Parole de banques centrales ‒ La BOE a gardé ses taux inchangés en mars, face à l'intensification des incertitudes
- 24.03.2025
- 0
- Télécharger la publication (PDF - 303,54 KB)

Lire l'article
La Banque centrale d'Angleterre (BoE) a laissé son taux directeur inchangé à 4,5% à l'issue de sa réunion de politique monétaire des 18 et 19 mars, en ligne avec les anticipations. Swati Dhingra a de nouveau pris une position dovish, en votant pour une baisse de taux de 25 points de base, tandis que Catherine L. Mann, qui avait voté avec Swati Dhingra en février, a finalement rejoint la majorité du comité de politique monétaire (MPC).
La décision de maintenir le statu quo sur les taux intervient dans un contexte d'intensification des incertitudes tant mondiales que domestiques. Les minutes de la réunion soulignent la hausse de l'incertitude autour du commerce mondial liée aux annonces de tarifs douaniers du président américain ainsi que la hausse des incertitudes géopolitiques et de la volatilité sur les marchés financiers. Sur le plan domestique, l'activité a fortement ralenti au second semestre 2024 et les enquêtes de confiance se sont détériorées en fin d'année. Bien que le PIB ait surpris favorablement en décembre (+0,4%) et en janvier (+0,1%), conduisant à une révision à la hausse de la prévision de croissance du PIB au premier trimestre (à +0,25% contre +0,1% prévu précédemment), les enquêtes de confiance signalent un affaiblissement de l'activité et une croissance sous-jacente toujours proche de zéro, à 0,1%. Selon la BoE, la politique monétaire restrictive continue de peser sur la croissance.
Le marché du travail continue également de s'assouplir légèrement : le nombre de postes vacants par chômeur est à son niveau d'équilibre et les enquêtes de la BoE auprès des entreprises concernant leurs difficultés de recrutement se sont normalisées. Les indicateurs des salaires suivis par la BoE ont continué de se modérer, bien qu'en restant à des niveaux élevés et contrastant avec l'accélération des chiffres officiels de croissance des salaires publiés par l'ONS (à 5,9% en janvier pour l'économie totale, 6,1% dans le secteur privé). Cette divergence s'explique, selon la BoE, par des effets de composition et de volatilité dans certains secteurs. Quant aux prix, l'inflation CPI a progressé en janvier légèrement plus que prévu par la BoE (à 3% contre 2,5% en décembre). La BoE maintient sa prévision d'une hausse du taux d'inflation CPI dans les prochains mois, avec un pic à 3,8% au troisième trimestre (inchangé par rapport aux projections de février).
Comme en février, la BoE envisage deux scénarios pour l'économie et pour la conduite de la politique monétaire : d'une part, un scénario où la demande faiblit plus que l'offre et conduit à des pressions inflationnistes plus faibles, ce qui nécessiterait une politique monétaire moins restrictive ; d'autre part, un scénario de persistance de pressions sur les prix et les salaires, avec l'émergence d'effets de second tour liés à la hausse de l'inflation à court terme, auquel cas la politique monétaire devra être plus restrictive.
Face à ces deux scénarios, la BoE maintient une approche « graduelle et prudente » quant au rythme de l'assouplissement monétaire à venir et considère que « la politique monétaire devra rester restrictive pendant suffisamment longtemps, jusqu'à ce que les risques autour d'un retour durable de l'inflation à l'objectif de 2% à moyen terme se soient davantage dissipés. Le Comité décidera du degré approprié de restriction de la politique monétaire à chaque réunion ».
Notre opinion
Le communiqué de la BoE et les minutes de la réunion de politique monétaire n'ont pas réservé de surprises particulières : elles confortent notre scénario d'un retrait graduel de la restriction monétaire au cours des prochains trimestres. Nous continuons d'anticiper trois baisses de taux supplémentaires cette année, avec une baisse de 25 points de base par trimestre (soit plus que les anticipations de marché qui prévoient deux baisses de taux supplémentaires cette année). Le principal facteur justifiant cette prudence est la hausse de l'inflation anticipée dans les prochains mois et la nécessité d'éviter que ne se matérialise le risque d'effets de second tour, notamment sur les salaires dont la croissance demeure élevée. Les anticipations d‘inflation par les ménages et les entreprises ont augmenté, alors que la BoE doit maintenir les anticipations d'inflation à long terme ancrées à 2%.
Toutefois, les risques nous semblent désormais orientés vers une accélération de l'assouplissement monétaire de la BoE, probablement au second semestre. En effet, une détérioration plus forte que prévu du marché du travail (compte tenu de la chute des enquêtes d'emploi en lien avec la hausse des coûts salariaux le 1er avril prochain) devrait peser sur la consommation privée. Le gouvernement semble par ailleurs envisager des coupes budgétaires dans les prestations sociales (afin de financer les nouveaux objectifs de hausse des dépenses militaires), ce qui devrait également peser sur la confiance du consommateur déjà confronté à des prix de l'énergie en hausse. Les taux de rendements d'État risquent de rester élevés compte tenu de la situation budgétaire tendue, se traduisant par des taux de crédit plus élevés aux ménages et aux entreprises. Dans ce scénario de détérioration plus forte que prévu de la demande, la BoE pourrait envisager de réduire ses taux de manière plus agressive.
Article publié le 21 mars 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Les risques nous semblent désormais orientés vers une accélération de l'assouplissement monétaire de la BoE, probablement au second semestre. En effet, une détérioration plus forte que prévu du marché du travail (compte tenu de la chute des enquêtes d'emploi en lien avec la hausse des coûts salariaux le 1er avril prochain) devrait peser sur la consommation privée.
Slavena NAZAROVA, Economiste - Royaume-Uni, États-Unis, Irlande