Chine – "Le rôle démesuré de la Chine dans la dynamique économique mondiale"
- 05.02.2025
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Un article récent du FMI1 analyse l'influence économique de quelques très grandes économies émergentes et poursuit principalement deux objectifs : étudier à quel point la Chine influe sur l'économie mondiale mais aussi dans quelle mesure d'autres pays émergents du G20 exercent (ou non) une influence (Argentine, Brésil, Mexique, Inde, Indonésie, Russie, Arabie Saoudite, Afrique du Sud et Turquie)2.
Sans surprise, les conséquences économiques des chocs chinois sont beaucoup plus sensibles que celles émanant des autres pays émergents du G20. À titre d'illustration, un choc de 1% sur le PIB chinois impacte à hauteur de 0,65% celui des pays avancés et de 0,88% celui des pays émergents. Loin devant les autres pays, seul le Mexique impacte les pays avancés et émergents (avec cependant un effet modeste, excédant très légèrement 0,1% et reflétant son impact sur l'économie américaine). Puis suivent le Brésil et l'Inde, avec un impact mineur et limité aux économies émergentes, et enfin les autres pays (notamment Indonésie, Russie et Arabie Saoudite) dont l'influence est mineure.
L'influence chinoise est globale : si aucune zone géographique n'est épargnée, les pays producteurs de pétrole, mais aussi d'autres matières premières, ainsi que ceux les plus intégrés dans ses propres chaînes de valeur sont de loin les plus affectés. Le choc que peut subir le Moyen-Orient (1,6%), qui excède même celui de l'Asie (0,9%), en témoigne. Par ailleurs, les effets provenant de Chine sur une région spécifique excèdent ceux du pays le plus influent au sein de ladite région. Globalement, l'influence des autres pays émergents se limite à leurs propres zones géographiques ; elle y est néanmoins faible (inférieure à 0,1%) à l'exception du Mexique au sein de l'hémisphère occidental (0,18%) et de l'Indonésie en Asie (0,12%).
En Asie, après l'Indonésie, les effets les plus notables sont ceux provoqués par l'Inde. Symptôme de sa relative fermeture, ils sont plutôt concentrés sur les pays exportateurs de matières premières ; ils se font, en outre, plus sentir en Europe et en Amérique latine qu'en Asie. En Amérique latine, le pays le plus influent est le Mexique qui affecte ses voisins du Nord mais aussi du Sud ; il est suivi par le Brésil (impact assez général en raison de ses exportations en matières premières). Les effets de l'Argentine sont négligeables, même sur le Chili. En Europe, la Russie est le pays plus influent (les données datent d'avant la guerre en Ukraine) suivi par la Turquie, avec une influence mineure sur la Grèce et les pays de l'Europe orientale. Les effets produits par l'Arabie Saoudite et l'Afrique du Sud sont minimes.
La hiérarchie entre une Chine très largement dominante et le rôle mineur des pays émergents du G20 persiste quand on observe les effets selon qu'il s'agisse d'un choc d'offre ou de demande. Les conséquences pour le reste du monde d'un choc de demande excèdent ceux d'un choc d'offre. L'ampleur des effets d'un choc chinois approchent ceux des États-Unis. Enfin, les effets persistent dans le temps, sur un horizon de 3 ans.
Les conséquences des chocs émanant de Chine sur les niveaux de prix du reste du monde sont notables : accroissement (baisse) en cas de choc de demande (de choc d'offre) de 0,15% (-0,1%) et 0,2% (-0,2%) des niveaux de prix respectifs des économies avancées et émergentes. C'est sur les prix des matières premières que l'influence chinoise est la plus significative. Par exemple, un choc sur la demande chinoise de 1% provoque une hausse sur un an de 2,2% des prix du pétrole et de 1,6% en cas de choc d'offre. Seule l'influence exercée par les États-Unis excède celle de la Chine (impact de 2,5%).
L'article ne révèle rien de très surprenant (et notamment pas d'influence "contre-intuitive") mais présente le grand intérêt de quantifier l'impact décisif de l'économie chinoise tout comme la capacité limitée des autres pays émergents à "mitiger" les effets négatifs d'une Chine en décélération. Il affine la hiérarchie des chocs subis et met clairement en lumière l'influence de la Chine sur les prix des matières premières. Il signale également qu'au cours des deux dernières décennies, l'ampleur des soubresauts initiés par la Chine a évidemment considérablement augmenté : elle a doublé sur les économies avancées (pour l'offre comme pour la demande) et plus que doublé sur les pays émergents (en particulier, la demande). Hors Chine, on peut noter l'influence de la Turquie et de l'Arabie saoudite (côté offre) et celle du Mexique et du Brésil (côté demande). Enfin, la Russie a perdu en influence.
Article publié le 31 janvier 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine
1IMF Working Papers, “Spillovers from Large Emerging Economies: How Dominant Is China?”, Hany Abdel-Latif, Adina Popescu, January 24, 2025.
2Quelques éléments de méthode : modèle GVAR (Global Vector Autorregression) ; période 2001-2023 ; variables économiques : PIB, inflation, taux d'intérêt et taux de change de chacun des pays ; application de chocs sur un pays spécifique puis observation des impacts sur un an sur les autres zones/pays selon la taille de leurs échanges ; étude des résultats selon que ce sont des chocs d'offre ou des chocs de demande.

L'article du FMI ne révèle rien de très surprenant (et notamment pas d'influence "contre-intuitive") mais présente le grand intérêt de quantifier l'impact décisif de l'économie chinoise.
Jorge APARICIO LOPEZ, Economiste (stagiaire) - Amérique latine