Zone euro – Première baisse du taux d'épargne depuis un an et demi
- 22.01.2025
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L'accélération de la consommation des ménages au troisième trimestre a profité de la légère amélioration de la croissance du revenu disponible brut (0,7%, après 0,6% sur le trimestre), bien que celui-ci enregistre un rythme bien inférieur à celui connu depuis 2021. Elle a bénéficié aussi de la baisse du taux d'épargne (de 15,6% au T2 à 15,3%), la première depuis le T4 2022.
L'augmentation du revenu disponible a pu s'appuyer sur une croissance un peu plus dynamique du salaire par tête (0,8%, après 0,7% sur le trimestre) et sur le maintien de créations d'emplois (0,2%). Sur un an, l'évolution des salaires s'inscrit néanmoins en ralentissement (de 4,7% à 4,4%), tout comme la progression de l'excédent brut du revenu mixte des ménages (3,4%, après 4,1% sur un an) et des revenus nets de la propriété (2,3%, après 3,7%). La forte croissance de ces dernières composantes au cours de la dernière année, se normalise donc et le revenu des ménages retrouve une contribution plus traditionnelle et équilibrée des revenus du travail et des revenus du capital. Ce rééquilibrage aura des conséquences sur l'évolution du taux d'épargne, puisque la propension à épargner est plus élevée pour les revenus du capital.
Le repli de l'investissement des ménages, à l'œuvre depuis quatre trimestres, se poursuit (-0,2% sur le trimestre), mais à un rythme moindre. Il conduit à une nouvelle baisse du taux d'investissement (9,1%) ininterrompue depuis le T1 2023 (10%). Ce repli de l'investissement permet une remontée de la capacité de financement (de 6% à 6,2% du revenu disponible brut).
Les ménages augmentent le rythme de leur accumulation d'actifs financiers, visible notamment dans une remontée des encours des dépôts. La richesse non financière, notamment immobilière, continue aussi de progresser à un rythme plus élevé (2% sur un an, après 1,7%). Les encours de crédit aux ménages augmentent à rythme légèrement plus soutenu (0,7 % sur un an, après 0,4%) en ligne avec la stabilisation de l'investissement des ménages, mais leur taux d'endettement s'inscrit toujours en baisse sur un an (51,9% du revenu disponible brut, après 53,7% au T3 2023). La richesse nette des ménages augmente, limitant ainsi les pertes en termes réels cumulées depuis le choc inflationniste.
Le partage de la valeur ajoutée devient un peu plus favorable aux profits. Après s'être inscrit en repli depuis le T2 2023, le taux de marge des sociétés non financières se redresse modérément (38,8%, après 38,7%). La croissance un peu plus dynamique des rémunérations demeure cependant plus faible que celle de la productivité, permettant ainsi une baisse des coûts salariaux unitaires. L'investissement des sociétés financières se redresse en valeur (3,7%, après -3,5%). Mais ce rebond est lié à d'importantes importations de produits de propriété intellectuelle, notamment en Irlande. Le taux d'investissement des SNF repart légèrement à la hausse (21,9%, après 21,4%) après s'être inscrit sur une tendance baissière depuis la fin 2020, sans retrouver néanmoins le niveau d'avant la pandémie (23%). Sous l'effet de ce rebond de l'investissement, la capacité de financement diminue (de 2,9% à 2,4%).
L'investissement financier des SNF se maintient à un rythme inchangé sur un an, avec néanmoins un ralentissement des dépôts et une accélération de l'investissement en actions. Le recours au financement se poursuit aussi sur un rythme inchangé, pour les crédits et les actions, tandis que le financement par dette ralentit. Le taux d'endettement des sociétés non financières s'inscrit en baisse sur un an (de 70,7% à 68,8%).
Notre opinion – Le redressement de la consommation des ménages acté au cours de l'été est de bon augure pour une croissance un peu plus soutenue cette année. Nous prévoyons une légère accélération des dépenses des ménages en 2025, soutenue par un pouvoir d'achat accru, un moindre besoin d'épargne, alors que la baisse de l'inflation reconstitue les niveaux de richesse réelle et que les taux d'intérêt plus bas permettent un certain regain du pouvoir d'achat immobilier.
Même si les salaires réels n'ont fait qu'effacer les pertes de pouvoir d'achat cumulées depuis le Covid et la crise des prix de l'énergie et n'ont pas pour autant retrouvé le niveau tendanciel, la capacité à consommer augmente. La baisse du taux d'épargne au T3 en est la première confirmation. Cependant, l'envie de consommer pourrait ne pas être au rendez-vous. Des changements structurels dans les modes de consommation sont en cours vers plus de sobriété et de durabilité.
Plusieurs années de consolidation budgétaire susceptible d'inviter à une plus grande prudence dans la dépense privée sont, en outre, annoncées. Enfin, l'incertitude globale demeure forte et incite toujours les ménages à maintenir un taux d'épargne élevé.
La progression de l'investissement des sociétés non financières au troisième trimestre cache une réalité bien moins favorable. Cette hausse est, en effet, liée à une forte remontée de l'investissement en biens informatiques et en technologies de la communication en Irlande. Elle masque le recul de l'investissement dans la zone euro. Alors que les flux de prêts aux sociétés non financières se sont redressés, les enquêtes continuent de faire état d'une demande de prêts faible en raison de la baisse de l'investissement et de ressources internes encore élevées. Le coût moyen des nouveaux prêts aux entreprises a diminué, mais un resserrement des conditions de crédit est attendu. Si la reprise cyclique de la productivité améliore les marges, le délai de transmission de la hausse passée des taux d'intérêt reste pénalisant pour l'investissement, il devrait s'étendre jusqu'à la fin de 2025. La décision d'investir restera "brouillée" par une incertitude croissante sur la demande étrangère et modérée par la faiblesse de la demande domestique.
Article publié le 17 janvier 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine
Le repli de l'investissement des ménages, à l'œuvre depuis quatre trimestres, se poursuit, mais à un rythme moindre. L'investissement des sociétés financières se redresse en valeur, mais ce rebond est lié à d'importantes importations de produits de propriété intellectuelle, notamment en Irlande. Le taux d'investissement des SNF repart légèrement à la hausse après s'être inscrit sur une tendance baissière depuis la fin 2020, sans retrouver néanmoins le niveau d'avant la pandémie.
Paola MONPERRUS-VERONI, Manager zone euro