Italie : une croissance à contre-courant

Italie : une croissance à contre-courant

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Dans un contexte de forte incertitude, la croissance italienne a surpris à la hausse en ce début d'année. La deuxième estimation de l'Istat confirme une hausse du PIB de 0,3% au T1, soit sa meilleure performance depuis 2022. La reprise du T1 n'est pas seulement caractéristique de l'Italie, le PIB de la zone euro enregistre également un rebond au T1 à 0,6%. Parmi les pays de la zone euro, l'Espagne continue sur sa lancée de croissance forte (+0,6%) malgré un léger ralentissement comparé à la tendance de 2024, tandis que l'Allemagne sort enfin de plusieurs trimestres de repli avec une hausse de l'activité à +0,4%. La France et les Pays Bas se placent derrière l'Italie à +0,1% de hausse.

Bien que les indicateurs économiques du début d'année ne laissent pas présager une reprise franche de l'activité notamment domestique, la croissance a été principalement portée par la demande intérieure, qui a contribué à hauteur de 0,3 point au PIB. La demande extérieure a également apporté une contribution positive, rompant ainsi avec quatre trimestres consécutifs de contribution nulle, voire négative, à la croissance. Parallèlement, la contribution des stocks a amputé la croissance de 0,4 point de pourcentage.

Si la demande intérieure s'est montrée dynamique, c'est principalement le fait d'une hausse de l'investissement qui augmente de 1,6% pour le deuxième trimestre consécutif, tiré aussi bien par la composante productive que par le secteur de la construction. Ce dernier continue en effet de bénéficier des investissements du PNRR avec une croissance encore soutenue de l'investissement en infrastructure de 1,8%. Bien que forte, cette dernière semble ralentir par rapport à la dynamique des deux derniers trimestres qui avaient enregistré des hausses de 2,6% et 4% aux T3 et T4 2024. Le secteur résidentiel renoue également avec la croissance avec un rebond de 1,7% après près d'une année dans le rouge.

Depuis la fin du Superbonus (subvention à la rénovation énergétique), le niveau de l'investissement en construction de logements a baissé de près de 7%, mais cette baisse reste toute relative par rapport au boom du secteur enregistré depuis 2019, avec un niveau qui a presque doublé. Les enquêtes dans le secteur de la construction semblent indiquer non pas une poursuite du rebond, mais une stabilisation du secteur pour les mois à venir. En effet, si la confiance des entreprises du secteur de la construction résidentielle s'est nettement améliorée au cours du T1, elle subit une légère inflexion depuis avril. Après avoir reculé par rapport aux deux premiers mois de l'année, les attentes pour les trois prochains mois indiquent une légère reprise, à noter que les entreprises signalant la demande comme principale contrainte à la production sont en baisse en mai. Plus globalement, si on prend en compte l'ensemble du secteur de la construction, le niveau des nouveaux projets semble se stabiliser, tandis que les attentes en ce qui concerne les niveaux de production à trois mois s'améliorent. L'acquis de croissance de l'indice de production reste quant à lui légèrement négatif.

Outre la construction, l'investissement productif a également crû. Si l'investissement en machines et équipements a ralenti, passant de 3,3% à 1,2%, la croissance de la FBCF productive reste tirée par la reprise dans les transports qui augmente de 2,3%, ainsi que par celle des investissements en propriété intellectuelle qui croissent de 1,7%, avec une contribution à hauteur de 0,3 point de pourcentage (pp). Si l'amélioration des conditions de financement semble porter la reprise de l'investissement, il est également soutenu par la montée en régime des subventions Transition 5.0, simplifiées depuis par la loi de finances de 2025. Pour ce qui est des conditions de financement, l'enquête BLS de la Banque d'Italie confirme les effets positifs de la baisse des taux.

