États-Unis – Marché du travail, une lente détérioration sous un dynamisme de surface
- 09.07.2025
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Les données du marché du travail américain pour le mois de juin ont surpris favorablement. L'économie a créé 147 000 emplois nets dans les secteurs non-agricoles au mois de juin (après 144 000 au mois de mai), un chiffre supérieur aux anticipations (106 000) et en ligne avec la moyenne des douze derniers mois (146 000). Par ailleurs, les données sur les mois précédents ont été révisées à la hausse, de 16 000 pour la période d'avril et de mai. En conséquence, les créations nettes d'emplois du deuxième trimestre s'élèvent à 449 000, contre 333 000 au premier trimestre. Le rythme de créations nettes d'emplois demeure par ailleurs supérieur au niveau d'équilibre, proche de 100 000 estimé par des membres de la Réserve fédérale.
En revanche, les détails sont moins rassurants. Le dynamisme s'observe surtout dans les services publics qui sont responsables de près de la moitié des emplois créés en juin (+73 000 sur le mois contre + 7 000 en mai), notamment dans les États (secteurs de l'éducation et des soins de santé) où les créations d'emplois compensent les pertes d'emplois dans le gouvernement fédéral (-7 000 sur le mois, -69 000 depuis leur point haut en janvier).
Le secteur privé accuse en revanche une décélération de l'emploi, avec seulement 74 000 créations nettes d'emplois au mois de juin, après 137 000 en mai et plus de 110 000 en moyenne sur les cinq premiers mois de l'année. Elles atteignent ainsi un plus bas depuis octobre 2024. Les secteurs privés des services concentrent 68 000 des gains d'emplois, dont 58 600 dans les services de soins de santé et d'assistance sociale, 20 000 dans les loisirs et 7 500 dans les services de transports. L'emploi reste dynamique dans la construction (+ 15 000 sur le mois) mais il baisse dans la plupart des autres secteurs ou au mieux se stabilise. Les secteurs manufacturier et minier en particulier perdent des emplois pour le deuxième mois consécutif (- 7 000 et -2 000 respectivement).
Issu d'une enquête séparée auprès des ménages, le taux de chômage (U3) baisse à 4,1% en juin contre 4,2% au mois de mai, contredisant les anticipations du consensus d'une hausse à 4,3%. L'emploi partiel pour raisons économiques, qui représente les personnes qui auraient préféré travailler à temps plein mais n'ont pas trouvé un tel poste, baisse également (-159 000 sur le mois), entraînant une baisse du taux de chômage U6 (indicateur du sous-emploi) à 7,7% contre 7,8% en mai et un plus haut à 8% en février.
L'économie américaine s'éloigne du seuil de récession, si on se réfère à l'indicateur Sahm1 : la moyenne mobile du taux de chômage des trois derniers mois se situe 0,17 point de pourcentage au-dessus de son minimum des douze derniers mois (4,0%), soit en-dessous du seuil de 0,5 point.
Ces bonnes surprises sont toutefois dues à une nouvelle baisse du taux de participation (à 62,3% après 62,4% en mai), au plus bas depuis novembre 2022. Selon cette enquête, l'emploi n'augmente que de 93 000 en juin après une chute de près de 700 000 en mai (chiffres toutefois très volatils). La baisse de 222 000 du nombre de chômeurs sur le mois de juin ne se traduit donc pas par une hausse équivalente de l'emploi mais par une sortie d'un grand nombre de personnes du marché du travail. En effet, le nombre de personnes découragées s'inscrit en hausse de plus de 300 000 sur le mois.
Enfin, les salaires ralentissent, à +3,7% sur un an en juin contre +3,8% en mai, atteignant un plus bas depuis juillet 2024. Leur progression se situe bien en-deçà de son plus haut de 5,9% en mars 2022 mais toujours au-dessus des rythmes observés avant la pandémie. Accompagnées d'une croissance forte de la productivité (en dehors du premier trimestre), les pressions inflationnistes domestiques continuent de se modérer. En effet, dans le contexte d'extrême incertitude sur les perspectives économiques, les entreprises embauchent peu mais licencient également peu, craignant des difficultés de recrutement si la conjoncture venait à s'améliorer, d'autant plus que la politique d'immigration restrictive devrait continuer de limiter la main-d'œuvre disponible. Les salariés hésitent donc à changer d'emploi, ainsi le faible taux d'embauche s'accompagne d'un taux de « séparations » bas. Cette situation favorise la poursuite de la modération des pressions sur les salaires, l'assouplissement du marché du travail diminuant le pouvoir de négociation salariale.
Notre opinion
Le marché du travail demeure globalement solide : le taux de chômage est proche de ses plus bas historiques, la demande d'emploi (postes vacants) est supérieure à ses niveaux d'avant-Covid. Mais on observe depuis plusieurs mois des signes d'affaiblissement, tels qu'une hausse des demandes d'allocation chômage. Cela semble se confirmer en juin, sous la forme d'une baisse de la population active : le nombre de demandeurs d'emploi découragés et de personnes faiblement attachées au marché du travail s'inscrivent en forte hausse. Les niveaux bas du taux de chômage sont donc dus à une croissance faible de la population active, puis à sa baisse au cours des deux derniers mois.
En juin, nous observons également une première baisse des créations nettes d'emplois dans le privé, après cinq mois consécutifs de hausse. Le dynamisme de l'emploi en juin ne tient finalement qu'au secteur public dont les perspectives sont elles-mêmes négatives en raison des coupes budgétaires mises en œuvre par le DOGE (Department of Government Efficiency).
Nous anticipons donc une hausse temporaire du taux de chômage dans les prochains mois, vers un plus haut d'environ 4,5% au troisième trimestre 2025. Pour 2026, nous anticipons une embellie avec une baisse du taux de chômage vers 4,2% en fin d'année. En effet, l'économie devrait ralentir cette année en lien avec la hausse des droits de douane, mais elle devrait réaccélérer en 2026 avec les baisses d'impôts prévues dans le « One Big Beautiful Bill Act ».
1 Selon l'indicateur de récession Sahm (du nom de l'économiste Claudia Sahm, ancienne membre de la Réserve fédérale), l'économie américaine entrerait en récession si la moyenne mobile sur trois mois du taux de chômage (U3) augmente de 0,5 point de pourcentage ou plus par rapport à son point le plus bas enregistré au cours des 12 derniers mois.
Article publié le 4 juillet 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Nous anticipons donc une hausse temporaire du taux de chômage dans les prochains mois, vers un plus haut d'environ 4,5% au troisième trimestre 2025. Pour 2026, nous anticipons une embellie avec une baisse du taux de chômage vers 4,2% en fin d'année. En effet, l'économie devrait ralentir cette année en lien avec la hausse des droits de douane, mais elle devrait réaccélérer en 2026 avec les baisses d'impôts prévues dans le « One Big Beautiful Bill Act ».
Slavena NAZAROVA, Economiste - Royaume-Uni, États-Unis, Irlande