Royaume-Uni – Le marché immobilier voit le bout du tunnel

Royaume-Uni – Le marché immobilier voit le bout du tunnel

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Les données mensuelles de la banque centrale d’Angleterre des flux monétaires et de crédit pour le mois de février, publiées la semaine dernière, montrent une hausse du nombre d’accords de prêts immobiliers (nets des annulations de projets) pour le cinquième mois consécutif. Il atteint 60 400 sur le mois après 56 100 en janvier. Il s’agit de son niveau le plus élevé depuis septembre 2022 lorsque 65 300 prêts avaient été accordés. Le marché immobilier voit-il le bout du tunnel ? Celui-ci aura été long, voire très long : les accords de prêt enregistrent deux années de repli d’affilée (-20% en 2022 puis -23% en 2023).

Le nombre d’accords de prêt est un bon indicateur avancé de l’activité et des crédits futurs. Il suggère ainsi un reprise des transactions à court terme. Le nombre des transactions s’inscrit déjà en légère hausse depuis décembre (+2,7%), mais demeure faible. À 245 600 sur les trois derniers mois à fin février (-1,4% par rapport aux trois mois à fin novembre et -12% sur un an), le volume des transactions reste inférieur aux niveaux observés avant la pandémie. Après une baisse de 15% en moyenne annuelle en 2022, le nombre de transactions a chuté de 19% en 2023 à 1 022 570.

La reprise des accords de prêt s’explique par la détente récente des taux d’intérêt. Le taux d’intérêt dit « effectif » (taux moyen réellement souscrit sur les nouveaux prêts immobiliers) a baissé de 29 points de base en février à 4,90% et de 44 points de base depuis son plus haut du cycle de 5,34% en novembre. Les taux des prêts à taux fixe, qui dominent le marché (constituant 85% du stock existant de crédits immobiliers), s’inscrivent en baisse : 4,48% en février contre 5,03% en novembre pour un taux fixe sur 5 ans et à 4,96% en février contre 5,51% en novembre pour le taux fixe à maturité inférieure ou égale à 2 ans.

La baisse des taux sur les crédits habitat reflète les anticipations d’un assouplissement monétaire de la part de la BoE plus tard cette année, sur fond de repli de l’inflation et d’une économie convalescente qui a enregistré une récession technique au second semestre. La BoE a maintenu son taux directeur inchangé depuis septembre 2023 après l’avoir porté à un plus haut à 5,25% (contre un plus bas à 0,1% en décembre 2021). Elle a en outre adopté une tonalité plus dovish récemment, augmentant la probabilité d’une baisse de taux au mois de juin.

En revanche, l’activité de crédit reste faible, tout en montrant des signes de stabilisation. Après un repli de 28,7% en moyenne annuelle en 2023, la production de crédit habitat rebondit de 4% sur les deux premiers mois de l’année. Toutefois, à 18 milliards de livres en février, elle reste très inférieure à son niveau de février 2020 (-22,7%), immédiatement avant la Covid, et en repli de 10% par rapport à février 2023. Net des remboursements, le flux de crédits immobiliers est négatif (-0,4 milliard de livres sur les trois mois à fin février) et bien inférieur à sa moyenne de longue période (près de 10 milliards de livres sur trois mois glissants avant la pandémie).    

Qu’en est-il de l’évolution des valorisations ? Les prix immobiliers se sont repliés en 2023 (-1,7% au quatrième trimestre par rapport au quatrième trimestre 2022, selon les données de l’ONS) pour atteindre 283 291 livres sterling pour le prix moyen publié par l’ONS, sous les effets cumulés du resserrement monétaire ainsi que de la crise du coût de la vie des ménages.

En revanche, une reprise fragile semble avoir été amorcée au dernier trimestre de l’année. Les indices Nationwide et Halifax, qui sont basés sur les accords de prêts et sont ainsi plus avancés que ceux publiés par l’ONS (qui sont calculés sur la base des transactions réelles), progressent depuis le mois de septembre (+4,6% pour l’indice Halifax à fin février, +2,1% pour l’indice Nationwide à fin mars). Le taux de croissance sur un an est désormais positif, à 1,7% pour l’Halifax en février et à 1,6% pour le Nationwide en mars après des plus bas à -4,5% et -5,4% respectivement observés en août 2023.

