Zone euro – La croissance au T2 déçoit par son rythme et par sa composition
- 10.09.2024
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Après une année de croissance trimestrielle à peine positive en 2023 et un redressement au T1 2024 (+0,3%), le rythme de croissance du PIB de la zone euro s'est de nouveau affaibli au T2 2024 (+0,2%). En deçà de notre prévision (+0,3%), la croissance déçoit aussi par sa composition. La contribution négative de la demande intérieure s'accentue (-0,4 pt après -0,2 au T1), tandis que l'apport positif des exportations nettes s'amenuise (+0,5 point après +0,9). La réduction des stocks se poursuit à un rythme inchangé, mais sa contribution à la croissance est nulle.
C'est la consommation des ménages, qui après s'être redressée au T1 se replie (-0,1% sur le trimestre après +0,3%), en dépit d'une progression soutenue du revenu réel. Cette baisse remet en question notre scénario de renforcement des dépenses des ménages en tant que moteur du raffermissement de la croissance du PIB. Négative en Allemagne (-0,2%), à peine positive en France (+0,1%) et en Italie (+0,2%), la consommation privée est un peu plus dynamique en Espagne (+0,3) et inscrit sur une nouvelle hausse la trajectoire du taux d'épargne de la zone euro. La consommation publique en revanche gagne en dynamisme (+0,6% après +0,1%).
La contraction de l'investissement est significative (-2,2%) mais à relativiser une fois pris en compte l'impact de la forte baisse de l'investissement en Irlande (-65%), sans lequel le repli ne serait que de 0,3%. La dynamique de l'investissement en machines et équipements demeure très affaiblie (-0,9%) surtout en Allemagne, celle de l'investissement en matériel de transport (+2,4%) est le résultat d'un fort recul en Allemagne et de dynamiques plus positives en Espagne, Italie et surtout aux Pays-Bas et au Portugal. L'accumulation de capital dans la construction reste toujours freinée par le logement (-1,3%), tandis que l'investissement en autres constructions progresse positivement (0,4%).
La contribution positive des exportations nettes repose sur une accélération de la croissance des exportations qui se maintient sur un rythme supérieur (+1,4%) à celui des importations (+0,5%), ce dernier étant contraint par la faiblesse de la demande intérieure. Le rythme d'exportation s'affaiblit néanmoins dans les quatre grandes économies de la zone et s'il demeure positif en France et en Espagne, il est négatif en Italie et en Allemagne.
L'activité dans l'industrie est encore en léger repli compensé par le rythme de progression positif de la valeur ajoutée dans les services (+0,2% sur le trimestre pour les services marchands, +0,1% pour les services non marchands). Ce rythme est néanmoins en voie d'affaiblissement et risque de ne plus pouvoir compenser longtemps les déboires de l'industrie, s'ils persistent. La croissance de l'emploi (+0,2%) reste plus soutenue que celle de l'activité et le repli de la productivité, en cours depuis la fin 2022, se poursuit au T2.
À l'occasion de la publication du T2 2024, la croissance du T3 et du T4 2023 ont été révisées à la hausse (respectivement de 0% à +0,1% et de -0,1% à 0,1%), ce qui a relevé l'acquis de croissance du début 2024. La croissance pour l'année 2024 en moyenne annuelle peut s'appuyer d'ores et déjà sur un acquis positif de +0,5%. Notre dernière prévision de juin en partant d'un acquis plus faible, aboutissait à un taux de croissance de +0,8% en moyenne annuelle en 2024. Si on maintient notre prévision de croissance pour le deuxième semestre 2024 (à un rythme de 0,5% en moyenne par trimestre), malgré une croissance plus faible que prévue au T2, le meilleur acquis de croissance augmente mécani¬quement la moyenne annuelle à 0,9%, toute chose égale par ailleurs. Cependant notre prévision prévoit une accélération de la croissance du PIB tirée à la fois par la consommation des ménages et par l'investissement au cours du deuxième semestre. La faible performance de ces deux composantes, enregistrée depuis le début de l'année, remet en cause la dynamique inscrite et modère notre optimisme, déjà prudent, sur la robustesse de la reprise augmentant la probabilité d'une révision à la baisse de notre profil de croissance pour la fin de l'année, lors de notre prochain exercice de prévision de fin septembre.
NOTRE OPINION
Notre narration des précédents exercices de prévision – construite autour d'une reprise tirée par la demande intérieure, notamment par la consommation privée – est mise à l'épreuve. Les réalisations du premier semestre 2024 n'ont pas apporté la confirmation de ce scénario. Les fondamentaux d'une reprise du pouvoir d'achat des ménages sont toujours validés, mais l'arbitrage des ménages continue de s'opérer en faveur d'une hausse du taux d'épargne au détriment de la consommation. La faiblesse de l'activité en l'absence du moteur des dépenses privées limite le potentiel de redressement de la productivité et les gains attendus de rentabilité, contraignant les perspectives de renforcement de l'investissement productif. Notre scénario de baisse des taux directeurs a déjà été incorporé dans la partie longue de la courbe et il faudrait des baisses plus agressives pour signaler une réduction du coût du capital bénéfique à l'investissement. Le scénario qui se dessine, bénéficie encore pour l'année 2024 d'effets d'acquis positifs, mais inscrit la trajectoire de croissance sur un rythme inférieur au potentiel. Cela a des implications désinflationnistes pour les prix à la consommation et rend notre scénario de baisse des taux insuffisant pour contrer la dégradation de l'environnement macroéconomique assortissant ainsi la politique monétaire d'une orientation davantage restrictive.
Article publié le 9 septembre 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Les réalisations du premier semestre 2024 n'ont pas apporté la confirmation de notre scénario. Les fondamentaux d'une reprise du pouvoir d'achat des ménages sont toujours validés, mais l'arbitrage des ménages continue de s'opérer en faveur d'une hausse du taux d'épargne au détriment de la consommation. La faiblesse de l'activité en l'absence du moteur des dépenses privées limite le potentiel de redressement de la productivité et les gains attendus de rentabilité, contraignant les perspectives de renforcement de l'investissement productif. Notre scénario de baisse des taux directeurs a déjà été incorporé dans la partie longue de la courbe et il faudrait des baisses plus agressives pour signaler une réduction du coût du capital bénéfique à l'investissement. Le scénario qui se dessine bénéficie encore pour l'année 2024 d'effets d'acquis positifs, mais inscrit la trajectoire de croissance sur un rythme inférieur au potentiel. Cela a des implications désinflationnistes pour les prix à la consommation et rend notre scénario de baisse des taux insuffisant pour contrer la dégradation de l'environnement macroéconomique assortissant ainsi la politique monétaire d'une orientation davantage restrictive.
Paola MONPERRUS-VERONI, Manager zone euro