France – Une immigration en hausse et de plus en plus qualifiée depuis 2006
- 27.05.2025
- 0
- Télécharger la publication (PDF - 292,56 KB)

Lire l'article
En 2023, 7,3 millions d’immigrés vivaient en France. Les personnes nées étrangères et résidant sur le territoire national représentent ainsi 10,7% de la population totale. Deux publications récentes de l’Insee reviennent sur l’évolution de l’immigration, et la contribution des flux migratoires à l’augmentation de la population en France depuis 2006, avec de premiers chiffres pour 2023 concernant les entrées sur le territoire. Depuis 2006, l’afflux annuel d’immigrés a connu une tendance haussière, passant de 234 000 cette année-là à 347 000 en 2023. Leur origine s’est diversifiée, le continent africain ayant surpassé l’Europe en termes de région de naissance en 2017. Les femmes demeurent majoritaires (51% des immigrés entrés sur le territoire en 2023), mais leur part décline légèrement depuis les années 2010. En revanche, le niveau de qualification des immigrés arrivant sur le sol français est en hausse : 52% des plus de 25 ans sont diplômés du supérieur en 2023, contre 41% en 2006.
La pandémie de Covid-19 a interrompu la tendance haussière du nombre d’immigrés arrivés sur le territoire français, avec un point bas de 246 000 entrées en 2020. Le flux a de nouveau crû l’année suivante, mais à un niveau relativement faible (283 000), l’année 2021 étant encore marquée par des restrictions sanitaires. Le rattrapage post-pandémique, conjugué aux effets du début de la guerre en Ukraine, ont ensuite conduit en 2022 à des entrées d’immigrés à un niveau record depuis 2006 (375 000). Elles ont ensuite marqué quelque peu le pas en 2023, demeurant tout de même bien supérieures à leur niveau pré-crise sanitaire.
L’origine des immigrés entrant en France a évolué. Jusqu’en 2016, le continent européen était le continent de naissance de la majorité d’entre eux, mais l’Afrique est désormais le continent de naissance dominant (excepté en 2022, année particulière avec des flux de personnes nées en Ukraine et en Russie particulièrement élevés). Le nombre annuel d’immigrés arrivés en France nés en Afrique a ainsi doublé entre 2006 et 2023, passant de 72 000 à 158 000. C’est l’inverse qui s’est produit pour les immigrés entrés sur le territoire français nés en Europe, leur nombre ayant diminué de 103 000 en 2006 à 95 000 en 2023. Parmi les immigrés entrés sur le territoire, ceux nés en Europe représentaient ainsi 44% du total en 2006, contre 31% pour ceux nés en Afrique. En 2023, ces chiffres sont de respectivement 28% et 45%. La part des immigrés nés en Asie reste plus modérée (18% en 2023 contre 14% en 2006), mais leur nombre a presque doublé depuis 2006.
Dans le détail, le nombre d’immigrés entrés en France nés en Europe est en baisse depuis 2014 (excepté l’année 2022), après des afflux importants notamment en 2012-2013, consécutivement à la crise financière de 2008 puis à celle des dettes souveraines. Ces crises ont en effet poussé de nombreuses personnes nées dans les pays d’Europe du Sud (Espagne, Portugal, Italie) à immigrer en France (notamment). 2022 et la guerre en Ukraine ont marqué un pic de l’immigration venue d’Europe, qui a ensuite de nouveau chuté en 2023.
Parmi les flux d’immigrés africains, ce sont ceux nés en Afrique hors Maghreb qui ont vu leur nombre progresser le plus sur la période. Ceux-ci représentent en effet 54% des immigrés originaires d’Afrique entrés sur le territoire en 2023, contre 42% en 2006 (et 25% du total des entrées d’immigrés en 2023 contre 13% en 2006). Ceux nés au Maghreb augmentent aussi, mais dans une moindre mesure. Tous les ans, l’Algérie et le Maroc sont parmi les trois premiers pays d’origine des immigrés pénétrant sur le sol français (environ 15% des entrées annuelles à eux deux), ce qui peut s’expliquer, en sus de leur relative proximité géographique, par leurs liens historiques avec la France, et la connaissance de la langue française. Enfin, le nombre d’entrées d’immigrés nés en Asie s’est accru à partir de 2015 dans le sillage des conflits au Moyen-Orient (Syrie, Irak ou encore Liban) et de la venue soutenue d’immigrés originaires des autres pays d’Asie.
