Royaume-Uni – La croissance a été tout sauf modeste au premier semestre, mais qu'en est-il vraiment ?

Royaume-Uni – La croissance a été tout sauf modeste au premier semestre

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La récession du second semestre 2023, légère et courte, appartient au passé : l'économie a largement récupéré ses pertes. La croissance britannique du deuxième trimestre a en effet continué de défier les pronostics : à +0,6% en variation trimestrielle, après +0,7% au premier trimestre, elle dépasse le rythme de croissance de long terme (0,5% par trimestre en moyenne depuis 1985).

Ne nous fions toutefois pas aux apparences. L'approche par output de la décomposition du PIB au deuxième trimestre montre que seuls quelques secteurs de services spécifiques aux entreprises ont été les moteurs de l'activité : services professionnels, scientifiques et techniques, dont notamment une hausse de 11% de la recherche et développement, tandis que les services à destination du consommateur final ont baissé (-0,1%). Ainsi, si les services ont crû de 0,8% sur le trimestre, l'activité dans l'industrie et la construction a en revanche baissé de 0,1%. Cela suggère une image à la fois plus hétérogène et beaucoup plus précaire de la croissance que ne l'affiche le chiffre de PIB total.

La décomposition en termes de dépenses conforte ce constat et renforce les doutes sur la pérennité d'une reprise vigoureuse. La consommation des ménages décélère à +0,2% sur le trimestre après +0,4% au premier trimestre. Une hausse supplémentaire du taux d'épargne devrait donc être intervenue au cours du trimestre. Certes, cela pourrait en partie être dû à un excès de précaution lié à l'incertitude entourant les résultats des élections générales du 4 juillet dernier et une accélération, toutefois modérée, des dépenses privées pourrait intervenir au troisième trimestre.

La formation brute de capital fixe a également été plus faible qu'anticipé, augmentant de 0,4% sur le trimestre après +0,9% au premier trimestre avec un investissement des entreprises en baisse (de -0,1%), un investissement immobilier également en repli (de -0,8%), compensés par un investissement public en forte croissance (+2,6%). Les niveaux élevés des taux d'intérêt sont un frein à l'investissement privé mais les perspectives d'assouplissement monétaire, que la BoE a entamé au mois d'août avec une première baisse de taux de 25 points de base, devraient permettre une embellie dans les mois à venir.

Quant au commerce extérieur, les volumes échangés se sont révélés dynamiques. Le fort rebond des importations (+7,7% sur le trimestre, après cinq trimestres de baisse) s'explique par des mouvements de l'or non-monétaire et des importations en biens de capital et de carburants, mais également par une accumulation de stocks. Néanmoins, les exportations (+0,8% en variation trimestrielle) n'ayant pas suivi le rythme soutenu des importations, le commerce extérieur contribue négativement à la croissance (-2,2 points de pourcentage).     

Quelles implications pour les perspectives à court terme ? Le PIB a été inchangé au mois de juin (après une hausse de 0,4% en mai), laissant un effet d'acquis de seulement +0,1 point de pourcentage pour le taux de croissance du troisième trimestre. Deux facteurs expliquent cette faiblesse : premièrement, les ventes au détail ont chuté sur le mois, et deuxièmement, quatre jours de grèves des médecins junior ont pesé sur l'activité dans le secteur de la santé. La dissipation de ces deux facteurs devrait conduire à un contrecoup en juillet avec un rebond décent, comme le suggèrent les enquêtes de confiance auprès des entreprises de juillet et août (PMI composite en hausse à 54,3 ; un plus haut depuis avril 2023).
 

Article publié le 6 septembre 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Royaume-Uni – La croissance a été tout sauf modeste au premier semestre

Nous maintenons notre scénario d'une croissance de l'ordre de 0,4% en variation trimestrielle aux troisième et quatrième trimestres. La robustesse de la croissance sur la première moitié de l'année réhausse la prévision de croissance annuelle à 1,2% (contre 0,9% précédemment) et celle de 2025 à 1,6% (contre 1,4% précédemment). En revanche, notre prévision de croissance de 2025 est assortie de risques baissiers. Madame Rachel Reeves, la chancelière de l'Échiquier, a présenté, le 29 juillet dernier, l'audit du gouvernement des plans de dépenses budgétaires. Celui-ci a fait état d'un « trou noir » de 22 milliards de livres (0,8% du PIB) dans les comptes publics pour l'année fiscale en cours. Le gouvernement a annoncé quelques mesures de coupes budgétaires de faible ampleur ainsi qu'un examen pluriannuel des dépenses. Celui-ci pourrait montrer la nécessité de plus de hausses des impôts et des taxes que ce qui a été annoncé au cours de la campagne électorale du Labour et la nécessité de davantage de coupes budgétaires dans les années à venir. La politique budgétaire restrictive risque d'avoir une impulsion négative sur la croissance plus large qu'actuellement anticipé.

Slavena NAZAROVA, Economiste - Royaume-Uni, Pays scandinaves et Irlande