France ‒ Que retenir des dernières données sur les salaires ?

France ‒ Que retenir des dernières données sur les salaires ?

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L'Insee et la Dares ont publié la semaine dernière des éléments sur l'évolution des salaires. Que faut-il en retenir ?
L'Insee est revenu la semaine dernière dans une publication sur l'évolution des salaires dans le secteur privé en 2022. Le salaire mensuel moyen en équivalent temps plein (EQTP) était de 3 466 euros bruts, soit 2 630 euros nets (1) en 2022. Le salaire net en termes nominaux a ainsi augmenté en moyenne de 4,2% par rapport à l'année précédente (+4,4% pour le salaire brut), soit une forte hausse au regard des évolutions des trois dernières décennies. En termes réels, c'est-à-dire déflaté par l'indice des prix à la consommation, il a cependant reculé de 1,0% du fait de la forte inflation (+5,2% en 2022), sa plus forte baisse depuis 1996, l'année depuis laquelle l'Insee mesure cet indicateur, excepté pendant la période Covid (2020-2021). Les salaires ont cependant augmenté davantage pour les salariés qui étaient déjà présents sur leur poste en 2021, avec une hausse y compris en termes réels (+1,3%).

La hausse du salaire mensuel dans le secteur privé résulte notamment des augmentations du SMIC, indexé automatiquement sur l'inflation, intervenues à trois reprises au cours de l'année 2022 (+0,9% en janvier, +2,6% en mai et +2,0% en août). Le SMIC a entraîné dans son sillage les salaires du bas de la distribution, avec des renégociations d'accords de branches et d'entreprises en cours d'année. C'est ainsi qu'en 2022, les bas salaires ont davantage augmenté que les salaires du haut de la distribution, et seuls les premiers se sont à peu près maintenus en termes réels (-0,1% pour le 1er décile, -0,5% pour le 2e décile, -1,3% pour la médiane, -1,4% pour le 9e décile et -1,5% pour le 95e centile pour le salaire net, toujours en EQTP). L'année 2022 voit donc les inégalités de salaires diminuer, avec un rapport interdécile D9/D1 au plus bas depuis 2014 (à 2,90 après 2,93 en 2021). Le pouvoir d'achat des salaires nets des cadres ‒ souvent mieux rémunérés que les autres catégories socioprofessionnelles ‒ s'est ainsi replié de 1,2% en 2022, alors que celui des professions intermédiaires, ouvriers et employés a moins fortement diminué, à  0,9%. Les secteurs ne sont par ailleurs pas tous logés à la même enseigne, les salaires nets en termes réels reculant davantage dans la construction (-1,7%) que dans les services (-1,0%) et surtout l'industrie (-0,5%). Parmi les moteurs de la croissance des salaires, la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (Pepa) et celle de partage de la valeur (PPV) ne sont pas en reste, avec 26,5% des salariés du secteur privé en ayant bénéficié en 2022 (après 13,8% en 2021) et un montant moyen en hausse, à 803 euros (après 559 euros en 2021).

Les inégalités de salaires entre hommes et femmes ont en outre diminué dans le secteur privé en 2022. Le pouvoir d'achat des salaires nets des femmes a en effet diminué de 0,5%, contre -1,2% pour les hommes. Cette « bonne nouvelle » est toutefois liée à une moins bonne nouvelle sur le plan de l'égalité : les femmes sont surreprésentées dans les bas salaires, qui ont davantage augmenté en termes nominaux en 2022, d'où un meilleur maintien en termes réels. La lettre d'information féministe « Les Glorieuses » a d'ailleurs indiqué que cette année, les femmes « travaillent gratuitement » depuis lundi 6 novembre en fin de matinée, jusqu'à la fin de l'année. De fait, les femmes avaient toujours un salaire en moyenne inférieur de 14,1% à celui des hommes dans le secteur privé en 2022 d'après l'Insee (en EQTP). À poste équivalent (profession identique au sein d'un même établissement), cet écart diminue à 4,0% en 2022 (contre 4,3% en 2021), ce qui reste substantiel. L'Insee souligne toutefois que cet écart ne peut pas être directement interprété comme une mesure des discriminations de genre, en raison de différences de caractéristiques non observables dans les sources administratives sur les salaires.

Les résultats provisoires des salaires de base pour le 3e trimestre 2023 ont été publiés jeudi dernier par la Dares (ils excluent les primes contrairement aux données de l'Insee précédemment mentionnées). La hausse des salaires est repassée sous celle des prix sur un an, après un trimestre dans le vert. Au 3e trimestre, le salaire mensuel de base (SMB) augmente ainsi de 4,2% sur un an en termes nominaux (après +4,6% au 2e trimestre) et diminue de 0,6% en termes réels (après +0,2%) (2).


(1) Salaire net de cotisations et contributions sociales.
(2) Salaires déflatés dans ce passage par l’IPC hors tabac, dans un souci d’homogénéité avec la méthodologie de la Dares.

Article publié le 10 novembre 2023 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

France ‒ Que retenir des dernières données sur les salaires ?

Si la réduction des inégalités salariales est a priori une bonne nouvelle, il reste que les salaires ont en moyenne augmenté moins fortement que les prix dans le secteur privé en 2022. Cette baisse des salaires en termes réels a pesé sur la consommation des ménages. Les chiffres de la Dares font état d'une nouvelle baisse des salaires en termes réels sur un an au 3e trimestre 2023, mais celle-ci est largement liée à un effet de base, et ces données ne prennent pas en compte les éléments exceptionnels comme les primes. Les salaires devraient ainsi être plus dynamiques que les prix sur un an à partir de la fin 2023, notamment compte tenu de la baisse de l'inflation (+4,0% en glissement annuel en octobre après +4,9% en septembre) et le relatif maintien de l'emploi salarié privé ( 0,1% en variation trimestrielle au 3e trimestre 2023, après +0,1% au 2e trimestre). Les prix du pétrole ont par ailleurs diminué récemment, de quoi relâcher les inquiétudes liées aux conséquences du conflit au Proche-Orient, bien que la volatilité du marché incite à rester prudents. Ces éléments confortent notre diagnostic d'un rebond de la consommation des ménages, déjà constaté dans la première estimation des comptes nationaux pour le 3e trimestre, avec une hausse même supérieure à nos pronostics (+0,7% sur le trimestre après 0,0% au 2e trimestre).

Marianne PICARD, Economiste - France, Belgique et Luxembourg