Dans l’arène de Money 20/20, les combattants du temps réel !

Dans l’arène de Money 20/20, les combattants du temps réel !

Lire l'article

13h20, Amsterdam, un mercredi électrisant, François Hollande monte sur scène ! Ce 5 juin, l'ex-président de la République française est l'invité d'honneur de Money 20/20, le sommet emblématique d’une industrie bancaire et financière en mutation.

Celui qui qualifiait il y a douze ans le monde de la finance d’adversaire pour sa capacité à déplacer en une fraction de seconde des sommes d’argent vertigineuses, menaçant la souveraineté des États, se dresse désormais devant des centaines de financiers et visionnaires de l’industrie des paiements. Ces pionniers ont fait du défi de l’instantanéité et du temps réel un combat sans merci.

L’instantanéité, un théâtre de compétition acharnée

Cette année, dans les travées du salon, les réseaux de paiements en temps réel sont partout et la course pour acheminer la valeur aux quatre coins du globe, en un battement de cils et pour une bouchée de pain, aura franchi un nouveau palier dans son intensité.

Ces RTP pour Real-Time Payments en anglais permettent aux institutions financières de traiter de manière électronique des paiements presque instantanément, cette performance les distinguant ainsi d’autres méthodes de paiement traditionnelles. Ces infrastructures locales sont aujourd’hui disponibles dans plus de soixante-dix pays et fonctionnent en continu, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an et ne cessent de se développer partout dans le monde.

Ces RTP couplés à des rails mondialisés de transfert de la valeur de comptes bancaires à comptes bancaires permettent l’émergence de nouvelles infrastructures de paiements innovantes. Ces dispositifs hybrides opérés par des acteurs privés assurent une mise à jour en temps réel des positions financières des parties prenantes à une transaction de paiement, faisant du déplacement transfrontalier de la valeur une réalité en matière d’instantanéité et de coûts réduits.

En 2023, d’après l’américain ACI Worldwide, les RTP ont traité pour plus de 226,2 milliards de transactions, en croissance de 42,2%. Un chiffre qui devrait atteindre les 575 milliards d’ici 2028 avec des paiements en temps réel comptant pour 27,1% des opérations électroniques. Le rapport Fintech 2025+ publié par Convera à l’occasion de Money 20/20 met également en lumière un impressionnant marché des paiements transfrontaliers de 190.000 milliards de dollars en 2023 générant 193 milliards de dollars de revenus, répartis entre frais de transaction et commissions de change. D'ici 2030, les experts s’attendent à ce que son activité de gros (c’est à dire entre institutions financières) atteignent le chiffre phénoménal des 225.000 milliards de dollars, en hausse de 54%.

L'année dernière, dans cette vibrante arène mondiale des paiements qu’est Money 20/20, il était difficile d'obtenir des informations de qualité de la part des acteurs de l'instantanéité. Dans cet univers où la chaîne de valeur demeure d’une complexité opaque, de nombreuses promesses mises en avant semblaient encore difficiles à tenir.

Cependant, cette année, les protagonistes du temps réel ont davantage à partager et à promouvoir. Leurs infrastructures se renforcent, leurs partenariats sont plus nombreux, leurs solutions se vendent. En misant sur des rails, protocoles ou modèles économiques différents, ces acteurs contribuent à faire de l’échiquier mondial des paiements un théâtre de compétition acharnée.

La seconde en référence

En matière de temps réel, les performances de Wise défient l’entendement. Cette fintech britannique fondée en 2011 à la capitalisation boursière de 8,8 milliards de livres sterling définit son niveau d’instantanéité à 20 secondes. Globalement, 60% des opérations transfrontalières opérées par ce poids lourd du secteur, de l'expéditeur au bénéficiaire, sont désormais réalisées dans ces délais. Pour réussir cet exploit, ses traitements en matière de fraude ou de lutte contre le blanchiment d'argent sont effectuées en millisecondes grâce à la puissance de ses algorithmes.

En dix ans, Wise s’est par ailleurs constitué un portefeuille inégalé de 60 licences bancaires – aux contours divers – répartis à travers le monde. Cet actif réglementaire constitue une véritable barrière à l’entrée pour quiconque voudrait concurrencer la société sur son marché des transferts d’argent à faibles coûts. Dans chaque région du monde où elle opère, Wise bénéficie aussi de la présence d'équipe de conformité localement influente et proche des régulateurs.

