1. La Fed, divisée, baisse ses taux et son discours est moins hawkish qu’anticipé
2. France : enquête de conjoncture et défaillances d’entreprises, les bonnes nouvelles de la BdF
3. Corée du Sud : un an après la crise politique, les marchés achètent les promesses de stabilité
4. Sahel : le projet souverainiste se heurte à la question sécuritaire
La Fed, divisée, baisse ses taux et son discours est moins hawkish qu’anticipé. France : enquête de conjoncture et défaillances d’entreprises, les bonnes nouvelles de la BdF. Corée du Sud : un an après la crise politique, les marchés achètent les promesses de stabilité. Sahel : le projet souverainiste se heurte à la question sécuritaire.
La Fed, divisée, baisse ses taux et son discours est moins hawkish qu’anticipé
Cette semaine, les marchés se sont, naturellement, concentrés sur la réunion de politique monétaire de la Réserve fédérale du 10 décembre. En ligne avec les anticipations, la Fed a baissé la fourchette-cible de ses taux directeurs d’un quart de point à [3,5%, 3,75%]. Après cette troisième baisse consécutive, les taux des fed funds retrouvent leur niveau le plus bas depuis trois ans. Avec la détérioration du marché du travail, les risques baissiers pesant sur l’emploi l’ont emporté sur les risques de persistance de l’inflation. Les niveaux actuels de l’inflation sont « quelque peu élevés », mais le marché du travail est jugé « moins dynamique et quelque peu affaibli ». Si une grande part de cette détérioration reflète une baisse de la croissance de la population active, due à une immigration plus faible et à un taux de participation moindre, la Fed observe que « la demande de main-d'œuvre s’est également clairement affaiblie ». Le communiqué du FOMC note qu’il est « attentif aux risques pesant sur les deux aspects de son double mandat et estime que les risques baissiers pour l'emploi ont augmenté au cours des derniers mois. ».
La décision de décembre n’a pas été unanime : Stephen Miran, le conseiller économique de Donald Trump, a de nouveau voté pour une baisse de 50 points de base, tandis que les présidents régionaux de la Fed, Austan Goolsbee (Chicago) et Jeffrey Schmid (Kansas City) se sont prononcés en faveur du maintien des taux à leurs niveaux actuels. Lors de sa conférence de presse, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a qualifié la décision de baisse des taux de 25 points de base de « serrée » (« close call »), reflétant les divergences au sein du FOMC sur la pondération des risques entre emploi et inflation.
La tonalité du discours de J. Powell est globalement équilibrée. Il souligne que les tarifs douaniers constituent le principal facteur expliquant le dépassement de l'objectif d'inflation et que leur impact sur les prix sera temporaire. Parallèlement, il note que la dynamique de désinflation se maintient dans le secteur des services. Il décrit en outre les risques baissiers sur le marché du travail comme "significatifs". Tout cela plaide en faveur de l’assouplissement monétaire. Il maintient cependant une certaine prudence, soulignant à plusieurs reprises que la Fed restait en mode attentiste (« wait and see »), la conduite de la politique monétaire étant déterminée par l’évolution des indicateurs économiques. Une pause plus ou moins prolongée dans l’assouplissement monétaire est donc tout à fait probable, en ligne avec notre scénario. Enfin, selon J. Powell, le taux directeur se situe désormais dans la fourchette des estimations du taux neutre et n’est plus considéré comme « modérément restrictif ».
Le graphique à points (« dot plot ») n'a réservé aucune véritable surprise, avec des médianes inchangées, indiquant des baisses de taux en 2026 et en 2027. En revanche, il fait état d’une dispersion encore plus importante des opinions, rendant difficile tout consensus Enfin, il suggère un taux « terminal » très légèrement supérieur à 3%. Les projections économiques actualisées recèlent plus de changements que prévu : la croissance a été revue à la hausse à +1,7% en 2025 et à 2,3% en 2026, tandis que la prévision d’inflation est légèrement abaissée (à 2,9% en 2025 et 2,4% 2026), de même que l’inflation sous-jacente (à 3,0% et 2,5%). Quant au taux de chômage prévu, il est stable à 4,5% en 2025 et baisse à 4,4% en 2026.
Enfin, la Fed a surpris les marchés en annonçant le début des achats de gestion des réserves (« reserve management purchases » ou RMP) pour un total de 40 milliards de dollars en bons du Trésor de maturité courte (Treasury bills) au cours des 30 prochains jours. L'annonce du RMP plus précoce et de montant plus important qu’anticipé conduit certains à y déceler un signe d’assouplissement monétaire. Or, selon la Fed, il s'agit d'un ajustement technique visant à maintenir un niveau de réserves abondantes mais n'ayant aucune implication sur l'orientation de la politique monétaire.
Du côté des données publiées au cours de la semaine aux États-Unis, l’enquête JOLTS des nouvelles offres d’emploi (Job Openings and Labor Turnover Survey) du Bureau of Labor Statistics pour les mois de septembre et d’octobre continue de décrire un marché du travail caractérisé par un niveau faible tant des licenciements que des embauches. Si les nouvelles offres d’emploi ont augmenté plus que prévu, le taux de démission a diminué (suggérant que les salariés ont moins confiance en leur capacité à retrouver un emploi en cas de départ de leur poste actuel) et le taux de licenciements s’est redressé tout en restant à des niveaux très bas. Les inscriptions hebdomadaires au chômage ont également envoyé des signaux mitigés : si les inscriptions initiales ont fortement augmenté, les inscriptions continues ont chuté. Enfin, le déficit commercial (biens et services) s’est replié plus fortement que prévu en septembre, à 52,8 milliards de dollars contre 59,3 milliards de dollars en août, la hausse des exportations (3% sur le mois) excédant celle des importations (0,6%).
Les marchés actions, globalement en retrait en début de semaine, dans l’attente de la décision de politique monétaire de la Fed, se sont repris, portés par cette nouvelle baisse de taux et la tonalité du discours de la Fed. L’indice S&P 500 termine en hausse de 0,4% sur la semaine : si la progression est limitée en raison des résultats décevants d’Oracle, elle porte l’indice à de nouveaux records historiques, au-delà de 6 900 points. La courbe des taux des obligations souveraines américaines s’est très légèrement pentifiée (baisse des taux à 2 ans, hausse des taux à 10 ans). Pour le FOMC de janvier, les investisseurs estiment la stabilité des taux directeurs plus probable qu’une baisse (probabilité proche de 25%), mais anticipent un peu plus de deux baisses de taux pour l’ensemble de l’année 2026. La tonalité plus accommodante qu’anticipé du FOMC et l'annonce du début des achats de gestion des réserves par la Fed se sont traduites par une dépréciation du dollar. L’euro s’apprécie de 0,7% contre dollar sur la semaine, à 1,17. Le cours de l’or progresse de 2,7% sur la semaine, à 4 332, s’approchant de son record atteint en octobre dernier.