Parole de banques centrales – BCE : la banque centrale ne relâche pas son « contrôle robuste » sur l'inflation

Parole de banques centrales – BCE : la banque centrale ne relâche pas son « contrôle robuste » sur l'inflation

En résumé

La BCE a augmenté les trois taux d'intérêt directeurs de la BCE de 75 points de base, relevant ainsi les taux d'intérêt des opérations principales de refinancement, de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt à respectivement 2,00%, 2,25% et 1,50%.

Elle juge ce troisième relèvement consécutif des taux directeurs comme important et estime qu'elle a retiré une part substantielle du caractère accommodant de l'orientation de la politique monétaire. Cependant elle prévoit de continuer de relever les taux d'intérêt directeurs, pour assurer le retour au plus tôt de l'inflation vers son objectif de 2% à moyen terme.

L'inflation en zone euro à 10,7% sur un an en octobre est encore très éloignée de la cible et la BCE juge que les risques sont encore orientés à la hausse. Dans le court terme, les prix au détail de l'énergie vont exercer une poussée à la hausse sur l'inflation. L'objectif affirmé de la BCE reste celui de réduire le soutien à la demande, espérant réduire le support pour la croissance des prix des biens non énergétiques et des services. Mais elle est consciente que le délai avec lequel ces effets pourront se manifester joue contre elle, même si des signes de ralentissement des prix des matières premières non énergétiques sont déjà visibles au fur et à mesure qu'on assiste au dénouement des goulets d'étranglement. Elle va donc devoir poursuivre sa remontée des taux avant que le ralentissement, désormais évident de l'activité, puisse se traduire par un ralentissement de la hausse des prix.

Notre scénario, qui prévoit deux hausses supplémentaires des taux en décembre (50 pb) et en février 2023 (25 pb), semble davantage conforté par les doutes nourris par les membres du Conseil des gouverneurs les plus adverses à l'inflation sur la capacité de la moindre demande agrégée à freiner l'inflation. En effet, le choc d'offre lié à la crise ukrainienne peut s'accompagner d'arrêts de production, de mesures d'économie d'énergie, mais aussi de défaillances d'entreprises susceptibles de réduire les capacités de production et le niveau d'activité. La baisse de la demande n'aurait que peu d'influence sur l'inflation face à une baisse concomitante de l'activité.

Après ces deux hausses, la BCE pourra commencer à observer l'impact de sa politique monétaire sur l'activité et sur l'inflation. Si son taux directeur est désormais proche de ce qui, selon le guidage passé de la BCE, représentait la borne inférieure de la zone du taux neutre (2%), elle s'est dite néanmoins prête à dépasser ce dernier si c'est nécessaire pour ramener l'inflation à sa cible. Les risques qui pèsent sur l'inflation à moyen terme continuent de guider son action : des effets de second tour, une spirale prix-salaires (à laquelle la BCE ne croit pas beaucoup) et surtout un désancrage des anticipations d'inflation.

Le dilemme pour la BCE pourrait être en partie résolu par la décision du Conseil européen du 20 octobre qui a validé la proposition de la Commission d'un nouvel indice de référence du prix du gaz, complémentaire au TTF, qui devrait voir le jour d'ici le début de l'année 2023 et, à court terme, d'un corridor de prix dynamique temporaire pour les transactions sur le gaz naturel qui devrait limiter immédiatement les épisodes de prix du gaz excessifs.

Enfin, la Commission a reçu le mandat de présenter un cadre temporaire visant à plafonner le prix du gaz utilisé dans la production d'électricité. Ces mesures devraient contenir la hausse du prix du gaz et surtout sa diffusion à l'ensemble des prix. Ces politiques de régulation peuvent jouer un rôle pour compléter efficacement le policy-mix, même si elles interviendront trop tard pour éviter les prochaines hausses de taux attendues en décembre (50 pb) et en février (25 pb).

Elles peuvent aussi soulager la politique budgétaire qui peut se concentrer sur des mesures plus ciblées de contraste à l'inflation la détournant des mesures d'ample soutien à la demande qui s'opposent à l'objectif de la BCE de ralentir cette dernière.

Parole de banques centrales – BCE : la banque centrale ne relâche pas son « contrôle robuste » sur l'inflation

Notre scénario, qui prévoit deux hausses supplémentaires des taux en décembre (50 pb) et en février 2023 (25 pb), semble conforté par les doutes nourris par les membres du Conseil des gouverneurs les plus adverses à l'inflation sur la capacité de la plus faible demande agrégée à freiner l'inflation. En effet, le choc d'offre lié à la crise ukrainienne peut s'accompagner d'arrêts de production, de mesures d'économie d'énergie, mais aussi de défaillances d'entreprises susceptibles de réduire les capacités de production et le niveau d'activité. La baisse de la demande n'aurait que peu d'influence sur l'inflation face à une baisse concomitante de l'activité. Après ces deux hausses, la BCE pourra commencer à observer l'impact de sa politique monétaire sur l'activité et sur l'inflation. Si son taux directeur est désormais proche de ce qui, selon le guidage passé de la BCE, représentait la borne inférieure de la zone du taux neutre (2%), elle s'est dite néanmoins prête à dépasser ce dernier si c'est nécessaire pour ramener l'inflation à sa cible.

Paola MONPERRUS-VERONI, Economiste