La société Nationwide est la première à fournir des données des prix immobiliers sur l’ensemble du premier trimestre. L’indice des prix progresse de 1,1% sur un an. La plus forte progression est observée en Irlande du Nord (+4,7%), suivie par la région du Nord (+4,2%) et l’Écosse (+3,8%). À Londres, les prix rebondissent depuis trois trimestres. Le prix moyen atteint 519 505 livres dans la capitale et un rythme de hausse de 1,6% sur un an.  

L’enquête RICS (Royal Institution of Chartered Surveyors) confirme l’amélioration des perspectives en ce début d’année, toutefois avec une certaine prudence, reflétant l’incertitude quant au calendrier et au rythme de l’assouplissement monétaire à venir. L’enquête signale une poursuite de la reprise de la demande (nouvelles enquêtes d’achat nettes se situant en territoire positif pour le second mois consécutif). Une forte hausse a été enregistrée du côté des nouvelles instructions de vente, avec un solde des opinions au plus haut depuis octobre 2020, après s’être maintenu en territoire négatif tout au long de l’année dernière. Cette tendance positive devrait s’accélérer au cours de l’année.

Côté prix, en ligne avec les données de Nationwide, l’Irlande du Nord et l’Écosse occupent les places du palmarès pour l’évolution anticipée des prix à trois mois. Dans l’ensemble, l’enquête suggère une stabilisation des prix à court terme et une croissance positive à l’horizon d’un an (environ +1%).  

Notre opinion – La crise du pouvoir d’achat et le resserrement monétaire mis en place en 2022 et 2023 pour lutter contre l’inflation ont pesé sur le secteur immobilier. Mais avec le reflux de l’inflation et l’inflexion des taux d’intérêt sur le crédit habitat, le secteur semble enfin voir le bout du tunnel. Les anticipations de taux de la BoE jouent un rôle essentiel, or celle-ci a adopté une tonalité plus dovish récemment. L’inflation CPI devrait chuter sous la cible de 2% au deuxième trimestre, permettant à la BoE d’entamer un cycle graduel de baisse de ses taux à partir de juin 2024. Ensuite, les indicateurs de persistance des pressions inflationnistes, notamment l’inflation dans les services et la croissance des salaires, devraient déterminer le rythme d’assouplissement futur. Les indicateurs avancés suggèrent la poursuite de la modération de ces variables, mais à partir de niveaux élevés et des surprises à la hausse ne sont pas exclues. Nous tablons sur une baisse de taux seulement par trimestre par la BoE et la poursuite donc de la baisse des taux de crédit habitat. Avec la dissipation de la crise du pouvoir d’achat, la détente des taux devrait ramener davantage d’acheteurs sur le marché et les prix devraient continuer de se redresser. En revanche, les nombreux risques entourant les prévisions d’inflation à moyen terme (conflits géopolitiques, élections américaines, marché du travail britannique) et donc des taux de la BoE (celle-ci table sur une réaccélération de l’inflation au second semestre) continuent d’inciter les acteurs du marché immobilier à la prudence et suggèrent une reprise lente de l’activité et des valorisations sur le marché.

Article publié le 5 avril 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

Royaume-Uni – Le marché immobilier voit le bout du tunnel

La crise du pouvoir d’achat et le resserrement monétaire mis en place en 2022 et 2023 pour lutter contre l’inflation ont pesé sur le secteur immobilier. Mais avec le reflux de l’inflation et l’inflexion des taux d’intérêt sur le crédit habitat, le secteur semble enfin voir le bout du tunnel. Les anticipations de taux de la BoE jouent un rôle essentiel, or celle-ci a adopté une tonalité plus dovish récemment. L’inflation CPI devrait chuter sous la cible de 2% au deuxième trimestre, permettant à la BoE d’entamer un cycle graduel de baisse de ses taux à partir de juin 2024. Ensuite, les indicateurs de persistance des pressions inflationnistes, notamment l’inflation dans les services et la croissance des salaires, devraient déterminer le rythme d’assouplissement futur. Les indicateurs avancés suggèrent la poursuite de la modération de ces variables, mais à partir de niveaux élevés et des surprises à la hausse ne sont pas exclues. Nous tablons sur une baisse de taux seulement par trimestre par la BoE et la poursuite donc de la baisse des taux de crédit habitat. Avec la dissipation de la crise du pouvoir d’achat, la détente des taux devrait ramener davantage d’acheteurs sur le marché et les prix devraient continuer de se redresser.

Slavena NAZAROVA, Economiste - Royaume-Uni, Pays scandinaves et Irlande