France : un peu moins de croissance et d’inflation en 2025 et 2026, selon la Banque de France

France : un peu moins de croissance et d’inflation en 2025 et 2026, selon la Banque de France

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La Banque de France a publié les résultats de son enquête mensuelle de conjoncture de début mars, ainsi que ses projections macroéconomiques intermédiaires. Comme le mois précédent, l’enquête suggère une croissance positive mais faible au premier trimestre, comprise entre 0,1% et 0,2%. Par rapport à ses dernières prévisions à moyen terme (décembre 2024), la Banque de France révise à la baisse sa prévision de croissance pour cette année et la suivante, à respectivement 0,7% et 1,2%. La prévision d’inflation est également abaissée pour ces deux années, à respectivement 1,3% et 1,6% en moyenne annuelle (pour l’indice harmonisé, IPCH). Les prévisions de taux de chômage restent inchangées, avec une hausse à 7,8% en 2025 et 2026.

Les résultats de l’enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France de début mars révèlent que l’activité aurait de nouveau progressé en février dans l’industrie, contrairement à ce qui avait été anticipé le mois dernier. L’activité aurait en revanche peu augmenté dans les services marchands et le bâtiment. Les chefs d’entreprises anticipent une légère progression de l’activité en mars dans les services marchands, tandis qu’elle évoluerait peu dans l’industrie et le bâtiment. Bonne nouvelle, l’indicateur mensuel d’incertitude reflue dans les services marchands, et plus fortement encore dans le bâtiment, après avoir augmenté le mois précédent. L’institution attribue ce repli à l’adoption de la loi de finances. L’indicateur reste en revanche stable dans l’industrie, les industriels citant le contexte international comme principal facteur d’incertitude, avec en particulier des inquiétudes sur les droits de douane américains dans des secteurs comme la métallurgie, les produits métalliques et les biens d’équipement. Les réponses à l’enquête suggèrent aussi que la normalisation se poursuit en matière d’évolution des prix de vente, et de difficultés de recrutement. 

Compte tenu des éléments tirés de son enquête, qu’elle complète traditionnellement par d’autres indicateurs conjoncturels, la Banque de France anticipe une croissance du PIB comprise entre 0,1% et 0,2% au premier trimestre, comme le mois dernier. La valeur ajoutée serait tirée par les services marchands (après le contrecoup des Jeux olympiques et paralympiques de Paris observé au quatrième trimestre 2024), l’agriculture et l’énergie, tandis qu’elle serait stable dans l’industrie manufacturière et la construction.

Dans ses projections macroéconomiques intermédiaires de marsl’institution révise à la baisse ses prévisions de croissance et d’inflation pour les deux années à venir. La croissance du PIB est désormais attendue à 0,7% cette année (contre 0,9% dans les projections de décembre 2024), puis à 1,2% en 2026 (contre 1,3%). Dans le détail, la révision pour 2025 provient de la baisse de la contribution des variations de stocks à la croissance (-0,2 point), vraisemblablement par effet d’acquis. La révision pour 2026 s’explique par une progression moindre de l’investissement et de la consommation publique. 

En termes d’inflation, la Banque de France revoit également ses prévisions en baisse en 2025 et 2026, à respectivement 1,3% (-0,3 point) et 1,6% (-0,1 point) en moyenne annuelle pour l’IPCH. Ces révisions sont liées à une inflation sous-jacente, hors énergie et alimentation, qui serait moins dynamique (révisée de -0,4 point en 2025, à 1,8%, et de -0,1 point en 2026, à 1,8%). En particulier, la progression des salaires s’est révélée moins forte que prévu en 2024 (-0,3 point à 2,5% pour le salaire moyen par tête, SMPT) et devrait également être moins soutenue qu’initialement prévu en 2025 (-0,4 point à 2,4%), avec donc une décélération des prix des services plus importante que précédemment anticipé. 

Les destructions nettes d’emplois devraient être moins nombreuses en 2025 que ce qu’elle avait prévu en décembre, après une plus forte hausse de l’emploi en 2024. Ses prévisions de taux de chômage restent toutefois inchangées en moyenne annuelle, et celui-ci devrait ainsi augmenter à 7,8% pour la France entière en 2025, avant de se stabiliser à ce niveau en 2026. 