Par ailleurs, pour conquérir la clientèle des institutions financières qui constitue le gros de son marché, Wise continue de miser sur sa collaboration avec SWIFT.

Dévoilée en 2023, cette alliance stratégique lui permet de jouer un rôle de correspondant bancaire au sein de ce réseau. SWIFT bénéficie également de cette collaboration, car malgré ses efforts pour améliorer l'efficacité de ses systèmes, l'entreprise ne peut égaler la rapidité et l'agilité d’un Wise. Les délais de son système GPI (Global Payments Innovation) qui tente d'opérer des transactions transfrontalières de bout en bout en moins de 5 minutes contrastent avec les 20 secondes nécessaires à Wise pour effectuer ses transferts, soulignant ainsi l'écart encore significatif entre les deux systèmes.

Vers une fraude instantanée ?

Dans les allées d’un salon en effervescence, une question se propage, brûlant les lèvres de nombreux professionnels des paiements : la finance en temps réel est-elle un vecteur de fraude instantanée ?

Transférer des fonds – parfois de manière irréversible – en moins de 10 secondes, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pour des transactions allant jusqu’à 100.000 euros comme le souhaite l’Union européenne augmentent certainement les opportunités de fraude. Par ailleurs, dans ce laps de temps extrêmement réduit, il n’est pas inutile de rappeler que les prestataires de services de paiement doivent également éviter tout blanchiment d’argent, financement du terrorisme ou encore contournement de sanctions internationales.

Ces exigences réglementaires en matière de conformité ont déjà un coût extrêmement élevé pour l’industrie financière, estimé à 85 milliards de dollars en 2023 pour la seule zone Europe, Moyen-Orient, Afrique d'après une étude récente de LexisNexis.

Le temps réel apparaît donc aussi comme une course vers une conformité instantanée fondamentalement basée sur l'intelligence artificielle pour éliminer la fraude et réduire délais de traitement et risques réglementaires. Cette conformité temps réel devra également utiliser des systèmes d'identité numérique pour authentifier nativement toutes parties prenantes à la transaction de paiement évitant d’embarquer des tiers de confiance plus vrais que natures mais pourtant frauduleux.

Les nouveaux Wise

L'ascension de Wise et la révolution de l’open banking ont catalysé une vague de nouvelles fintech déterminées elles aussi à révolutionner les standards des paiements internationaux.

Parmi elles, les licornes GoCardless, Airwallex et Nium, mais aussi des challengers comme Token.io ou Volt. Toutes ambitionnent de transformer les paiements en un système mondial instantané grâce à leurs infrastructures de compte à compte et à leurs services innovants. Dans ce contexte concurrentiel féroce, Nium se distingue par son innovation et ses services diversifiés, tout en faisant face à des défis de taille.

Pour se développer, Nium doit gérer de manière optimale un registre, reflet précis des positions de ses comptes bancaires à l'échelle internationale. Gérés en réseau, ses positions comptables garantissent l’instantanéité sur ses corridors de paiement, un engagement fondamental envers sa clientèle. Nium excelle particulièrement dans les rails reliant l'Ouest à l'Asie du Sud-est et à l'Amérique latine. Sur le plan local, Nium bénéficie des infrastructures de virement instantané entre banques et se distingue par sa flexibilité, y opérant plusieurs comptes dans différentes banques.

La déprime des rails tokénisés

Dans le secteur des paiements internationaux, des réseaux parient sur les actifs numériques cryptographiques pour transférer de la valeur à un prix stable sur des réseaux blockchain.

Ces acteurs de la tokenisation continuent de croire aveuglement que leur technologie s’imposera pour traiter des transferts de très petits montants en une poignée de secondes et ceci à bas coût. Pour grandir, ils tentent de nouer des partenariats avec des acteurs traditionnels de la finance et des start-up du compte à compte, mais sans véritablement de succès jusqu’à présent.

Nium – par exemple – confirme être sollicité par des opérateurs de ce type désireux d’intégrer à sa plateforme leurs infrastructures basées sur des stablecoins, promettant à la fintech singapourienne des gains additionnels en termes de vitesse d’exécution et d’économie de coût. Malgré un flot constant de propositions, Nium a, jusqu'à présent, toujours refusé ces options de partenariat stratégique. Même si la fintech reconnaît discuter avec Ripple, sa position de principe à ce niveau souligne les obstacles rencontrés par les acteurs des corridors Fiat - Stablecoin pour s'établir durablement dans le paysage compétitif des paiements.

