Zone euro – Une rentrée tout en faiblesse

Zone euro – Une rentrée tout en faiblesse

En résumé

Dans un contexte de croissance mondiale en net ralentissement au deuxième trimestre 2023, les signes de rupture du cycle ne sont pas encore évidents. La narration autour d'un atterrissage en douceur continue d'être alimentée par un marché du travail résilient malgré le ralentissement de l'activité et par la résistance de la profitabilité des entreprises. La zone euro n'échappe pas à l'évolution favorable de l'offre, mais son ralentissement est plus marqué qu'ailleurs et pose de façon plus aiguë la question de la fin de ce cycle anormal d'expansion. Ayant désormais dépassé de 2,6% le niveau d'activité d'avant la crise sanitaire, le rythme annuel de croissance du PIB trimestriel s'est fortement affaibli et est passé de 4,2% au T2 2022 à 0,5% au T2 2023.

Au T2 2023, l'activité était en recul dans l'agriculture, l'industrie et la construction. Si les services ont conservé globalement une croissance positive, un repli est déjà à l'œuvre dans le commerce où les fastes de la réouverture post-Covid ont été rattrapés par l'impact négatif de l'inflation sur la capacité de dépense des ménages. Le nombre de défaillances a continué d'augmenter et a dépassé de peu le niveau pré-pandémique, mais cela est principalement le fait de l'Espagne, toutes les autres grandes économies affichant encore un nombre de défaillances en hausse mais toujours inférieur à 2019.

La croissance du PIB au deuxième trimestre 2023 a été aussi atone qu'en début d'année (+0,1% sur le trimestre après +0,1% au T1 2023). Et ce n'est qu'une forte, et probablement involontaire, accumulation des stocks qui a soutenu la croissance (+0,4 point de contribution), compensant la contribution négative des échanges extérieurs (-0,4 point), face à une demande intérieure ne fournissant plus aucune impulsion depuis trois trimestres (+0,1 point au T2). La croissance de la consommation des ménages, interrompue par une baisse marquée en fin d'année 2022, n'a pas repris, bien qu'elle ne recule plus depuis début 2023. Pour l'investissement, qui avait moins baissé au T4 2022, la reprise est pour le moins atone depuis deux trimestres (+0,3% sur le trimestre). Malgré un rebond au T1 2023 pour l'investissement en construction et équipements, le printemps a marqué un net ralentissement (pour la composante BTP), voire un repli (pour le logement et la machine et équipement). L'investissement en logement s'est déjà replié de 2,6% sur un an. En revanche, l'investissement en biens de transport, après l'année noire de 2021, continue d'afficher un rythme positif de croissance, bien que ralenti.

Le ralentissement de la demande mondiale est bien évident dans la performance des exportations de biens et services, en recul depuis la fin 2022. Si le repli plus fort des importations, après leur pic lié à l'urgence des fournitures de gaz de l'été 2022, avait jusqu'au T1 2023 permis une contribution positive des échanges, la normalisation du taux de pénétration des importations dévoile désormais la faiblesse des ventes à l'étranger et son impact négatif sur la croissance.

Caractéristique commune aux États-Unis, l'offre de travail et l'emploi de la zone euro gardent un rythme de croissance positif au T2 (+0,2% sur le trimestre) bien qu'en ralentissement. Les heures travaillées sont encore globalement en hausse sauf dans les secteurs de l'industrie et de la construction qui ont déjà commencé à réduire la durée du travail. La dégradation de la productivité à l'œuvre depuis la fin 2022 se poursuit à un moindre rythme au T2 2023 bien qu'elle affiche un repli de 1,4% sur un an. Cela permet néanmoins un léger ralentissement de la progression des coûts salariaux unitaires et une nouvelle remontée du taux de marge, en dépit d'une croissance toujours plus rapide du salaire par travailleur (5,5% sur un an). En effet, le transfert de cette hausse sur les prix de vente continue d'augmenter les prix de la valeur ajoutée.

Le partage de la valeur ajoutée en faveur des salaires qui généralement opère la bascule du cycle, n'est pas encore pleinement acté, car l'inflation se maintient à un niveau élevé et est alimentée par la résistance des profits. C'est cette spirale qui préoccupe la BCE car si les profits continuent de se maintenir en termes réels la persistance de l'inflation va demander une politique monétaire plus durablement restrictive avec des sacrifices plus élevés en termes de croissance.

Le taux d'inflation s'est stabilisé en août dans la zone euro (5,3%) interrompant ainsi une baisse continue depuis le mois de mai. Mais cela n'est le fait que du ralentissement de la baisse des prix de l'énergie, toutes les autres composantes affichant un repli, y compris les prix des services qui avaient jusqu'ici montré une résistance à la baisse. L'inflation sous-jacente a pu donc se replier (à 5,3% après 5,5%). Ce mouvement devrait s'amplifier avec l'accentuation anticipée de la décélération des prix des services, dont la composante des coûts salariaux était déjà en ralentissement dans le commerce et les transports au T2 2023.

Notre opinion – Le ralentissement de l'activité dans la zone euro, confirmé au T2 2023, devrait s'accentuer au cours du troisième trimestre. Les enquêtes du mois d'août signalent une plus forte dégradation de l'activité manufacturière et la fin de l'expansion de l'activité dans le secteur des services. Après la forte accumulation des stocks du printemps, une dégradation de la production industrielle est fort probable. Les dépenses de service de tourisme au cours de l'été peuvent néanmoins soutenir la croissance. Avec un acquis de croissance de 0,5% au T2 2023 et une faible demande adressée par le reste du monde, seul le regain de pouvoir d'achat lié à la désinflation en fin d'année peut soutenir la croissance via la demande intérieure et notamment la consommation des ménages. L'érosion de la profitabilité et les coûts en hausse liés à la progressive transmission de la politique monétaire ne plaident pas pour une forte reprise de l'investissement, qui peut néanmoins s'asseoir sur une bonne situation financière des entreprises.

Article publié le 8 septembre 2023 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Zone euro – Une rentrée tout en faiblesse

Le ralentissement de l'activité dans la zone euro, confirmé au T2 2023, devrait s'accentuer au cours du troisième trimestre. Les enquêtes du mois d'août signalent une plus forte dégradation de l'activité manufacturière et la fin de l'expansion de l'activité dans le secteur des services. Après la forte accumulation des stocks du printemps, une dégradation de la production industrielle est fort probable. Les dépenses de service de tourisme au cours de l'été peuvent néanmoins soutenir la croissance. Avec un acquis de croissance de 0,5% au T2 2023 et une faible demande adressée par le reste du monde, seul le regain de pouvoir d'achat lié à la désinflation en fin d'année peut soutenir la croissance via la demande intérieure et notamment la consommation des ménages. L'érosion de la profitabilité et les coûts en hausse liés à la progressive transmission de la politique monétaire ne plaident pas pour une forte reprise de l'investissement, qui peut néanmoins s'asseoir sur une bonne situation financière des entreprises.

Paola MONPERRUS-VERONI, Manager zone euro