La prévision de la Banque de France prend en compte la hausse de 10 points de pourcentage (pp) des droits de douane américains sur les importations chinoises et les mesures de la Chine prises en représailles (avec un impact très réduit sur la France). En revanche, elle ne retient pas de hausse des droits de douane pour le Canada et le Mexique, ni pour l’Union européenne (UE). L’incertitude liée à ces mesures est toutefois prise en compte, avec un impact négatif sur l’activité en France (impact de -0,1 point sur le PIB en 2025). Les annonces de la Commission européenne pour augmenter les dépenses militaires, et celles débattues en Allemagne, ne sont pas non plus intégrées. Au niveau national, elle a bien pris en compte la loi de finances pour 2025 du 14 février. Les aléas autour de la prévision sont multiples. Les risques restent principalement orientés à la baisse sur la croissance (potentielles hausses de droits de douane américains et réponses européennes). Des dépenses militaires accrues constituent toutefois des risques haussiers sur la prévision de PIB en fin de période. 

L’institution propose une quantification du risque « droits de douane ». Elle modélise ainsi une hausse de 25 points de pourcentage des droits de douane américains sur les importations en provenance de l’UE. Les estimations du modèle ECB-Global indiquent une baisse du PIB de la zone euro après quelques trimestres et un effet maximal de l’ordre de -0,3% après 1 à 2 ans. Sont inclus les effets directs sur les exportations européennes, ainsi que les effets indirects induits par le ralentissement économique américain (avec en particulier une politique monétaire probablement plus restrictive), et mondial. L’impact sur le PIB et l’inflation en Europe dépendrait toutefois de la réaction du taux de change, de la réponse de l’Union européenne, de l’éventuelle réorientation des exportations chinoises vers le marché européen… Avec donc encore beaucoup d’incertitudes. Les effets sur l’inflation européenne sont ambivalents et seraient dans tous les cas limités. La France subirait un impact économique moindre que la zone euro en moyenne, du fait d’une plus faible exposition de ses exportations au marché américain. 

Notre opinion

La prévision de croissance de la Banque de France pour 2025 et 2026 est assez proche de celle de notre scénario de décembre, avec une croissance un peu plus faible en 2025 (0,7% contre 0,8%) et un peu plus forte ensuite en 2026 (1,2% contre 1,1%). Ce qui nous paraît le plus étonnant est l’accélération marquée des salaires anticipée pour 2026. Notre scénario pour la France sera révisé prochainement, avec une publication prévue début avril. 

La forte incertitude sur le plan du commerce international (droits de douane américains et mesures de rétorsion), et les récentes annonces au niveau européen (éventuelles dépenses militaires supplémentaires, plan allemand d’investissement en infrastructures), rendent actuellement compliqué l’exercice de prévision. L’étude d’impact proposée par la Banque de France d’une hausse de 25 points de pourcentage des droits de douane américains sur les importations européennes illustre toutefois que l’effet sur l’économie française devrait rester assez limité au niveau macroéconomique, même si certains secteurs pourraient s’en tirer plus mal. Une chose est claire : dans le cas d’une guerre commerciale, nous serons tous perdants.

France : un peu moins de croissance et d’inflation en 2025 et 2026, selon la Banque de France

La forte incertitude sur le plan du commerce international (droits de douane américains et mesures de rétorsion), et les récentes annonces au niveau européen (éventuelles dépenses militaires supplémentaires, plan allemand d’investissement en infrastructures), rendent actuellement compliqué l’exercice de prévision. L’étude d’impact proposée par la Banque de France d’une hausse de 25 points de pourcentage des droits de douane américains sur les importations européennes illustre toutefois que l’effet sur l’économie française devrait rester assez limité au niveau macroéconomique, même si certains secteurs pourraient s’en tirer plus mal. Une chose est claire : dans le cas d’une guerre commerciale, nous serons tous perdants.

Marianne PICARD, Economiste - France