Le rebond des exportations semble également porter le secteur productif. Après un profil anémique tout au long de 2024, les ventes à l'étranger ont rebondi de 2,8% grâce à une croissance des exportations de biens de 2,5%, qui sortent enfin du cycle de baisse dans lequel elles s'étaient enlisées depuis le début de l'année 2024. Les exportations de services ne sont pas en reste avec une hausse de 3,8%. Les importations ont également augmenté de 2,6%, principalement tirées par les importations de services (+7%), tandis que la croissance est restée comparativement modérée. Cette hausse semble faire écho à la croissance de l'investissement en propriété intellectuelle. Si la croissance des exportations semble entrer en contradiction avec le risque qui pèse sur le commerce international pour donner suite à la hausse des droits de douane américains annoncée le 2 avril, elle s'explique davantage par des effets d'anticipation de la part des entreprises qui ont augmenté leurs ventes avant la mise en place de ces derniers. Les entreprises italiennes ne sont pas les seules dans ce cas, puisque la hausse des exportations a également été conséquente en Allemagne.

Enfin, la consommation reste la grande absente de ce tableau avec une croissance de 0,2% sur le trimestre, pénalisée par la baisse des achats en biens durables (-1,2%) et faiblement compensée par la croissance dans les services de 0,6%. La consommation en services cumule certes deux mois de hausse consécutifs, mais la reprise reste faible compte tenu du recul enregistré en début d'année. Sur une note plus positive, il semble que la dynamique enclenchée au T1 devrait se poursuivre au T2 avec une confiance dans le secteur qui se redresse en avril, aussi bien pour les services au sens large que pour le commerce au détail. Les ventes au détail augmentent également en avril de 0,5% en volume, ce qui est bon signe pour la consommation au T2.

Le profil sectoriel de la croissance est également à contre-courant des tendances observées dans les enquêtes. Si la morosité dans les services, qui va de pair avec la faiblesse de la consommation, perdure avec un recul de l'activité au T1 de 0,1%, la reprise vient principalement du rebond dans l'industrie et l'agriculture.

Ainsi, le secteur agricole renoue avec la croissance après trois trimestres de baisse, augmentant de 1,4%, mais avec une contribution modeste à la valeur ajoutée totale au regard de son faible poids. La plus forte contribution provient en effet de l'industrie qui, pour rappel, compte pour 18% de la valeur ajoutée totale. Cette dernière augmente de 1,1%, contribuant à hauteur de 0,2% à la reprise du T1, cumulant ainsi deux trimestres de hausse consécutifs. Si l'indice de production industrielle dessinait, contrairement au T4 2024, une reprise de la production dans le secteur, elle semblait nettement moins dynamique que celle décrite par les comptes nationaux avec une hausse de seulement 0,5%. Ce dernier permet néanmoins de comprendre quelles sont les dynamiques sectorielles qui se cachent derrière ce rebond. Ainsi au T1, il semble que ce soit principalement la production de biens intermédiaires et celle de biens d'investissement qui croissent de respectivement 1,4% et 0,9% sur le trimestre, ce qui correspond avec la reprise dans les branches d'activité de machines et équipements mais aussi de la chimie. En miroir à la croissance de l'investissement dans le secteur, la valeur ajoutée dans la construction augmente également.

Notre opinion – Pour ne pas être à court de paradoxe, l'indicateur le plus marquant reste sans conteste celui de l'emploi, au point où les chiffres semblent s'être inversés. Ainsi, face à une hausse de la croissance de 0,3%, les heures travaillées ont augmenté de 1%, tirées par une hausse de 1,4% des heures travaillées dans les services, tandis que ces dernières stagnent dans l'industrie. Outre les heures travaillées, l'emploi a crû de 0,6% sur la même période pour se stabiliser en avril. Le nombre de demandeurs d'emploi continue lui de baisser, avec -3,1% pour le dernier point, faisant tomber le taux de chômage à 5,9%.
 

Article publié le 06 juin 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Italie : une croissance à contre-courant

Pour ne pas être à court de paradoxe, l'indicateur le plus marquant reste sans conteste celui de l'emploi, au point où les chiffres semblent s'être inversés. Ainsi, face à une hausse de la croissance de 0,3%, les heures travaillées ont augmenté de 1%, tirées par une hausse de 1,4% des heures travaillées dans les services, tandis que ces dernières stagnent dans l'industrie. Outre les heures travaillées, l'emploi a crû de 0,6% sur la même période pour se stabiliser en avril. Le nombre de demandeurs d'emploi continue lui de baisser, avec -3,1% pour le dernier point, faisant tomber le taux de chômage à 5,9%.

Sofia TOZY, Economiste, Italie et Pays scandinaves