France – Une pluie d'indicateurs, des signaux mitigés concernant la conjoncture
- 04.03.2024
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Les informations récentes font état d'une situation conjoncturelle contrastée. Alors que la confiance des ménages et le climat des affaires repartent à la baisse en février, l'indice PMI composite (flash) est au plus haut depuis neuf mois. Points positifs, la croissance est révisée légèrement en hausse au quatrième trimestre 2023 et le pouvoir d'achat des ménages par unité de consommation se redresse. En outre, la poursuite du phénomène de désinflation se confirme en février. Point négatif en revanche, la consommation des ménages en biens a légèrement reculé en janvier.
L'Insee a publié ce jeudi 29 février les résultats détaillés des comptes nationaux trimestriels du quatrième trimestre 2023, dévoilant à la même occasion les comptes des principaux secteurs institutionnels (ménages et sociétés non financières). Par rapport à la première estimation, la croissance trimestrielle est révisée légèrement en hausse, à +0,1% (+0,1 point), laissant la croissance annuelle pour 2023 inchangée à +0,9%. L'acquis de croissance pour 2024 à l'issue du quatrième trimestre 2023 est pour sa part révisé légèrement en hausse, à +0,2% (+0,1 point).
Parmi les révisions notables au quatrième trimestre 2023, la consommation est revue en hausse, avec finalement une stabilité pour celle des ménages contre une légère baisse précédemment estimée ( 0,1%). L'investissement est en revanche révisé en baisse (à -0,9% contre -0,6%), notamment celui des entreprises non financières (-0,9%, contre -0,7%). Les deux effets se compensant, la contribution de la demande intérieure finale hors stocks à la croissance est inchangée à -0,1 point (après +0,4 point au troisième trimestre). Concernant le commerce extérieur, sa contribution est revue en baisse, à 0,9 point (contre 1,2 point dans la première estimation), en raison d'une révision plus importante à la hausse des importations que des exportations. Enfin, les variations de stocks pèsent moins sur la croissance que précédemment estimé, avec une contribution de -0,7 point (contre 1,1 point).
Du côté des ménages, le pouvoir d'achat du revenu disponible brut est en hausse au quatrième trimestre (+0,7%), ainsi que sur l'ensemble de l'année 2023 (+0,8%). Il augmente également une fois rapporté au niveau individuel, par unité de consommation : +0,6% sur le trimestre et +0,3% sur l'année. Le taux d'épargne des ménages est en hausse au quatrième trimestre 2023, à 17,9% après 17,3% au troisième trimestre, en lien avec la conjonction d'une progression du pouvoir d'achat et d'une stabilité de la consommation des ménages. Sur l'ensemble de l'année 2023, le taux d'épargne s'est élevé en moyenne à 17,6%, proche de son niveau de 2022 (17,5%), mais nettement supérieur à son niveau d'avant la crise sanitaire (15% en 2019). Concernant les entreprises, le taux de marge des sociétés non financières est stable à 32,9% au quatrième trimestre 2023, s'établissant en moyenne à 32,7% sur l'année. Ce niveau est supérieur à celui de 2022 (31,7%) et de 2018 (31,5%), année de référence d'avant la crise sanitaire pour le taux de marge.
L'Insee a également publié la semaine dernière les résultats de son enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages du mois de février. Après trois mois de hausse, l'indicateur synthétique de confiance des ménages se replie (-2 points), retrouvant son niveau de décembre à 89, sous sa moyenne de longue période (100). En particulier, le solde d'opinion (1) relatif à l'opportunité de faire des achats importants diminue (-5 points) après une hausse en janvier, nettement sous sa moyenne de long terme. Les soldes d'opinion concernant l'épargne (capacité actuelle comme future et opportunité d'épargner) diminuent aussi sensiblement, demeurant au-dessus de leur niveau historique moyen. La part des ménages considérant que le niveau de vie s'est amélioré au cours de l'année passée se replie (-4 points) après avoir augmenté en janvier, bien en-deçà de sa moyenne de longue période. Les ménages sont en outre relativement plus nombreux à estimer que les prix vont accélérer au cours des douze prochains mois (+7 points). Enfin, les craintes des ménages sur l'évolution du chômage sont en hausse (+4 points) après une baisse en janvier, mais demeurent nettement inférieures à leur moyenne historique.
