Croissance en Amérique latine – Un "survol" des prévisions du FMI
- 13.11.2024
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À l'occasion de la dernière publication du World Economic Outlook, le FMI a revu à la hausse les prévisions de croissance des grandes économies latino-américaines, à l'exception de celles du Mexique et de l'Argentine. Après avoir atteint 2,5% en 2023, la croissance de la région « LATAM-5 » (Brésil, Chili, Colombie, Mexique, Pérou) est désormais attendue à 2,3% en 2024. L'ancienne prévision s'établissait à 2,15%. L'amélioration anticipée est due surtout à la bonne performance brésilienne, qui ne cesse de déjouer les prévisions, qui se révèlent ex post toujours trop pessimistes. Les économies andines se voient également gratifier d'une amélioration de leurs prévisions de croissance. Celles-ci compensent la baisse attendue pour l'économie mexicaine. Le Mexique voit, en effet, sa croissance ralentir significativement ; la croissance y resterait faible en 2025 au regard, notamment, de celle de la région prévue à 1,9%.
Quant aux tendances générales, la désinflation se poursuit progressivement et s'accompagne de baisses des taux directeurs prudentes à l'exception de l'Argentine et du Brésil. Ce dernier constitue un cas un peu isolé : l'économie y reste dynamique, créant des pressions inflationnistes, contre lesquelles la banque centrale a réagi par des hausses de taux (visant également à rappeler que la situation budgétaire n'est pas pleinement satisfaisante).
Les marchés du travail sont « globalement » dynamiques, avec des taux de chômage assez faibles au regard du passé, en raison de taux de participation qui n'ont pas encore partout retrouvé leurs niveaux pré-Covid (1). La faiblesse du chômage a encouragé les hausses des salaires. Couplé à la désinflation, cela se traduit par une bonne tenue de la consommation privée, moteur de la croissance en particulier au Brésil. Par ailleurs, la consommation publique contribue également à la croissance, notamment (de nouveau) au Brésil.
Les performances en termes d'investissement sont hétérogènes. À titre d'illustration, après les fortes années 2022 et 2023, la croissance de l'investissement a ralenti au Mexique ; cela invite à la prudence sur les atouts censés être évidents en termes de nearshoring. Au Chili, l'investissement a pesé négativement sur la croissance au premier semestre, mais une amélioration est attendue au cours de la seconde moitié d'année. Au Pérou, la croissance de l'investissement s'est reprise au premier semestre et les perspectives semblent satisfaisantes.
Globalement, la région continue de souffrir d'un taux d'investissement faible, dû notamment à des coûts élevés de financement. Or, afin de profiter pleinement des opportunités de croissance offertes par la transition écologique et la réallocation des chaînes de production, source d'investissements directs étrangers (IDE), le continent a besoin d'investissements pour exploiter son potentiel en énergies renouvelables et en métaux stratégiques.
Au-delà des perspectives globales, les histoires nationales restent spécifiques : en termes de croissance, à la « contre-performance » mexicaine s'opposent notamment les récents succès brésiliens.
Le Mexique subit déjà une nette décélération de la croissance. Après les élections présidentielles (la présidente, Claudia Sheinbaum, a pris ses fonctions le 1er octobre) puis les élections américaines, l'incertitude est très élevée. Les investisseurs attendent de voir quel peut être l'impact des réformes constitutionnelles (2) et quelle sera l'attitude américaine afin de s'assurer (entre bien d'autres sujets) (3) que la tendance au nearshoring se poursuive. Le coup de frein subi par les IDE (-3,2% en glissement annuel au 1er semestre 2024) en témoigne. Plus récemment, l'indice d'activité économique s'est replié (–0,3% sur un mois, +1% sur un an en août). La construction publique a (bizarrement…) significativement ralenti après les élections. Les exportations en volume ont souffert d'une baisse de 3,6% (sur un an au 2e trimestre) alors que les importations augmentaient légèrement (0,5%). Le marché du travail montre des signes d'affaiblissement. Enfin, en raison de la résistance du prix des services, l'inflation est en repli mais encore trop élevée au regard de la cible (4,8% sur un an en octobre pour une cible de 3% +/- 1 pp) et empêche une baisse plus rapide de son taux directeur par la banque centrale (10,50%).
