globale et sous-jacente (qui résiste) se sont établis juste au-dessus de 3,9% en avril. Ces progressions restent supérieures à la cible centrale (3%) et toujours extrêmement proches de la borne haute (4%) malgré la décélération de l'activité. Mi-mai, la banque centrale, Banxico, a encore réduit son principal taux directeur (de 50 points de base, pb, overnight à 8,50%) et une nouvelle baisse de 50 pb lors de la prochaine réunion a été clairement signalée. Banxico vise toujours un retour de l'inflation vers la cible de 3%. Les anticipations d'inflation à la fin de 2025 restent supérieures à l'objectif qui ne serait atteint qu'au deuxième trimestre 2026 selon Banxico. Les projections demeurent entourées d'une incertitude élevée notamment liée à la politique américaine. Selon Banxico, les risques sont les suivants :
Risques d'une inflation plus soutenue : 1) dépréciation du taux de change, 2) perturbations dues à des conflits géopolitiques ou à des politiques commerciales, 3) rigidité de l'inflation sous-jacente, 4) pressions plus fortes liées aux coûts et 5) chocs climatiques.
Risques d'une inflation plus élevée : 1) activité économique plus faible que prévu, 2) diffusion plus modérée de certaines pressions liées aux coûts en amont et 3) à la dépréciation du peso sur l'inflation.
Banxico a procédé à 275 pb de baisse cumulée depuis mars 2024, à rapprocher d'une diminution totale de la Fed de 100 pb depuis septembre 2024 à 4,50%. Depuis le précédent cycle de baisses au Mexique, amorcé juste avant la crise Covid (en septembre 2019, synchronisé avec l'assouplissement américain), les écarts de taux directeurs entre le Mexique et les États-Unis ont atteint 375 pb au minimum, 625 pb au maximum et 525 pb en moyenne. À 400 pb d'écart, le différentiel est déjà faible au regard de ses niveaux récents.
Banxico a toujours eu du mal à s'affranchir des impulsions monétaires américaines. Le potentiel de baisse n'est pas épuisé mais il semble limité malgré une économie déprimée. Le taux directeur atteindrait « au mieux » 7% fin 2025.
Notes de bas de page :
1/ Cf. « Mexique : l'économie en péril face aux tensions commerciales avec les États-Unis », N° 25/087 et
« Mexique – Survol de trois décennies de libre-échange », N° 25/073
2/ Croissance en valeur T1 2025/T1 2024 : exportations et importations totales, respectivement, +4% et +1,3% ; exportations vers les US et importations en provenance des US, respectivement, +5% et -1,7%.
3/ Le FMI prévoit pour 2025 une récession au Mexique (-0,3%) et une croissance américaine à 1,8%.
4/ Envois de fonds des travailleurs émigrés en 2024 = 65 Mds USD soit 3,5% du PIB (5% de taxes = 3,25 Mds USD soit environ 0,17% du PIB en valeur en 2024)
5/ Cf. « Mexique : guerre commerciale, premières salves, cessez-le-feu fragile », N° 25/053
6/ Cf. « Mexique – Budget 2025, « raisonnable » mais réaliste ? », N° 25/003
Article publié le 23 mai 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

En termes de politique économique, le Plan Mexico présenté en janvier par le président C. Sheinbaum entend stimuler l'investissement et la croissance potentielle. Le plan vise à attirer 277 milliards de dollars d'ici 2030 et à porter les investissements à 28% du PIB grâce à des incitations fiscales et à des procédures simplifiées. Ce plan est censé augmenter le PIB de 0,7% par an. Or, des détails doivent encore être précisés et les délais dans sa mise en œuvre ne permettent pas de tabler sur un soutien rapide. Compte tenu de l'objectif budgétaire, le budget ne permet pas de stimuler la croissance. Les autorités mexicaines ne sont en outre pas connues pour leur « audace budgétaire » et leur réactivité en cas de choc même massif sur la croissance.
Catherine LEBOUGRE, Economiste