Allemagne – Le risque de délocalisation industrielle est bien réel
- 03.06.2024
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Jusqu'à 43% des grandes entreprises du secteur industriel allemand (500 salariés ou plus) envisagent ou sont dans le processus de délocaliser leur production, selon un rapport du DIHK de septembre 2023. L'étude montre également que la part des industries qui ont reporté leurs investissements dans les processus centraux est de 39,3%, tandis que dans les branches intensives en énergie le chiffre s'élève à 48,4%. 31,9% des branches intensives en énergie (par rapport à 15,6% de l'ensemble du secteur industriel) déclaraient avoir réduit ou être en train de réduire leur production en raison de la forte hausse des prix de l'énergie, selon l'édition précédente de l'étude. Les principaux problèmes auxquels sont confrontés l'industrie manufacturière et le secteur de la construction sont le prix de l'énergie et le coût des produits de base, la demande intérieure, la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, l'environnement réglementaire, et les coûts de la main-d'œuvre, selon un autre rapport du DIHK de février.
Le gouvernement allemand a annoncé en novembre 2023 octroyer un ensemble de subventions d'une valeur de 28 milliards d'euros destinés à soutenir les industries allemandes confrontées aux prix élevés de l'énergie. Le programme vise à empêcher la délocalisation des industries manufacturières à forte intensité énergétique vers d'autres pays. Ce risque a augmenté avec la crise énergétique de 2022. Ce mouvement est en partie une réponse à la loi sur la réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act, IRA) aux États-Unis, un vaste programme de subventions qui érode la compétitivité des partenaires commerciaux.
Dans le cadre de ce programme, un allégement fiscal sur l'électricité pouvant atteindre 12 milliards d'euros par an est garanti pour 2024 et 2025, avec la possibilité d'une prolongation jusqu'en 2028. La mesure phare du plan allemand est sûrement le « super cap », un système de compensation des pics de prix de l'électricité, qui devrait maintenir les prix autour de 6 centimes d'euros par kWh. Parmi les mesures annoncées figurent également des modifications du code des impôts pour l'industrie manufacturière, grâce auxquelles les taxes sur l'électricité seront réduites de 1,54 centime d'euros par kWh actuellement à 0,05 centime d'euros par kWh, le niveau minimum autorisé par la législation européenne. 350 entreprises très exposées à la concurrence internationale bénéficieront de subventions et de remboursements des frais d'achat de certificats d'émission de dioxyde de carbone. Les 90 entreprises, dont les factures d'électricité sont les plus élevées, bénéficieront également d'un allègement complémentaire.
D'autre part, le gouvernement a introduit en mars des contrats de protection du climat, soit des subventions d'un montant de 4 milliards d'euros destinées à soutenir les branches industrielles intensives en énergie dans leur stratégie de neutralité carbone d'ici 2045. Les entreprises seront dédommagées pour les coûts supplémentaires induits par l'adoption de processus de production visant à atteindre cet objectif.
Article publié le 31 mai 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Malgré un début d'année positif dans l'industrie, comme nous l'avions analysé dans notre hebdomadaire du 24 mai, le secteur manufacturier et notamment les branches énergivores ont réduit leur production. Le remplacement du gaz russe par des importations de gaz naturel liquéfié a entraîné l'industrie allemande vers un nouveau scénario de prix du gaz plus élevés. Cela place le secteur industriel dans une situation de perte de compétitivité, ainsi que d'une probable et significative perte structurelle de demande dans les branches intensives en énergie. En d'autres termes, il existe un risque réel de fermeture imminente et définitive des capacités industrielles.
Alberto ALEDO, Economiste, Allemagne, Autriche, Benelux