France – Un déficit public un peu inférieur à ce qui était prévu en 2024, mais toujours trop élevé
- 31.03.2025
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L'Insee a publié jeudi 27 mars les premiers résultats des comptes nationaux des administrations publiques pour l'année 2024. Les rumeurs d'un déficit public finalement un peu inférieur aux 6% du PIB prévus sont donc confirmées : le déficit s'établit à 5,8% du PIB pour l'ensemble des administrations publiques (APU). Celui-ci est toutefois très élevé, se dégradant de 0,4 point de PIB par rapport à 20231, du fait à la fois de dépenses plus dynamiques que le PIB en valeur, et de recettes à l'inverse moins dynamiques. La dette des APU augmente, et atteint 113% du PIB fin 2024 (après 109,8% en 2023), à 3 305,3 Mds€.
Dans l'ensemble, les dépenses des APU augmentent de 3,9% en 2024, après +3,7% l'année précédente. Cette progression est plus forte que celle du PIB en valeur, qui augmente de 3,5% en 2024 (+1,1% pour le PIB en volume, et +2,3% pour le prix de PIB), ce qui explique pour moitié la dégradation du ratio de déficit public. Dans le détail, si les dépenses de fonctionnement restent dynamiques (+3,8% après +6,5%), c'est moins le fait des consommations intermédiaires (+2,2% après +11%) que des rémunérations versées (+4,6%, comme en 2023, compte tenu des revalorisations, primes et effectifs en hausse). Ce sont les prestations sociales, en hausse de 5,5% (après +3,3% en 2023), qui expliquent l'essentiel de l'augmentation des dépenses publiques (à 60%). Ce dynamisme reflète notamment les revalorisations des prestations indexées sur l'inflation (avec retard, soit celle de 2023 particulièrement élevée). Les dépenses de retraites, plus gros poste des prestations sociales, progressent ainsi de 6,9% en 2024 (après +5% en 2023). Par ailleurs, les prestations de santé sont en forte hausse. Les dépenses de subventions et autres transferts sont pour leur part en baisse, et ce pour la deuxième année consécutive (-5,8% après -1,3%), en lien avec le recul des dépenses pour amortir la hausse des prix de l'énergie pour les ménages et les entreprises, seulement partiellement compensé par l'augmentation des subventions pour les producteurs d'énergie renouvelable. La charge d'intérêts de la dette rebondit très fortement en 2024 (+14,6% après -4%), atteignant 2% du PIB. L'investissement des APU ralentit nettement (+5,3% après +8,6%), et ce plus fortement pour les administrations de sécurité sociale (ASSO, +1,7% après +19,2%) que pour les administrations publiques locales (APUL, +7,6% après +11,1%).
Les recettes des APU accélèrent en 2024, à +3,1%, après +2,2% en 2023, mais leur progression reste inférieure à celle du PIB en valeur (+3,5%), ce qui contribue aussi pour moitié à la dégradation du ratio de déficit public. Les impôts (avant déduction des crédits d'impôt) augmentent de seulement 2% (après +0,6%), et les recettes de TVA sont même quasi stables (+0,1% après +3,4%) compte tenu de l'atonie des emplois taxables (la croissance en 2024 ayant été largement soutenue par le commerce extérieur). Les autres impôts sur les produits rebondissent sensiblement (+5,2% après -6,1%), portés par les accises sur l'électricité et le gaz, et les impôts sur la main-d'œuvre restent dynamiques (+5,1% après +5,8%). Les autres impôts sur la production sont en repli de 2,5% (après +3%), la baisse des prélèvements sur les gains des producteurs d'électricité n'étant que partiellement compensée par la hausse des recettes de taxe foncière. Les impôts courants sur le revenu et le patrimoine accélèrent (+2,5% après +0,2%) : l'impôt sur les sociétés est peu dynamique (+0,8% après 13,6%), l'impôt sur le revenu des personnes physiques se replie (-0,7% après +0,9%), mais la progression de la CSG et de la CRDS reste en revanche soutenue (+3,9% après +4,5%), et ce davantage que la masse salariale. Bien que les recettes de cotisations sociales effectives soient en légère décélération (+4,3% après +4,5%), elles restent plus dynamiques que la masse salariale, sous l'effet de la baisse des allègements généraux, compte tenu de la relative décompression de l'échelle des salaires (après les fortes hausses du SMIC des années précédentes qui avaient conduit à un resserrement vers le bas de la distribution). Enfin, les revenus de la propriété ralentissent nettement mais leur progression reste forte (+9,6% après +21,3%), et les recettes de ventes et de production poursuivent leur hausse (+4,5% après +5,2%).
