Royaume-Uni – La cible d'inflation à portée de main, la BoE plus accommodante
- 26.03.2024
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L'inflation s'approche un peu plus de la cible, mais des risques demeurent
Le taux d'inflation des prix à la consommation, mesuré par l'indice CPI, est reparti à la baisse en février atteignant 3,4% sur un an, après 4% en décembre et en janvier (en ligne avec notre prévision, mais 0,1 point en-dessous de la prévision du consensus et de celle de la Bank of England). Il s'agit d'un plus bas depuis septembre 2021, alors que l'inflation avait atteint un pic à 11,1% en octobre 2022.
Le taux d'inflation sous-jacent, mesuré par l'indice CPI hors énergie, alimentation, alcool et tabac, a aussi baissé fortement, à 4,5%, un plus bas depuis janvier 2022, après avoir été stable à 5,1% sur la période de novembre à janvier.
La modération du taux d'inflation en février est en grande partie due à des effets de base favorables : l'indice CPI a progressé de 0,6% en variation mensuelle en février 2024, contre +1,1% en février 2023. Même constat pour la baisse de l'inflation sous-jacente : en variation mensuelle, l'indice CPI hors énergie, alimentation, alcool et tabac progresse de 0,6%, contre le double (+1,2%) en février 2023.
La modération du taux d'inflation depuis son pic s'explique surtout par la baisse des prix de l'énergie et la nette baisse de l'inflation des biens industriels, tandis que l'inflation dans les services est la principale source de rigidité. Néanmoins, la désinflation concerne la quasi-totalité des composantes de l'indice CPI.
Le taux d'inflation dans les services diminue à 6,1%, après un léger rebond en février à 6,5%. Il est au plus bas depuis janvier 2023. Le taux d'inflation des biens industriels hors énergie baisse sous 2%, à 1,9%, contre 2,7% en janvier, touchant un plus bas depuis avril 2021. L'inflation de l'énergie quant à elle remonte un peu, mais reste très négative à -13,8% contre -14,9% en janvier. Celle des produits alimentaires, alcool et tabac atteint 6,7%, en baisse continue depuis un pic à 16% en avril 2023.
Les composantes qui contribuent le plus à la baisse du taux d'inflation sont l'alimentation (taux d'inflation sur un an à 5% contre 6,9% en janvier) et les prix dans les hôtels, les cafés et les restaurants (+6% sur un an contre +7% en janvier). A contrario, les services au logement et la composante transport ont exercé des pressions à la hausse sur le taux d'inflation. En effet, le taux d'inflation des services au logement augmente pour le cinquième mois consécutif, à -1,7% sur un an, après -2,1% en janvier. Celui de la composante transport augmente pour le quatrième mois d'affilée, à -0,1% sur un an, contre -0,3% en janvier. Une hausse des prix des carburants a été seulement partiellement compensée par des baisses de prix des voitures d'occasion et des services de maintenance et de réparation.
NOTRE OPINION
Nous anticipons une forte baisse du taux d'inflation à court terme. En avril, l'inflation CPI atteindrait la cible de 2% grâce à une réduction d'environ 12% des tarifs de gaz et d'électricité. Nous anticipons une inflation inférieure à la cible en moyenne au deuxième trimestre avec un point bas à 1,5% en juin, avant une remontée au second semestre. L'inflation resterait toutefois proche de la cible, à un rythme prévu à 2,1% au quatrième trimestre 2024.
Bien que notre scénario central table sur une inflation proche de la cible à moyen terme, les risques autour des prévisions d'inflation restent orientés à la hausse. Une nouvelle poussée inflationniste est possible si les conflits géopolitiques venaient à persister, en mer Rouge en particulier. Les indicateurs avancés ne rassurent pas complètement. Les indices des prix à la production des intrants ont continué de reculer en février, tandis que les prix des produits sortants rebondissent légèrement. De plus, les enquêtes PMI auprès des directeurs d'achat de mars, publiés la semaine dernière, signalent, d'une part, des pressions inflationnistes en hausse dans le secteur manufacturier dues aux prix des matières premières et aux coûts des transports et, d'autre part, des pressions persistantes sur les salaires dans les services. Celles-ci restent le principal facteur de hausse des coûts de production dans ce secteur. Les entreprises sont à présent plus aptes à répercuter leurs hausses de coûts sur les prix finaux dans un contexte de rebond de la demande depuis le début de l'année.
À moyen terme, les principaux risques sont ceux liés à la persistance des tensions sur le marché du travail. Bien qu'un apaisement soit à l'œuvre au regard de la baisse continue des postes vacants, le taux de chômage reste bas (3,9%), la croissance des salaires est toujours trop élevée (6,1% sur les trois mois à fin janvier) et le taux d'inactivité s'inscrit de nouveau en hausse (21,8%, soit 1 point de pourcentage au-dessus de son niveau d'avant-Covid). En outre, une hausse de 10% du salaire minimum (National Living Wage) sera mise en place en avril, ainsi qu'une hausse significative des plafonds des salaires des travailleurs immigrés. Des effets de second tour risquent ainsi de continuer à tirer vers le haut les pressions inflationnistes, notamment dans les secteurs des services qui sont les plus intensifs en main-d'œuvre peu qualifiée.