Aux « antipodes » du Mexique, l'économie brésilienne résiste, portée par la croissance de la consommation privée et les dépenses publiques (respectivement +4,8% et +5,4% sur un an au 2e trimestre). Même s'il ralentit, le marché du travail reste dynamique et les salaires continuent de progresser, soutenant la consommation. Portée par une demande interne encore vigoureuse, l'inflation s'est redressée (passant d'un creux à 3,7% en mai à 4,4% en septembre pour une cible à 3% +/- 1,5 pp) contraignant la banque centrale à remonter son taux directeur (11,25%). Sous l'impact d'une politique monétaire moins souple, l'économie commence à envoyer quelques légers signaux de décélération.
Quant aux pays andins, ils devraient enregistrer des rythmes de croissance en amélioration par rapport à 2023, une année de croissance faible voire de récession (Pérou).
La Colombie afficherait une croissance en accélération timide pour 2024. La banque centrale poursuit son cycle d'assouplissement mais lentement (à 9,75%, le taux directeur reste élevé) en raison, notamment, du déficit public et de la prudence que requiert la couverture du besoin de financement (dette externe et présence des non-résidents sur le marché domestique). La baisse des taux devrait néanmoins aider la demande interne, laissant espérer une croissance plus soutenue en 2025.
L'économie Chilienne reprendrait des couleurs en 2024 après une croissance tout juste positive en 2023. À son actif, une hausse des exportations en volume (+4,7% sur un an au premier semestre) qui fait un contrepoids au recul de l'investissement (-5,2% sur un an au 1er semestre). Le bon niveau des exportations s'explique aussi par les exportations de cuivre, en hausse après avoir enchaîné plusieurs trimestres en baisse. La baisse rapide du taux d'intérêt directeur (de 300 pdb depuis janvier à 5,25%) devrait en outre favoriser la reprise.
Au Pérou, reflet d'une croissance encore poussive après la récession de 2023, l'inflation (2% sur un an en octobre) est conforme à la cible de la banque centrale de 2% (+/- 1pp) qui a très légèrement baissé son taux directeur (à 5% mais sans l'avoir monté à un niveau aussi « punitif » que dans le reste de la région). Inflation modérée et salaires nominaux à la hausse (+5,7% sur un an en septembre) expliquent la reprise de la consommation privée (+1,8% sur un an au premier semestre). Les derniers chiffres d'activité indiquent une récupération dans les secteurs manufacturier et minier, dans lequel les investissements ont également significativement augmenté. Selon les données en volume (comptes nationaux), les exportations ont été décevantes au premier semestre. Ces résultats médiocres s'expliquent par une baisse des exportations de cuivre (25% des exportations totales péruviennes) de près de 4%. Quant aux IDE, la banque centrale table sur une hausse en 2024 et 2025, notamment dans le secteur minier (20% des IDE au sein desquels la Chine représente 21%).
notes :
(1) Le thème du marché du travail fera l'objet d'un article spécifique.
(2) Notamment la réforme judiciaire qui change le système d'élection des juges, la réforme sur le système énergétique qui change les priorités de Pemex ou CFE qui ne chercheront plus à faire des profits mais « l'intérêt commun », ou l'indexation du salaire minimum sur l'inflation.
(3) La négociation de l'accord de libre-échange USMCA, prévue pour 2026, et l'introduction de tarifs douaniers sont des risques pour le Mexique, notamment après l'élection de Trump.
Article publié le 8 novembre 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine
Globalement, la région continue de souffrir d'un taux d'investissement faible, dû notamment à des coûts élevés de financement. Or, afin de profiter pleinement des opportunités de croissance offertes par la transition écologique et la réallocation des chaînes de production, source d'investissements directs étrangers (IDE), le continent a besoin d'investissements pour exploiter son potentiel en énergies renouvelables et en métaux stratégiques.
Jorge APARICIO LOPEZ, Economiste (stagiaire) - Amérique latine