Historiquement, jusqu’aux années 1970, l’immigration en France était essentiellement masculine du fait du besoin de main-d’œuvre pendant les Trente Glorieuses. Cette immigration s’est ensuite féminisée, au travers d’abord des migrations familiales, puis de l’émancipation de la femme, qui émigre désormais de plus en plus souvent seule pour travailler ou faire des études. Toutefois, depuis 2006, la part des femmes dans les arrivées annuelles d’immigrés est en baisse en France (de 53% en 2006 à 51% en 2023), les arrivées depuis certains pays (Turquie par exemple) étant moins féminisées qu’auparavant. Par ailleurs, le renouvellement des pays d’origine y contribue, avec une part croissante de pays à immigration fortement masculine, comme l’Afghanistan, le Bangladesh, l’Inde ou le Pakistan.
Le niveau de diplôme des immigrés est en hausse notable. De 41% en 2006, la part des plus de 25 ans ayant un diplôme de l’enseignement supérieur est passée à 52% en 2023. La part des non-diplômés a par ailleurs diminué de 30 à 22% sur la période. Ce progrès est visible pour l’ensemble des zones d’origine (hors Asie car les immigrés issus de cette région étaient déjà très diplômés en 2006), mais tout particulièrement pour les immigrés nés en Afrique (et spécifiquement pour les pays du Maghreb). Cette hausse de la qualification se poursuit depuis 2006, même si les différentes crises économiques ont pu heurter cette tendance avec des migrations non choisies dont les populations sont souvent moins diplômées. Malgré l’amélioration des qualifications, la part des immigrés en emploi l’année qui suit leur arrivée est relativement stable, autour d’un tiers pour les personnes âgées d’au moins 15 ans. Ce taux est plus élevé pour les hommes (41%) que pour les femmes (28%) en 2023, même si l’écart se réduit depuis 2006. Le taux d’emploi des immigrés augmente toutefois par la suite avec le temps de présence en France.
La hausse du nombre d’immigrés arrivant sur le territoire et l’amélioration de leurs qualifications est une bonne nouvelle pour la France, qui va devoir bientôt compter sur les flux migratoires pour le renouvellement de sa population. En effet, le solde naturel (différence entre les naissances et les décès sur le territoire) reste pour l’instant positif (+17 000 d’après des données provisoires pour 2024), mais est en baisse, et il pourrait devenir négatif à partir de 2027 d’après les dernières projections de l’Institut national d’études démographiques1. L’immigration est et sera d’autant plus nécessaire pour le renouvellement de la population en âge de travailler, et donc notre capacité productive, compte tenu de l’effondrement tendanciel du nombre de naissances en France. Il reste à améliorer le taux d’emploi des immigrés, qui reste faible un an après leur arrivée d’après les chiffres de l’Insee. La hausse des qualifications des immigrés est bénéfique pour la productivité, et elle pourrait aider à améliorer leur taux d’emploi.
Article publié le 23 mai 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine
- Gilles Pison, Laurent Toulemon (2025). La population de la France va-t-elle diminuer ?, Population & Sociétés, n° 631

La hausse du nombre d’immigrés arrivant sur le territoire et l’amélioration de leurs qualifications est une bonne nouvelle pour la France, qui va devoir bientôt compter sur les flux migratoires pour le renouvellement de sa population. L’immigration est et sera d’autant plus nécessaire pour le renouvellement de la population en âge de travailler, et donc notre capacité productive, compte tenu de l’effondrement tendanciel du nombre de naissances en France.
Marianne PICARD & Simon SEINCE (stagiaire), Economistes - France