Le déficit de l'ensemble des APU s'accroît de près de 18 Mds€ en 2024 (0,4 point de PIB), à 169,6 milliards€. Dans le détail, le déficit de l'administration publique centrale (État central et organismes divers d'administration centrale ou ODAC) se stabilise en valeur (+0,4 Md€), et diminue de 0,2 point de PIB par rapport à 2023 (à 5,3% du PIB). Si le déficit des APUL reste relativement contenu en proportion du PIB (0,6%), il contribue à la dégradation du déficit public à hauteur de 0,2 point de PIB en 2024 (7,2 Mds€), sous l'effet notamment de recettes de droits de mutation à titre onéreux en baisse en lien avec le recul du nombre de transactions immobilières, et d'une progression toujours marquée de leurs dépenses (+4,4% après +7%), en particulier celles d'investissement. Les ASSO, bien qu'encore en excédent cette année (1,3 Md€), contribuent également à la dégradation du ratio de déficit public, et ce à hauteur de 0,4 point de PIB. La réduction de leur excédent par rapport à 2023 (-10,3 Mds€) s'explique par des recettes (+4% après +4,6%) – en particulier celles de CSG et CRDS – moins dynamiques que leurs dépenses (+5,5% après +4,2%) en lien notamment avec les revalorisations des prestations sociales.
La dette brute consolidée de l'ensemble des APU au sens de Maastricht augmente de 202,7 Mds€ en valeur en 2024, à 3 305,3 Mds€ (113% du PIB). La légère hausse de la trésorerie conduit à une moindre progression de la dette nette (+190,5 Mds€), à 104,7% du PIB. L'État concentre la plus grande partie de la hausse de l'endettement public (+170,5 Mds€), bien que la contribution des APUL et des ASSO à la dette publique augmente également (de respectivement 13,8 Mds€ et 21,7 Mds€), tandis que celle des ODAC diminue légèrement (-3,2 milliards€). À fin 2024, l'État est ainsi responsable de plus de 81% de la dette publique, les ASSO 9%, les APUL 8% et les ODAC 2%, des parts relativement stables d'une année sur l'autre.
Notre opinion
Le ratio de déficit public pour 2024 ressort certes un peu moins dégradé que ce qui était craint, inférieur de 0,2 point de PIB à la dernière prévision du gouvernement (PLF 2025 amendé, janvier 2025), mais à 5,8% du PIB, son niveau reste très élevé, et cette petite correction ne change en rien la problématique de trajectoire de la dette publique. Par ailleurs, après l'année 2023 où le déficit avait surpris à la hausse, cela constitue un nouveau dérapage, puisque le ratio de déficit public pour 2024 était prévu à 4,4% dans la loi de finances initiale pour 2024 (octobre 2023), et à 5,1% encore au printemps 2024 (programme de stabilité, après prise en compte du dérapage observé en 2023).
Avec un déficit public qui reste proche de 6% du PIB en 2024, la France fait figure de mauvaise élève en Europe, alors que ses grands voisins les plus endettés ont déjà entamé leur consolidation budgétaire (le déficit public italien a diminué à 3,4% du PIB, le déficit public espagnol est passé sous la barre des 3% du PIB, à 2,8%, sans même parler des excédents budgétaires portugais…). Malgré une appréciation de la dette tricolore qui reste plus favorable de la part des agences de notation, la France paie ses dérapages répétés, avec une nouvelle hiérarchie perçue par les marchés : le rendement des obligations françaises à 10 ans est supérieur à celui des obligations espagnoles depuis octobre dernier. Le rendement de l'ensemble des obligations souveraines de la zone euro a par ailleurs nettement augmenté depuis les annonces de plan de relance allemand. À l'heure où de grands enjeux tels que la défense ou la transition écologique génèrent de nouveaux besoins, il devient urgent de dégager des marges budgétaires suffisantes, or la charge d'intérêts va progressivement en grignoter davantage.
Cette relative bonne nouvelle sur le ratio 2024 est toutefois une veine pour le gouvernement, rendant moins difficile la marche à franchir pour atteindre la cible de déficit de 5,4% du PIB en 2025. Cet objectif demeure ambitieux, et le plus dur sera peut-être la maîtrise des dépenses des collectivités locales (et de Sécurité sociale), comme l'illustre le dérapage de l'année 2024. Nous tablons pour notre part sur un déficit public qui pourrait s'établir à 5,6% cette année (notre scénario paraîtra prochainement), compte tenu notamment de prévisions de croissance et d'inflation inférieures à celles retenues par le gouvernement.
1 Le ratio de déficit public a par ailleurs été révisé en légère baisse pour 2023, à 5,4% du PIB (contre 5,5% précédemment estimé), et la dette également, à 109,8% du PIB (contre 109,9%).
Article publié le 28 mars 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Cette relative bonne nouvelle sur le ratio 2024 est toutefois une veine pour le gouvernement, rendant moins difficile la marche à franchir pour atteindre la cible de déficit de 5,4% du PIB en 2025. Cet objectif demeure ambitieux, et le plus dur sera peut-être la maîtrise des dépenses des collectivités locales (et de Sécurité sociale), comme l'illustre le dérapage de l'année 2024. Nous tablons pour notre part sur un déficit public qui pourrait s'établir à 5,6% cette année (notre scénario paraîtra prochainement), compte tenu notamment de prévisions de croissance et d'inflation inférieures à celles retenues par le gouvernement.
Marianne PICARD, Economiste - France