Espagne – Le gouvernement déterminé à réduire le temps de travail
- 15.07.2024
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La ministre espagnole du Travail s'est réunie avec les partenaires sociaux et a présenté de nouvelles propositions pour parvenir à un accord et faire avancer la réduction du temps de travail avec l'accord de toutes les parties.
La mesure-phare de la ministre du Travail pour cette législature entre dans les heures décisives pour être approuvée avec l'accord des employeurs et des syndicats, après avoir reçu le refus de la Confédération espagnole des entreprises (CEOE) la semaine dernière.
Une nouvelle réunion est prévue le mercredi 17 juillet. Le ministère du Travail a pris les rênes des négociations pour trouver un accord « in extremis » avec la CEOE, Cepyme, UGT et CCOO auxquels il présentera ses propositions pour avoir leur feu vert sur le texte, avant de l'envoyer à l'Assemblée.
La nouvelle proposition du ministère du Travail donne une plus grande marge aux employeurs pour répartir de manière irrégulière le temps de travail en 2025, afin de permettre aux entreprises de secteurs tels que l'hôtellerie ou l'agriculture, à certaines périodes, de concentrer plus d'heures de travail à ces moments précis. L'élément-clé du texte est que la durée hebdomadaire de travail passera immédiatement à 38,5 heures (actuellement 40 heures) et qu'à partir de janvier de l'année prochaine, il passera à 37,5 heures. En outre, les travailleurs à temps partiel ou à temps réduit pourront continuer de travailler le même nombre d'heures après l'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail, en recevant en contrepartie une augmentation salariale proportionnelle.
Notre opinion
Bien que les avantages en termes de santé et de conciliation soient largement reconnus, les effets macro-économiques de la réduction du temps de travail (RTT) sont controversés. D'un côté, on soutient que si elle n'est pas accompagnée d'une réduction proportionnelle des salaires, l'augmentation des coûts salariaux sera supérieure à l'augmentation de la productivité, ce qui augmentera le coût unitaire du travail, réduira les bénéfices et entraînera une augmentation des prix des biens et services par les entreprises pour se protéger de la hausse des salaires. En conséquence, cette inflation accrue détériorera les exportations nettes (en raison de la perte de compétitivité) et nuira à la demande interne. Les prémisses fondamentales de cette théorie sont que l'augmentation salariale ne peut avoir qu'un effet négatif, car les salaires sont uniquement considérés comme un coût pour les entreprises. Cependant, si l'on prend en compte le fait que les salaires sont la principale source de revenus de la majorité des consommateurs, on constate que l'augmentation des salaires réels bénéficie non seulement aux travailleurs individuellement, mais a également des effets macro-économiques positifs. Il convient d'analyser chaque élément de cette relation de causalité séparément.
Premièrement, une augmentation des salaires réels implique une augmentation du pouvoir d'achat des salariés. Étant donné que ceux-ci ont tendance à avoir une propension marginale à consommer plus élevée que les revenus provenant du capital, cela se traduit par une augmentation significative de la demande globale de biens et services, stimulant ainsi l'activité économique.
Deuxièmement, l'augmentation de la demande intérieure profite non seulement aux secteurs orientés vers le marché intérieur, comme le commerce de détail et les services, mais stimule également la production industrielle et l'investissement des entreprises. Cela est en partie dû à l'effet accélérateur, qui suggère qu'une augmentation de la demande finale de biens et services incite les entreprises à augmenter leur production. Face à une demande accrue, les entreprises sont incitées à investir dans l'extension de leur capacité de production pour répondre à la demande croissante du marché. Pour ce faire, elles réalisent des investissements en capital (installations et équipements productifs) qui stimulent à leur tour la demande des secteurs produisant des biens de capital.
Troisièmement, l'effet combiné de ces deux impulsions est appelé l'effet multiplicateur : chaque unité de dépense initiale supplémentaire génère une augmentation de la production. Celle-ci entraîne une augmentation équivalente des revenus et des revenus disponibles. Comme la propension marginale à consommer est positive, l'augmentation des revenus disponibles renforce encore la demande ; ce qui accroît à nouveau les dépenses et ainsi de suite jusqu'à ce que ce cycle d'effets en chaîne s'épuise. Ainsi, les augmentations de la demande intérieure résultant de salaires plus élevés déclenchent un cycle de croissance où la production, l'investissement et l'emploi se renforcent mutuellement, favorisant ainsi une expansion économique soutenue.
En résumé, les économies où l'augmentation des salaires a un effet positif sur la croissance et l'emploi se distinguent par plusieurs caractéristiques-clés : elles présentent une propension à consommer des revenus du travail significativement plus élevée que la propension à consommer des revenus du capital. Deuxièmement, l'investissement dans ces économies est moins lié à la rentabilité immédiate du capital due aux marges et plus influencé par la demande intérieure et les attentes de croissance à long terme. C'est pourquoi, pour que cette augmentation salariale ne provoque pas de tensions inflationnistes, il est nécessaire d'augmenter la capacité de production. Troisièmement, il s'agit d'économies dont les produits d'exportation sont peu sensibles au prix (faible élasticité-prix des biens exportés) et les produits importés sont peu sensibles à l'augmentation des revenus disponibles (faible élasticité-revenu des produits importés). Selon une étude réalisée par l'Université Complutense de Madrid , ces conditions sont empiriquement vérifiées pour le cas de l'Espagne, de sorte que la RTT sans réduction des salaires pourrait avoir des effets positifs sur l'économie espagnole.
Article publié le 12 juillet 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine
Bien que les avantages en termes de santé et de conciliation soient largement reconnus, les effets macro-économiques de la réduction du temps de travail (RTT) sont controversés. […] Cependant, si l'on prend en compte le fait que les salaires sont la principale source de revenus de la majorité des consommateurs, on constate que l'augmentation des salaires réels bénéficie non seulement aux travailleurs individuellement, mais a également des effets macro-économiques positifs. Il convient d'analyser chaque élément de cette relation de causalité séparément.
Ticiano BRUNELLO, Economiste