Afrique sub-saharienne – Trente ans après la dernière dévaluation du franc CFA, quelle stabilité pour la zone monétaire ?

Afrique sub-saharienne – Trente ans après la dernière dévaluation du franc CFA, quelle stabilité pour la zone monétaire ?

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Il y a trente ans, quatorze pays africains assistaient stupéfaits à la dévaluation du franc CFA de 50%. Aujourd'hui, qu'en est-il de la stabilité de la zone franc ?

Tout d'abord, la zone franc est un espace économique et monétaire qui réunit l'UEMOA, la CEMAC, l'Union des Comores et la France.
 - L'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) comprend le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.
 - La Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) comprend le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.
 - L'Union des Comores.

L'objectif de la zone franc est simple : favoriser la stabilité monétaire et financière. Pour cela, le cadre institutionnel du franc CFA s'appuie sur deux principes de coopération monétaire :
 - Une parité de change fixe avec l'euro ;
 - Une garantie de convertibilité illimitée par le Trésor français.

Ces principes sont vecteurs de plusieurs avantages, en théorie : celui de se prémunir contre le risque de change d'une part, et celui de favoriser la stabilité des prix d'autre part.

Aujourd'hui, les perspectives économiques de l'UEMOA et de la CEMAC laissent entendre raison aux bienfaits de la zone monétaire qui connaît une croissance plus forte que l'ensemble de la région Afrique sub-saharienne. De plus, l'ancrage du franc CFA à l'euro a épargné les pays membres de la zone franc des effets inflationnistes de la guerre en Ukraine.  

Pour autant, on constate de fortes disparités, en termes de croissance, entre l'UEMOA et la CEMAC, compte tenu de la structure différenciée de leurs échanges commerciaux : les pays de la CEMAC étant majoritairement exportateurs d'hydrocarbures contrairement aux pays de l'UEMOA.

Par ailleurs, le franc CFA nourrit certaines controverses. D'un point de vue économique, la parité fixe empêche toute dévaluation compétitive. Par conséquent, le franc CFA, en tant que monnaie forte, pousse les pays membres de la zone monétaire à importer plutôt que de produire, donnant naissance à des balances commerciales souvent déficitaires.

Enfin, le franc CFA ne semble pas avoir dynamisé le commerce intra-régional dans la mesure où les pays de la zone franc continuent d'échanger très peu entre eux.

D'où l'ambition prêtée aux juntes qui dirigent le Mali, le Burkina Faso et le Niger d'abandonner le franc CFA. Souhaitant approfondir leur coopération économique et monétaire, les États membres de l'Alliance du Sahel (AES) ont annoncé, sur fond de rhétorique souverainiste, leur volonté de créer leur propre monnaie à l'instar de ce qu'avaient pu faire la Mauritanie ou Madagascar en 1973.

Or, cette décision pourrait ne pas être sans conséquences pour la stabilité de la zone franc et, plus particulièrement, pour l'UEMOA dont on rappelle que le Mali, le Niger et le Burkina Faso représentent près de 30% du PIB.     
 

Article publié le 22 mars 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Afrique sub-saharienne – Trente ans après la dernière dévaluation du franc CFA, quelle stabilité pour la zone monétaire ?

Le franc CFA contribue à la stabilité financière et monétaire de nombreux pays africains qui connaissent, depuis plusieurs décennies, une inflation sensiblement inférieure à celle de leurs voisins. Pour autant, il n'en demeure pas moins que les ambitions d'Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye, au Sénégal, de sortir du franc CFA ou les tensions politiques croissantes entre la France et les juntes du Sahel alimentent, à ce stade, des incertitudes quant à l'évolution de la zone monétaire.

Thomas MORAND, Economiste (alternant)