Hongrie – Enfin une bonne nouvelle pour Viktor Orban
- 14.11.2024
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Dans les jours précédant les élections américaines, les mauvaises nouvelles se sont accumulées pour le Premier ministre hongrois.
Pour commencer, l'économie a montré des signes prononcés de faiblesse au 3e trimestre 2024. Publiés le 30 octobre par l'Institut de statistique hongrois, les chiffres préliminaires indiquent une contraction du PIB hongrois au T3 2024 : en glissement annuel, l'activité baisse de 0,7%. En glissement trimestriel, il s'agit du deuxième trimestre consécutif de croissance négative (-0,7% après -0,2% au T2 2024), confrontant donc Budapest à une récession technique. La Hongrie était parvenue à sortir de la récession un an plus tôt (après deux trimestres de contraction en g.a.), grâce au rebond de la demande des ménages.
Certaines composantes de la croissance ne s'étaient en réalité jamais relevées depuis la crise énergétique : au T2 2024, l'investissement a connu son 8e trimestre de contraction en g.a. La suspension par l'UE de 20 milliards d'euros de financements alloués à la Hongrie ne favorise certainement pas la reprise de cette composante. De même, la contribution des exportations a été négative du T4 2023 au T2 2024. Si, à l'échelle de l'UE, la croissance devrait également être décevante (+0,3%), la performance hongroise est parmi les pires au sein des pays dont les résultats ont déjà été publiés par Eurostat. Le pays, très intégré aux chaînes de valeur allemandes1, est entraîné par la piètre performance de son grand voisin, aussi en récession. Par conséquent, la cible de croissance du gouvernement, à 1,5% pour 2024, devrait être difficile à atteindre, ce qui rendra encore plus compliqué les efforts de consolidation fiscale timidement entamés par le gouvernement.
De fait, l'agriculture, la construction et l'industrie continuent d'afficher leurs faiblesses. Selon l'Institut de statistique hongrois, ces trois secteurs contribuent négativement à la croissance à hauteur de 2 pp. La faiblesse du secteur industriel hongrois était connue, que ce soit dans la construction ou l'activité manufacturière. Cette sous-performance de la croissance par rapport au consensus doit donc s'expliquer par des difficultés dans d'autres secteurs, notamment les services, qui bénéficiaient jusque-là de la dynamique à la hausse des salaires réels. Pour ce qui est du secteur agricole, la Hongrie est le 5e pays de l'UE où ce secteur est le plus important (3,2% de la valeur ajoutée), ce qui expose l'économie à plus de volatilité dans un contexte où la région a connu une sécheresse d'une rare ampleur cet été.
La seconde mauvaise nouvelle pour Viktor Orban est venue des sondages : pour la première fois, deux instituts ont publié des résultats montrant que le Premier ministre serait en difficulté si l'élection avait lieu aujourd'hui ; l'un d'entre eux montrant le Fidesz relégué à la deuxième place pour la première fois en 20 ans. Si les élections n'auront lieu qu'au printemps 2026, la dynamique de son rival, Péter Magyar, qui a fondé son parti il y a huit mois seulement, a de quoi inquiéter Victor Orban.
L'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis est donc la première bonne nouvelle pour le Premier ministre hongrois ces dernières semaines. S'il n'est plus le seul dirigeant européen à soutenir D. Trump, il est le seul à avoir si ouvertement parié sur sa réélection, tant il a bâti la relation de Budapest avec Washington sur sa relation personnelle avec le nouveau président élu.
Pourtant, les gains économiques pour la Hongrie de cette victoire républicaine ne sont pas évidents. D'ailleurs le Forint s'est immédiatement déprécié à l'annonce des résultats. Encore une fois, V. Orban semble estimer que sur le sujet chinois, sa proximité avec D. Trump protègera la Hongrie des divergences de fond qui existent entre les deux dirigeants2. De même, V. Orban fait le pari que les Européens n'iront pas jusqu'à la rupture avec la Chine, y compris dans un scénario de fortes pressions américaines, et que son pays pourra donc pleinement profiter de son positionnement de pont entre ces deux grandes zones économiques.
Notre opinion
Fin octobre, le gouvernement hongrois a présenté son plan économique pour les années à venir. Celui-ci fait la part belle à la hausse du niveau de vie et aux transferts sociaux. La consolidation fiscale dépend quant à elle d'objectifs de croissance ambitieux : 3,4% pour 2025 et entre 3% et 5% pour les années suivantes. La contre-performance au T3 2024 met donc déjà en danger ce schéma de consolidation des finances publiques. A fortiori, plus la compétition électorale sera forte pour le Fidesz, moins V. Orban sera disposé à renoncer à ces objectifs de croissance. Les finances publiques pourraient donc être les premières pénalisées et, à terme, la notation souveraine hongroise. Pour rappel, Fitch a placé une perspective négative sur la note hongroise (noté BBB), ce qui pourrait mener à une dégradation.
Par ailleurs, dans un contexte fiscal contraint, le gouvernement pourrait chercher du côté monétaire pour stimuler l'économie. Dans les faits, au grand dam de l'actuel gouverneur de la Banque centrale, le gouvernement empiète déjà sur ses prérogatives monétaires en plafonnant certains taux d'intérêts (de telles mesures sont d'ailleurs incluses dans le nouveau plan gouvernemental). Or, en mars 2025, le mandat du gouverneur touchera à sa fin, laissant au Premier ministre une occasion de le remplacer par quelqu'un qui s'opposera moins à lui. À cela s'ajoute que la « bonne nouvelle » de l'élection de Donald Trump pourrait, s'il met en place son plan économique, réduire la marge de manœuvre de la Banque centrale hongroise pour réduire ses taux. En définitive, le Forint pourrait bien être la seconde victime de cet enchaînement d'événements, surtout si les finances publiques continuent à se dégrader et que la crédibilité de la Banque centrale est érodée.
(1) En 2023, l’Allemagne représente 26% des exportations hongroises de biens, soit 19% de son PIB.
(2) Consulter notre publication : Xi Jinping visite la Hongrie, une économie en rémission, juin 2024
Article publié le 8 novembre 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine
Fin octobre, le gouvernement hongrois a présenté son plan économique pour les années à venir. Celui-ci fait la part belle à la hausse du niveau de vie et aux transferts sociaux. La consolidation fiscale dépend quant à elle d'objectifs de croissance ambitieux : 3,4% pour 2025 et entre 3% et 5% pour les années suivantes. La contre-performance au T3 2024 met donc déjà en danger ce schéma de consolidation des finances publiques. A fortiori, plus la compétition électorale sera forte pour le Fidesz, moins V. Orban sera disposé à renoncer à ces objectifs de croissance. Les finances publiques pourraient donc être les premières pénalisées et, à terme, la notation souveraine hongroise. Pour rappel, Fitch a placé une perspective négative sur la note hongroise (noté BBB), ce qui pourrait mener à une dégradation.
Nathan QUENTRIC, Economiste - PECO et Asie centrale