Bank of England : les deux membres « faucons » ont rejoint la majorité
La banque centrale d'Angleterre (BoE) a laissé son taux directeur inchangé à 5,25% à l'issue de sa réunion de politique monétaire de mars, en ligne avec les anticipations. Les minutes de la réunion confirment que le prochain mouvement sur les taux devrait être une baisse, mais il y a des points de vue divergents sur les conditions nécessaires au passage à l'acte. À la lecture des minutes de la réunion, il nous semble qu'une réduction de taux pourrait arriver plus tôt qu'il n'est anticipé actuellement.
Tout d'abord, le résultat des votes montre une inflexion dovish significative. Alors qu'en février le Comité de politique monétaire (MPC) était très divisé quant à l'orientation de la politique monétaire, à présent il n'y a qu'un seul membre dissident, Swati Dhingra. Celui-ci a continué de voter pour une baisse de taux de 25 points de base, jugeant que la politique monétaire restrictive pèse sur les niveaux de vie et sur les capacités d'offre de l'économie. Selon ce membre du MPC, les perspectives de demande restent faibles, à en juger par la baisse des postes vacants et la modération des indicateurs de croissance des salaires. La consommation des ménages n'a pas encore récupéré son niveau d'avant-Covid, contrastant avec les autres pays développés.
Les deux « faucons », Jonathan Haskel et Catherine L. Mann, qui auparavant votaient pour une hausse de taux supplémentaire, ont rejoint la majorité votant pour le maintien des taux inchangés. Le MPC est unanime sur le fait que la politique monétaire pèse sur l'activité dans l'économie réelle, favorise un assouplissement du marché du travail et pousse vers le bas les pressions inflationnistes. Néanmoins, les « indicateurs-clés de persistance de l'inflation restaient élevés ».
Dans le même temps, les minutes indiquent qu'il y a des points de vue divergents concernant le degré de persistance des pressions inflationnistes. D'un côté, les indicateurs nominaux de haute fréquence suggèrent d'ores et déjà la présence d'un impact significatif de la politique monétaire sur les composantes les plus persistantes de l'inflation. De l'autre, la croissance des salaires reste trop élevée et ne devrait se modérer que lentement. Il serait par ailleurs peu probable que l'inflation dans les services retourne à la cible suffisamment rapidement. Quelques risques haussiers demeurent autour des prévisions à la fois d'inflation et des salaires.
Les conditions ne sont donc pas encore réunies pour justifier une baisse de taux à ce stade et il y a une divergence de vue sur les éléments de preuve qui seraient nécessaires avant de passer à l'acte. Le Comité de politique monétaire continuera d'examiner le caractère restrictif de la politique monétaire à chaque réunion.
Néanmoins, à part ces « mises en garde », les minutes incluent quelques changements de langage qui font apparaître une tonalité plus accommodante. Ainsi, il est noté que « le Comité reconnaît que l'orientation de la politique monétaire pourrait rester restrictive, même si le taux directeur venait à être réduit, étant donné qu'il se trouve déjà à un niveau restrictif. »
Le Comité envisagerait-il donc d'ores et déjà l'éventualité d'une baisse de taux qui pourrait arriver plus tôt que prévu ? C'est possible, si l'inflation continue de surprendre à la baisse. Comme nous, la BoE anticipe une baisse du taux d'inflation sous la cible au deuxième trimestre, mais elle serait suivie d'un rebond aux troisième et quatrième trimestres à près de 2,8%, une prévision probablement trop élevée. Il est vrai que les risques sont orientés à la hausse à court terme en raison des risques géopolitiques. De plus, l'économie devrait connaître une reprise pendant la première moitié de l'année, comme suggéré par les enquêtes, ce qui implique un risque haussier supplémentaire. Une politique budgétaire légèrement moins restrictive devrait y contribuer (la BoE anticipe un impact de 0,25% sur le niveau du PIB à long terme en raison des mesures annoncées par le gouvernement dans le budget de mars). En revanche, la BoE considère que les implications sur l'inflation devraient être moindres, étant donné un impact positif également escompté sur l'offre. Enfin, la BoE estime à présent que « les risques liés aux pressions domestiques sur les prix et les salaires sont équilibrés ».
NOTRE OPINION
On constate des orientations significativement plus « dovish » lors de cette réunion de politique monétaire de mars, qui augmentent le risque de voir la première baisse de taux arriver plus tôt que prévu. Nous anticipons toujours pour le moment une première baisse au mois d'août prochain. Une inflation des services et une croissance des salaires trop élevées, et qui ne devraient baisser que lentement, incitent effectivement à la patience. De plus, la récession étant vraisemblablement derrière nous, l'économie devrait avoir entamé un cycle de reprise graduelle depuis le début de l'année, ce qui rend moins urgente la nécessité de baisser les taux pour soutenir l'économie.
Article publié le 22 mars 2023 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine
On constate des orientations significativement plus « dovish » lors de cette réunion de politique monétaire de mars, qui augmentent le risque de voir la première baisse de taux arriver plus tôt que prévu. Nous anticipons toujours pour le moment une première baisse au mois d'août prochain. Une inflation des services et une croissance des salaires trop élevées, et qui ne devraient baisser que lentement, incitent effectivement à la patience. De plus, la récession étant vraisemblablement derrière nous, l'économie devrait avoir entamé un cycle de reprise graduelle depuis le début de l'année, ce qui rend moins urgente la nécessité de baisser les taux pour soutenir l'économie.
Slavena NAZAROVA, Economiste - Royaume-Uni, États-Unis, Irlande, pays scandinaves