France – La Banque de France propose une autre lecture de la baisse de la productivité récente

France – La Banque de France propose une autre lecture de la baisse de la productivité récente

En résumé

Dans un récent billet (1) de son Bloc-notes Éco, la Banque de France propose une mesure de l'efficacité dans l'utilisation des ressources en main-d'œuvre, plus complète et moins alarmante que le simple constat de baisse de la productivité du travail depuis fin 2019.

Sur la période récente, la France se distingue des autres grands pays développés par une forte baisse de la productivité horaire (-3,8% depuis fin 2019), tandis que les heures travaillées y ont fortement progressé (+5,7% par rapport à fin 2019). En cause, une forte hausse du taux d'emploi (ratio de l'emploi total et de la population âgée de 15 à 64 ans) qui atteint 68,5% au deuxième trimestre 2023, soit son plus haut niveau historique. Cette hausse du taux d'emploi, avec des personnes qui étaient ou auraient été antérieurement inactives (2) ou au chômage, se traduit mécaniquement par une baisse de la productivité par personne en emploi (ou par heure travaillée) au niveau de la nation, ces personnes étant dans des emplois moins productifs que la moyenne, du fait de leurs qualifications ou de leur secteur d'appartenance. Ce passage d'un statut d'inactivité ou de chômeur à celui en emploi n'est pourtant pas une mauvaise chose pour ces individus, comme plus globalement pour la France.

La Banque de France propose ainsi d'élargir la mesure de la productivité, en utilisant le produit intérieur brut (PIB) par personne en âge de travailler (15-64 ans), et non pas seulement par personne en emploi ou par heure travaillée, car comme l'expliquent les auteurs « la productivité apparente du travail ne rend pas compte du fait que les individus qui ne sont pas en emploi ont un potentiel productif inexploité ». Cette nouvelle mesure permet une lecture bien différente, avec une progression entre le quatrième trimestre 2019 et le deuxième trimestre 2023 supérieure en France à celle en Allemagne et au Royaume-Uni, sans parler de l'Espagne qui connaît un recul. Seuls les États-Unis et l'Italie font mieux. Cette forte progression est principalement liée aux gains de productivité horaire aux États-Unis, et à la hausse du taux d'emploi en Italie (pour des raisons toutefois bien différentes de celle enregistrée en France, avec une baisse de la population en âge de travailler en Italie alors que la France connaît une hausse de l'emploi).

Cette mesure élargie d'efficacité dans l'utilisation des ressources en main-d'œuvre permet donc aux auteurs d'établir un diagnostic moins sombre sur l'évolution récente en France que celui basé sur la mesure traditionnelle de la productivité. Par ailleurs, elle permet de mettre en exergue le moteur de sa progression récente, la hausse du taux d'emploi. Alors que la France était à la traîne par rapport au taux d'emploi des autres grands pays avancés, cette hausse récente permet un certain rattrapage, bien que la France reste en retard.

1/ « Une mesure de l'efficacité dans l'utilisation des ressources en main-d'oeuvre : au-delà de la productivité », Billet n°328, Olivier Garnier et Thomas Zuber, 15 novembre 2023.
2/ L'inactivité se définit pour une personne de plus de 15 ans comme le fait de n'être ni en emploi ni au chômage.

Article publié le 8 décembre 2023 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

France – La Banque de France propose une autre lecture de la baisse de la productivité récente

Alors que sur le plan de la productivité du travail, l'évolution récente fait de la France le vilain petit canard en Europe, l'indicateur étendu proposé par la Banque de France permet de relativiser la forte baisse récente de la productivité du travail en France, avec une hausse de l'efficacité dans l'utilisation des ressources en main-d'œuvre. La hausse du taux d'emploi sous-jacente traduit par ailleurs des emplois et une société plus inclusifs, même s'il reste des marches à gravir. La dynamique n'est donc pas si mauvaise, au niveau économique comme sociétal.

Marianne PICARD, Economiste - France, Belgique et Luxembourg