France – Que faut-il retenir des dernières publications de la Banque de France ?

France – Que faut-il retenir des dernières publications de la Banque de France ?

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La Banque de France a publié ses nouvelles projections macroéconomiques pour l'économie française le 11 juin. Le même jour, elle a publié les résultats de son enquête mensuelle de conjoncture de début juin. L'institution ne révise pas sa prévision de croissance pour 2024, mais elle révise à la baisse celles pour les deux années suivantes. Malheureusement, cette prévision a été réalisée avant la publication par l'Insee des comptes nationaux en base 2020 et donc également avant celle des résultats détaillés des comptes nationaux trimestriels du premier trimestre 2024. La Banque de France ne révise pas ses prévisions d'inflation à horizon 2026. Par ailleurs, les résultats de son enquête mensuelle de conjoncture la conduisent à envisager une croissance très faible pour le deuxième trimestre, avec toutefois une incertitude plus importante que d'habitude du fait des effets de calendrier en mai.

Dans ses projections macroéconomiques de juin, la Banque de France ne révise pas sa prévision de croissance pour 2024 par rapport à ses projections de mars, à 0,8%, et révise à la baisse ses prévisions pour 2025 et 2026, à respectivement 1,2% ( 0,3 point) et 1,6% (-0,1 point). La croissance serait tirée par la consommation des ménages, soutenue par la progression du pouvoir d'achat en lien avec la désinflation. L'investissement se replierait en moyenne cette année, mais rebondirait en 2025 et 2026. La Banque de France ne revoit pas ses prévisions d'inflation, à respectivement 2,5% en 2024, et 1,7% en 2025 et en 2026. Sa prévision d'inflation sous-jacente est toutefois révisée en légère hausse pour cette année, à +2,5% (+0,1 point). Il est toujours prévu, en revanche, que l'inflation sous-jacente retombe ensuite à 2,2% en 2025 et 1,9% en 2026 (prévisions inchangées).

Les prévisions de la Banque de France ont malheureusement été réalisées avant le passage des comptes nationaux en base 2020 et avant la publication des résultats détaillés des comptes nationaux trimestriels du premier trimestre le 31 mai dernier, avec une cut-off date au 22 mai. Or, la croissance pour 2023 a depuis été révisée à la hausse, à 1,1% (contre +0,9% initialement estimé), principalement sous l'effet d'une révision de l'évolution de la consommation des ménages. Surtout, la croissance a été révisée en hausse fin 2023, à +0,3% t/t au quatrième trimestre (soit +0,2 point), en lien avec de nouvelles données sur les services, ce qui porte l'acquis de croissance à 0,6% à l'issue du premier trimestre (+0,1 point).

La Banque de France semble, pour sa part, considérer que l'intégration des derniers chiffres de l'Insee ne changerait rien à sa prévision annuelle, car ces effets haussiers seraient compensés par d'autres effets baissiers. Ces derniers proviendraient des résultats de son enquête mensuelle de conjoncture, eux-mêmes publiés trop tardivement pour être intégrés à la prévision. Ils suggèreraient une croissance plus faible qu'anticipé au deuxième trimestre, comprise entre 0% et 0,1%. Cette estimation est toutefois entourée d'une plus forte incertitude qu'à l'accoutumée, du fait d'effets calendaires en lien avec le positionnement des jours fériés en mai.

Dans le détail, les résultats de l'enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France indiquent que l'activité aurait progressé en mai dans les services marchands, malgré une certaine décélération par rapport au mois précédent. Elle aurait en revanche nettement diminué dans l'industrie et le bâtiment, après une forte progression en avril, notamment en lien avec les congés et fermetures liés au positionnement des jours fériés (et la météo qui a défavorablement affecté les chantiers). Ces résultats pour mai sont toutefois à interpréter avec précaution, car ils sont certes corrigés du nombre de jours ouvrables, mais pas de leur positionnement, tandis que la correction des jours ouvrables effectuée par l'Insee dans les comptes nationaux trimestriels tient compte des deux effets. Les chefs d'entreprises anticipent que l'activité rebondirait en juin dans l'industrie et accélèrerait dans les services. L'activité progresserait également en juin dans le bâtiment, quoique plus légèrement, avec un rebond dans le second œuvre, mais de nouveau une contraction dans le gros œuvre. Ces résultats pour juin sont également à interpréter avec précaution, car ils sont relatifs par rapport au mois de mai.

Notre opinion – La prévision de croissance de la Banque de France, à +0,8% en 2024, nous paraît relativement pessimiste, alors que la croissance pour l'année 2023 s'est finalement établie à 1,1% d'après l'Insee, et que l'acquis de croissance annuelle à l'issue du premier trimestre est déjà de 0,6%. Notre prévision qui sera prochainement publiée devrait s'établir à 1,1%, soit une croissance annuelle équivalente à celle de 2023. Il faut toutefois admettre que les risques baissiers sur l'activité semblent désormais dominer face aux risques haussiers, depuis la révélation des résultats des élections européennes en France et la décision par le président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale, mais les projections de la Banque de France sont réalisées sous l'hypothèse conventionnelle de politique économique inchangée. La prévision intègre, en revanche, une nette réduction du déficit public en prévision, ramené vers 4% du PIB en 2026, avec des effets évidemment négatifs sur l'activité, même si cette réduction est moindre que prévu par le gouvernement dans le programme de stabilité.

Article publié le 14 juin 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

France – Que faut-il retenir des dernières publications de la Banque de France ?

La prévision de croissance de la Banque de France, à +0,8% en 2024, nous paraît relativement pessimiste, alors que la croissance pour l'année 2023 s'est finalement établie à 1,1% d'après l'Insee, et que l'acquis de croissance annuelle à l'issue du premier trimestre est déjà de 0,6%. Notre prévision qui sera prochainement publiée devrait s'établir à 1,1%, soit une croissance annuelle équivalente à celle de 2023. Il faut toutefois admettre que les risques baissiers sur l'activité semblent désormais dominer face aux risques haussiers, depuis la révélation des résultats des élections européennes en France et la décision par le président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale, mais les projections de la Banque de France sont réalisées sous l'hypothèse conventionnelle de politique économique inchangée. La prévision intègre, en revanche, une nette réduction du déficit public en prévision, ramené vers 4% du PIB en 2026, avec des effets évidemment négatifs sur l'activité, même si cette réduction est moindre que prévu par le gouvernement dans le programme de stabilité.

Marianne PICARD, Economiste - France, Belgique et Luxembourg