La difficulté rencontrée par ces acteurs est également illustrée par la collaboration annoncée ce 5 juin entre Nium et Remote, une licorne américaine de la RH Tech présent entre autres sur le segment de la gestion de la paie multi-pays. Remote a choisi Nium pour offrir à ses clients la possibilité d'utiliser des portefeuilles multi-devises pour envoyer des fonds dans plus de 20 devises locales. Les taux de change sont garantis 24 heures et les paiements envoyés vers des comptes bancaires, mais aussi des cartes et des portefeuilles électroniques dans plus de 220 marchés à travers 100 corridors en temps réel.

Ce partenariat illustre parfaitement la capacité des acteurs innovants des paiements à continuer à œuvrer pour une finance plus inclusive dans une économie mondialisée où le travail à distance et l'économie des petits boulots en ligne deviennent de plus en plus prévalents. Et ceci sans avoir à passer par des rails construits sur des actifs numériques !

Le phénomène Pay by Bank

Dans un monde où les consommateurs exigent tout, partout et immédiatement, les parcours de paiement n'ont d'autre choix que de s’adapter. Les spécialistes présents à Money 20/20 observent une accélération constante de ces parcours et témoignent d'une course effrénée vers le temps réel pour répondre aux besoins des entreprises et des commerçants à bénéficier de services efficaces, rapides et peu coûteux.

Si Wise semble avoir réussi à imposer son infrastructure dans l’univers des virements internationaux, d’autres acteurs se positionnent avec des propositions audacieuses pour faire de nos comptes bancaires une nouvelle méthode de paiement.

C’est le cas du suédois Brite, un concurrent de Nium également présent sur ce segment, qui avec sa technologie de paiements de compte à compte (ou A2A pour Account to Account) veut révolutionner le marché des paiements en ligne ou en magasin.

En utilisant directement nos comptes bancaires pour effectuer des virements en guise de paiements, ces acteurs de l’A2A veulent offrir une alternative économique aux paiements traditionnels par cartes jugés trop coûteux pour les petits commerçants. Très présents cette année à Money 20/20, les pionniers du Pay by Bank ont fait sensation avec des démonstrations léchées et des gains fantastiques, promettant une réduction drastique des commissions sur les paiements par carte bancaire, de l’ordre de 88% à en croire la société irlandaise Prommt.

Techniquement, ces solutions qui émergent grâce à l'open banking permettent à un prestataire technique de se connecter directement à nos comptes bancaires pour initier des paiements. Fini donc la carte bancaire comme moyen de paiement, place au QR Code bancaire ! Face à une érosion potentielle de leurs revenus, les géants Visa et Mastercard ont investi dans l'écosystème du Pay by Bank en acquérant des spécialistes de l'open banking. Tink a été racheté par Visa en 2022 et Aiia absorbé par Mastercard en 2021. Ces acquisitions assurent ainsi aux mastodontes américains une place de choix dans la chaîne de valeur de ce nouveau mode de paiement.

L'essor du Pay by Bank s'annonce donc comme une nouvelle révolution dans le domaine des transactions commerciales, une de plus ou une de trop, au choix !

Grâce à elle, libérés de la dépendance aux réseaux de cartes bancaires, les petits commerçants pourraient bien se mettre à enrichir leur offre de nouveaux services et potentiellement augmenter le pouvoir d'achat des consommateurs qui décident, à leur caisse, d’opter pour ce mode de paiement.

Des perspectives séduisantes qui pourraient bien se transformer en véritable moteur d’adoption. Bien que 72% des Français affirment n’avoir jamais eu recours au Pay by Bank pour leurs achats en ligne, cette tendance est inversée chez les jeunes Européens âgés de dix-huit à vingt-neuf ans. Ils seraient désormais 36% à opter pour le Pay by Bank quotidiennement ou hebdomadairement, selon une étude de Brite.

Dans l’arène de Money 20/20, les combattants du temps réel !

Dans un monde où les consommateurs exigent tout, partout et immédiatement, les parcours de paiement n'ont d'autre choix que de s’adapter. Les spécialistes présents à Money 20/20 observent une accélération constante de ces parcours et témoignent d'une course effrénée vers le temps réel pour répondre aux besoins des entreprises et des commerçants à bénéficier de services efficaces, rapides et peu coûteux.

Romain LIQUARD, Responsable Domaines Industrie et Services