Métaux stratégiques et nouveaux matériaux : lithium, nickel et cuivre rebattent les cartes

Métaux stratégiques et nouveaux matériaux : lithium, nickel et cuivre rebattent les cartes

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Les années se suivent et ne se ressemblent pas : de la chute du lithium et du nickel au retour en force inespéré du cuivre, 2023 aura mis une nouvelle fois en lumière la volatilité inhérente à ces marchés.

Le pic historique de 2022 semble désormais lointain : les cours du lithium se sont effondrés pour retrouver leur niveau d'août 2021, effaçant plus d'un an de croissance vertigineuse. Le rebond de mai n'ayant fait qu'illusion, l'addition est salée : le lithium a perdu 80% de sa valeur sur l'année. Victime d'une demande en véhicules électriques moins ardente qu'espérée et d'une croissance rapide de l'offre, l'éclatement de la bulle lithium pourrait momentanément handicaper le développement de nouveaux projets d'exploitation.

À Londres, c'est le nickel qui revêt le bonnet d'âne 2023, un an seulement après avoir défrayé la chronique en se satellisant au-delà des 100 000 $/t. De 30 000 $/t en janvier, le cours n'aura cessé de reculer, terminant l'année sous les 17 000 $/t, (-47%). L'afflux de métal indonésien et l'accroissement des capacités de production chinoises auront surcompensé une demande en demi-teinte ; la production mondiale d'acier inoxydable en reprise modérée, couplée aux déceptions du marché des batteries auront eu raison de sa superbe.

Le cuivre aura connu une année moins linéaire. Galvanisé dès janvier par la fin de la politique zéro Covid chinoise, il atteignait son pic annuel au-delà des 9 300 $/t, avant de lentement s'essouffler sous les 7 900 $/t au printemps, quand il fut alors apparent que la reprise industrielle attendue n'atteindrait pas ses promesses. En novembre, c'est l'annulation par le gouvernement panaméen de la concession de la mine Cobre Panamá (First Quantum) qui redistribuait les cartes, ramenant le cuivre à son cours de début d'année vers 8 400 $/t. La fermeture de ce site, représentant à lui seul plus d'un pourcent de la production mondiale, remet en question la robustesse de l'offre, que beaucoup pensaient excédentaire à court terme.
 

Lithium en baisse, nickel stable et cuivre paré au décollage

Faute de rebond de l'automobile électrique, le lithium devrait poursuivre sa descente en 2024, l'offre devant devenir excédentaire. Une reconstitution des stocks de batterie pourra insuffler une légère remontée au second semestre, sans pour autant retrouver les niveaux de 2023. En France, deux initiatives seront à suivre : le projet EMILI, conduit par Imerys dans l'Allier, qui fera l'objet d'une consultation publique au printemps, et AGeLi, projet d'exploitation des saumures géothermales d'Alsace mené par Eramet et Électricité de Strasbourg, dont les premiers résultats du pilote de Rittershoffen sont attendus cette année.

Concernant le nickel, les prévisions divergent : déclin ou rebond, 2024 reste incertaine. Bien que le surplus de production semble avoir atteint son pic, le marché devrait rester excédentaire jusqu'à l'horizon 2025, freinant une reprise significative des cours qui devraient plafonner sous les 18 000 $/t.

Le cuivre sera le métal à suivre en 2024 : déçus par des prix jugés trop bas, les géants miniers ont annoncé baisser leurs objectifs de production pour l'année à venir, alimentant les craintes de tension sur l'approvisionnement. Entre une demande inexorablement croissante et une offre réduite à court terme, tous les ingrédients semblent réunis pour une année forte, potentiellement au-delà des 9 000 $/t.

La décennie de la metalpolitik

Bien qu'ils jouissent d'incroyables perspectives de croissance à l'horizon 2030, des événements récents rappellent que l'opinion publique est à même de dicter l'offre en métaux critiques. Ainsi, les déconvenues des mines de lithium de Jadar, de Cobre Panama, ou du projet cupro-aurifère de Pebble ont mis en lumière la prévalence de l'apaisement social par le politique sur les enjeux d'indépendance stratégique sous-jacents.

Les États souhaitent cependant accroître leur mainmise sur les chaînes d'approvisionnement : fin 2023, le Parlement européen adoptait le Critical Raw Materials Act, visant à rapatrier une partie de l'exploitation des métaux stratégiques sur son sol dès 2030. Dans le même temps, la Chine élargissait son interdiction de l'exportation des technologies d'extraction et de raffinage des terres rares, consolidant ainsi sa toute puissance dans ce secteur. En décembre toujours, Joe Biden demandait un examen approfondi quant au rachat de l'emblématique US Steel par le géant japonais Nippon Steel, arguant une question de sécurité nationale.

Il semble donc désormais établi que les marchés des métaux stratégiques seront voués à être écartelés entre réalité économique et nécessité politique.
 

Chiffres clés :

 - chute de 80% des prix du carbonate de lithium en 2023 ;
 - augmentation de 60% de la demande mondiale de nickel à l'horizon 2030 (scénario NZE) ;
 - 350 000 tonnes = la production annuelle de cuivre de la mine Cobre Panama (fermée par le gouvernement panaméen en novembre 2023).
 

Article paru dans le rapport annuel "ECO Tour 2024 : état de l'économie française secteur par secteur",  le 15 février 2024

Métaux stratégiques et nouveaux matériaux : lithium, nickel et cuivre rebattent les cartes

Les États souhaitent cependant accroître leur mainmise sur les chaînes d'approvisionnement : fin 2023, le Parlement européen adoptait le Critical Raw Materials Act, visant à rapatrier une partie de l'exploitation des métaux stratégiques sur son sol dès 2030. Dans le même temps, la Chine élargissait son interdiction de l'exportation des technologies d'extraction et de raffinage des terres rares, consolidant ainsi sa toute puissance dans ce secteur. En décembre toujours, Joe Biden demandait un examen approfondi quant au rachat de l'emblématique US Steel par le géant japonais Nippon Steel, arguant une question de sécurité nationale. Il semble donc désormais établi que les marchés des métaux stratégiques seront voués à être écartelés entre réalité économique et nécessité politique.

Guillaume STECHMANN, Ingénieur-conseil Métaux stratégiques & Nouveaux matériaux