Allemagne – Scénario 2024-2025 : fatigue ou maladie ?

Allemagne – Scénario 2024-2025

 

  • Synthèse
  • Les dernières évolutions conjoncturelles
  • La trame de notre scénario
  • Le point sur les finances publiques
  • Annexe

En résumé

Après avoir récupéré le niveau antérieur à la pandémie au début de 2022, la croissance du PIB a ralenti à 1,9% en 2022, après 3,1% en 2021. Le PIB n'est désormais que de 0,3% supérieur au niveau d'avant la pandémie. Nous prévoyons une faible hausse du PIB de 0,2% en 2024, en dessous de son rythme potentiel, et de 1,1% en 2025.

La plus grande économie d'Europe continue d'être à la traîne par rapport à ses voisins, alors que la décennie alimentée par de faibles taux d'intérêt, une énergie bon marché et des exportations dynamiques a pris fin. L'Allemagne serait devenue à nouveau l'homme malade de l'Europe ou, plutôt, l'homme fatigué de l'Europe, comme l'a réfléchi récemment le ministre des Finances, Christian Lindner.

Le resserrement des conditions financières, la hausse des prix de l'énergie et la contraction de la demande chinoise ont suffi à faire basculer l'économie en territoire négatif. Cependant, comme le ministre a reconnu, les problèmes auxquels le pays est confronté ne sont pas seulement de nature cyclique mais aussi structurelle. Le gouvernement consacrera une part importante de ressources aux projets visant à relancer l'économie et à la décarbonisation du pays, mais les plans manquent de mesures visant à créer les conditions nécessaires pour faciliter les affaires et fournir les compétences demandées par les entreprises. Dans une large mesure, la question est de savoir si la transformation industrielle peut démarrer en Allemagne "Standort Deutschland", ou si l'avenir se déroule ailleurs. 

L'économie s'est contractée de 0,1% au troisième trimestre 2023, après un deuxième trimestre à 0,1%. L'investissement a augmenté de 0,6%, malgré des taux d'intérêt plus élevés et une confiance faible, tandis que les exportations ont chuté de 0,8% et la consommation privée de 0,3%.

Les enquêtes et les données à haute fréquence montrent que l'activité a connu un dernier trimestre 2023 faible, entraînant une contraction du PIB de 0,1% en 2023. Les prévisions suggèrent une économie encore freinée par la faiblesse de la consommation et des exportations en début 2024. La reprise attendue pour le deuxième semestre 2024 devrait être favorisée par la baisse de l'inflation ainsi que par la hausse des salaires et une augmentation conséquente du pouvoir d'achat. La faiblesse de demande étrangère de produits allemands serait compensée par la reprise de la demande intérieure. Cependant, les conditions de financement plus restrictives continueront de limiter la croissance de la consommation privée et de l'investissement.

La baisse des prix de l'énergie, le durcissement des conditions financières, le resserrement budgétaire et la poursuite de la normalisation des ruptures d'approvisionnement ont modéré l'inflation. Même si l'inflation a chuté, la hausse cumulée des prix reste. Cependant, des salaires plus élevés maintiendraient l'inflation des services à un niveau élevé. L'inflation sous-jacente continuerait également de ralentir mais à un rythme plus lent, en raison de la hausse des salaires.
La production industrielle aurait touché le fond, mais la faible demande freinera la reprise de l'activité. Notamment, la production des branches industrielles intensives en énergie a enregistré une reprise de 3,1%, après des mois de baisse. La récupération n'est que très partielle et ces branches ne se sont pas encore remises du choc de la hausse des prix de l'énergie. L'économie est assez fortement exposée aux chocs extérieurs. Même si les nouvelles commandes pourraient avoir atteint leur point bas, les taux d'intérêt élevés et la faiblesse de l'économie mondiale freinent la demande de biens d'investissement, qui représentent une part importante des exportations

La hausse du taux directeur a restreint l'accès au crédit, mais le risque de refinancement des entreprises reste limité. Même si les défaillances ont augmenté significativement, leur niveau est faible en termes historiques et en comparaison avec le reste de la zone euro. Cependant, la détérioration de l'activité des derniers mois commence à avoir un impact négatif sur le marché du travail. Le taux de chômage augmenterait légèrement au premier semestre 2024 et ne reviendrait à la moyenne de 2023 qu'en 2025.

Le débat sur l'équilibre entre soutien à l'industrie et orthodoxie budgétaire ne s'arrêtera pas. Le gouvernement est parvenu à un accord pour continuer de respecter le frein à l'endettement. Ainsi, une politique fiscale plus stricte serait adoptée pour faire face au besoin de financement supplémentaire de 60 milliards d'euros qui a été révélé fin 2023.

Allemagne – Scénario 2024-2025

La plus grande économie d'Europe continue d'être à la traîne par rapport à ses voisins, alors que la décennie alimentée par de faibles taux d'intérêt, une énergie bon marché et des exportations dynamiques a pris fin. L'Allemagne serait devenue à nouveau l'homme malade de l'Europe ou, plutôt, l'homme fatigué de l'Europe, comme l'a réfléchi récemment le ministre des Finances, Christian Lindner.

Alberto ALEDO, Economiste, Allemagne, Autriche, Pays-Bas