Royaume-Uni – BoE : la trajectoire des taux reste à la baisse, la pause sera courte
- 12.11.2025
- 0
- Télécharger la publication (PDF - 297,36 KB)
Lire l'article
La banque centrale d’Angleterre (BoE) a décidé de laisser son taux directeur inchangé à 4% à l’issue de sa réunion de politique monétaire de novembre, en ligne avec nos anticipations et celles du consensus. Ce n’était pas une décision facile, car le comité de politique monétaire (MPC) a été tout sauf unanime : cinq membres du comité (le gouverneur Andrew Bailey, Megan Greene, Clare Lombardelli, Catherine L. Mann et le chef économiste Huw Pill) ont voté en faveur du statu quo, tandis que les quatre autres ont voté en faveur d’une baisse de taux de 25 points de base à 3,75% (Sarah Breeden, Swati Dhingra, Dave Ramsden et Alan Taylor).
Cette forte divergence reflète le dilemme auquel est confrontée la BoE : l’inflation (3,8% en septembre, moins forte que prévu) dépasse de loin la cible de 2%1, mais elle devrait avoir atteint son pic, alors que l’économie semble ralentir et que le marché du travail se détériore2.
Andrew Bailey se positionne comme le faiseur de roi : bien qu’il ait voté pour le statu quo, il juge que les risques autour des perspectives d’inflation ont diminué et sont devenus plus équilibrés récemment. Selon lui, le prochain mouvement sera celui d’une baisse des taux. Toutefois, ce n’est qu’à condition que le processus désinflationniste se poursuive dans les prochains mois. Il était donc approprié d’attendre que cela se confirme. Il a laissé la porte ouverte à une baisse de taux en décembre prochain.
La BoE s’attend à ce que l’inflation chute à 3% début 2026 (3,2% en mars plus précisément), largement en raison d’effets de base favorables liés aux prix administrés du gaz et de l’électricité, et qu’elle baisse graduellement vers sa cible de 2% au cours de 2027. Si l’inflation totale doit reculer, la BoE souhaite également voir la croissance des salaires et l’inflation dans les services baisser davantage avant de couper ses taux. Elle prévoit une baisse de l’inflation des services à 4,3% en mars prochain, contre 4,7% en septembre. Quant à la croissance des salaires, elle est prévue en baisse à 3,5% au quatrième trimestre 2025 dans le privé, mais les enquêtes sur les négociations salariales demeurent élevées, à près de 3,5% en moyenne pour l’année 2026.
Dans son rapport de politique monétaire, la BoE note que les risques autour des perspectives d’inflation à moyen terme sont désormais jugés équilibrés, puisque ceux d’un maintien de l’inflation au-dessus de la cible (ʺpersistanceʺ), sans avoir disparu, sont devenus moins prononcés (l’économie opère en-deçà de son rythme potentiel) et que les risques d’une inflation trop faible liés à la détérioration de la demande et du marché du travail sont également devenus plus tangibles. La BoE juge que la croissance dite ʺsous-jacenteʺ (telle que suggérée par les enquêtes auprès des entreprises) est restée faible au deuxième trimestre 2025 et que les enquêtes suggèrent une très légère reprise au second semestre (+0,1% au T3, +0,2% au T4).
La consommation des ménages est une source d’inquiétude, car son taux de croissance reste proche de zéro (+0,1% au T2) et le taux d’épargne élevé (10,8% au T2), signalant que les ménages sont probablement devenus structurellement plus prudents qu’avant la Covid, étant donné les multiples chocs sur leur pouvoir d’achat au cours des dernières années. Les ménages pourraient également épargner dans un objectif de reconstitution de leur richesse en termes réels. Pour la croissance du PIB réel, la BoE prévoit toujours des rythmes plus soutenus que la croissance dite ʺsous-jacenteʺ, à 0,2% au T3 et 0,3% au T4.
La BoE a fourni deux scénarios pour l’évolution du taux directeur en utilisant la règle de Taylor (selon laquelle le taux est fonction de l’écart de l’inflation par rapport à la cible et de l’output gap) : un scénario de ʺpersistanceʺ de l’inflation correspondant à la mise en place d’une boucle prix-salaire et un scénario alternatif où la consommation des ménages demeure faible et les pressions inflationnistes disparaissent plus vite que dans la projection centrale. Dans le premier scénario, le taux directeur serait 10 points de base plus élevé qu’en scénario central, à 3,5% fin 2028, contre 3,4% dans le central. Dans le second, le Bank rate serait 30 points de base plus bas que dans le scénario central en 2028, à 3%. La différence entre des deux scénarios n’est finalement pas très significative, de l’ordre de 50 points de base. Le taux directeur est prévu en baisse à court terme dans les deux cas de figure et il faudra attendre 2028 pour voir la première hausse de taux se matérialiser. Les marchés quant à eux tablent sur une baisse de taux à 3,5% d’ici le T3-2026, puis une pause et une remontée en 2028.
Notre opinion – La BoE a baissé ses taux cinq fois depuis août 2024, suivant des pas de 25 points de base chaque trimestre, au moment des réunions accompagnées d’un rapport de politique monétaire (et donc de mise à jour des prévisions d’inflation). Cette approche graduelle est toujours privilégiée pour tout futur assouplissement monétaire, comme l’a signalé la BoE, ce qui est en ligne avec notre scénario. Celui-ci table sur une baisse de taux à la réunion de politique monétaire du mois de février et une autre en mai prochain, ramenant le taux directeur à 3,5%. Une baisse de taux plus précoce, lors de la prochaine réunion le 18 décembre, est également tout à fait possible (la BoE aura à sa disposition les chiffres d’inflation du mois d’octobre et du mois de novembre, ainsi que deux rapports du marché du travail et le PIB du T3 et du mois d’octobre). Si l’inflation recule comme prévu, Andrew Bailey pourrait décider d’octroyer un cadeau de Noël aux Britanniques, d’autant plus que le budget d’automne à venir devrait annoncer un nouveau tour de vis fiscal.
Article publié le 7 novembre 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine
_________
1 Cf. notre publication Monde – L’actualité de la semaine – 24 octobre 2025
2 Cf. notre publication Royaume-Uni – Le marché du travail continue de se détendre lentement – 22 octobre 2025
La BoE observe que les prix à l’importation britanniques (hors énergie) ont baissé au cours de l’année passée, vraisemblablement à cause des droits de douane américains qui ont provoqué une redirection des exportations chinoises des États-Unis vers des marchés alternatifs, dont le Royaume-Uni et la zone euro. Les prix à l’importation britanniques depuis des pays non-UE, en particulier, ont diminué au cours de cette année. Ces effets ont par ailleurs été renforcés par l’appréciation de la livre sterling.
Slavena NAZAROVA, Economiste - Royaume-Uni, États-Unis, Irlande