Pour les entreprises, les indicateurs relatifs à leur opinion sur la conjoncture divergent. La conjoncture semble s'être légèrement dégradée en février d'après l'Insee : après deux mois de hausse, l'indicateur synthétique de climat des affaires s'inscrit en baisse (-1 point). À 98, il demeure proche de sa moyenne de longue période (100). Cette baisse provient de la dégradation du climat des affaires dans les services ( 2 points à 99) et le commerce de détail (-5 points à 99), qui restent toutefois proches de leur moyenne de long terme. Le climat des affaires s'améliore en revanche dans l'industrie (+2 points) et rejoint sa moyenne historique de 100 pour la première fois depuis juillet 2023. Il est par ailleurs stable dans le bâtiment, à 103, soit au-dessus de sa moyenne de longue période. Contrairement à l'indicateur fourni par l'Insee, l'indice PMI composite de l'activité globale en France (S&P Global) est en nette hausse en février (+3,1 points) d'après l'estimation flash parue le 22 février. À 47,7, il demeure sous le seuil théorique d'expansion de l'activité fixé à 50 (le seuil empirique se situerait en réalité autour de 45 (2)), mais est au plus haut depuis neuf mois. L'amélioration est valable à la fois pour les services (+2,6 points à 48) avec un plus haut de huit mois, et dans l'industrie manufacturière (+4 points à 47,1 d'après l'indice définitif publié ce vendredi 1er mars) où il se situe à son plus haut niveau depuis mars 2023. Dans l'industrie manufacturière, les perspectives d'activité à un an sont par ailleurs orientées à la hausse pour la première fois depuis mai 2023. Enfin, d'après l'enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France de début février, l'activité progresserait dans l'industrie ainsi que dans les services (quoiqu'à un rythme moins soutenu que le mois précédent pour ces derniers), tandis qu'elle se stabiliserait dans le second œuvre et se contracterait légèrement dans le gros œuvre du bâtiment.
Le nombre de défaillances d'entreprises continue d'augmenter, avec 56 290 défaillances cumulées sur douze mois à fin janvier d'après la Banque de France. Le processus de rattrapage se poursuit donc, mais le nombre de défaillances en cumul sur un an est en ralentissement depuis janvier 2023. La hausse du nombre de défaillances est particulièrement prononcée pour les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises, ce qui marque davantage les esprits et peut avoir un impact économique plus important. Toutefois, le nombre total de défaillances d'entreprises cumulées depuis l'avant-crise sanitaire demeure légèrement sous le niveau suggéré par sa tendance pré-crise. Par ailleurs, les créations d'entreprises restent très soutenues et leur nombre a même rebondi en janvier d'après l'Insee (+2,7%, après -1,5% en décembre). Leur nombre en cumul depuis janvier 2020 est d'ailleurs nettement supérieur à celui suggéré par la tendance d'avant-crise (+6%).
La semaine dernière, l'Insee avait également publié les chiffres de l'emploi salarié au quatrième trimestre 2023. Le ralentissement se confirme : l'emploi salarié est stable (+11 900 emplois, soit +0,0%), après +0,2% le trimestre précédent. L'emploi salarié privé diminue même très légèrement (-0,1% après +0,2%), tandis qu'il augmente dans la fonction publique (+0,4% après +0,2%). L'emploi intérimaire est en baisse pour le quatrième trimestre consécutif (-1,7%). Toujours d'après l'Insee, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail s'est pour sa part stabilisé au quatrième trimestre, à 7,5% de la population active (France hors Mayotte). Il est donc en hausse par rapport à son point le plus bas depuis 1982 atteint au quatrième trimestre 2022 et au premier trimestre 2023, mais reste nettement en-deçà de son niveau d'avant la crise sanitaire (8,6% en moyenne en 2019). Du côté des indicateurs avancés, le climat de l'emploi de l'Insee a rebondi en février (+2 points à 101), après être passé sous sa moyenne de longue période en janvier pour la première fois depuis le printemps 2021.
Les résultats provisoires de l'inflation de février, parus également la semaine dernière, confirment une poursuite du phénomène de désinflation. L'inflation au sens de l'indice des prix à la consommation diminue en effet à +2,9% en glissement annuel, après +3,1% en janvier. Elle repasse ainsi sous les 3% pour la première fois depuis janvier 2022, malgré une hausse notable des prix sur un mois (+0,8% après -0,2%), en lien avec des effets de base (une forte hausse des prix sur un mois un an plus tôt, en février 2023 : +1%). La baisse de l'inflation en février s'explique par le ralentissement des prix de l'alimentation, de ceux des produits manufacturés et, dans une bien moindre mesure, de ceux des services sur un an. Les prix de l'énergie et du tabac accélèrent en revanche sur un an.
La publication la semaine dernière de la consommation des ménages en biens de janvier par l'Insee est moins encourageante, avec un repli de 0,3% en volume, après +0,3% en décembre. Cette baisse est liée à celle des achats de biens fabriqués (-1,5% après +0,8%), en particulier ceux de biens durables (-3,3% après +1,7%) et notamment de voitures ( 6,7% après +4,8% pour les matériels de transport), en lien notamment avec le durcissement des dispositifs de bonus et malus écologiques. En revanche, les dépenses de consommation rebondissent pour l'habillement-textile (+0,6%, après -0,7%) et l'alimentation (+0,4%, après -0,9%). La consommation d'énergie poursuit par ailleurs sa hausse (+1,3%, après +1,5%).
NOTRE OPINION – La multitude d'indicateurs disponibles semble dresser un portrait mitigé de la conjoncture en ce milieu de premier trimestre, avec des signaux encourageants et d'autres moins. Notre prévision de croissance pour le début d'année 2024 pourrait ainsi prochainement être légèrement abaissée (mais elle resterait positive), avec un effet sur la prévision de croissance annuelle (elle était jusque-là de 1% pour 2024). Toutefois, la légère révision en hausse de la croissance du quatrième trimestre 2023 double l'acquis de croissance pour 2024 (de 0,1% à 0,2%). Qualitativement, notre diagnostic changerait par ailleurs peu, avec les mêmes « ingrédients ». En premier lieu, une poursuite du phénomène de désinflation et une hausse des salaires nominaux, qui permettraient un rebond de la consommation des ménages courant 2024 (peut-être un peu plus poussif qu'initialement prévu en début d'année). L'investissement des entreprises et des ménages serait pour sa part encore affecté par le resserrement passé des conditions financières pendant une bonne partie de l'année, avant les effets positifs de la normalisation monétaire attendue en milieu d'année 2024, qui pourraient se matérialiser en toute fin d'année et surtout en 2025.
Cet assombrissement des perspectives de croissance n'est pas sans conséquence pour les finances publiques. Le gouvernement a certes récemment indiqué réviser sa prévision de croissance pour 2024 à +1% (contre +1,4% dans sa prévision d'automne du projet de loi de finances), et a diminué par décret les dépenses publiques de 10 milliards d'euros pour cette année. En réalité, il semble toujours agir avec retard : au regard des indicateurs disponibles, une croissance de 1% en 2024 (et un déficit public de 4,4% du PIB) qui paraissait vraisemblable en fin d'année dernière semble aujourd'hui de moins en moins atteignable. La situation pourrait donc s'avérer pire que prévu, alors que l'objectif de déficit public de 4,9% du PIB en 2023 pourrait déjà ne pas être tenu.
Article publié le 1er mars 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine
(1) Le solde d'opinion est la différence entre les pourcentages de réponses positives et négatives (ou de réponses en hausse et en baisse).
(2) Voir le « Guide pratique des enquêtes de conjoncture & protocole de prévision en temps réel », Document de travail de la Direction générale du Trésor.
La multitude d'indicateurs disponibles semble dresser un portrait mitigé de la conjoncture en ce milieu de premier trimestre, avec des signaux encourageants et d'autres moins. Notre prévision de croissance pour le début d'année 2024 pourrait ainsi prochainement être légèrement abaissée (mais elle resterait positive), avec un effet sur la prévision de croissance annuelle (elle était jusque-là de 1% pour 2024). Toutefois, la légère révision en hausse de la croissance du quatrième trimestre 2023 double l'acquis de croissance pour 2024 (de 0,1% à 0,2%). Qualitativement, notre diagnostic changerait par ailleurs peu, avec les mêmes « ingrédients ».
Marianne PICARD, Economiste - France, Belgique et Luxembourg