Italie – Le marché immobilier se reprend, mais pas en faveur de la construction

Italie – Le marché immobilier se reprend, mais pas en faveur de la construction

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Après le ralentissement de l'investissement dans la construction constaté dans les comptes nationaux au deuxième trimestre, l'essoufflement de la production confirme le diagnostic : le secteur de la construction entre dans une nouvelle phase, celle de la stagnation. En juillet, l'indice de production du secteur n'a progressé que de 0,7% par rapport au mois précédent, après une performance négative en juin, laissant un acquis de seulement 0,5% au troisième trimestre. Les forts rebonds de production de janvier et d'avril permettent, malgré des variations en dents de scie, de maintenir une croissance de 4,5% sur les sept premiers mois par rapport à la même période de l'année passée. En comparaison, cette performance était supérieure à 6% l’année dernière. 

Si la confiance dans le secteur a baissé au cours du dernier trimestre, en particulier dans le segment du logement, les enquêtes ne signalent pas encore de phase de contraction. En effet, les niveaux d'activité sont toujours en légère hausse et les carnets de commandes devraient permettre d'assurer plus de dix-sept mois d'activité (un mois de plus que le trimestre précédent). Les attentes futures sont cependant moins favorables, avec une inflexion des carnets de commandes constatée à trois mois.

Si la construction marque le pas, le marché immobilier poursuit sa phase de récupération. Au deuxième trimestre, le nombre de transactions immobilières a augmenté de 8,1%, après une hausse de 11,2% au T1. L'acquis de croissance sur l'année s'élève donc à 4%, indiquant que le seuil des 750 000 transactions sera de nouveau franchi en 2025. Cette amélioration de la conjoncture immobilière reste peu favorable au marché du neuf, puisque les transactions dans ce segment se contractent de 7%, alors qu'elles avaient déjà légèrement baissé au T1 de 0,4%. 

La croissance des transactions reste soutenue dans les régions du Nord avec une hausse de 9,2%, suivie du Nord-est (+8,5%) et du centre (+7,7%). Les transactions dans les îles performent également ce trimestre, avec une hausse de 7,7%, tandis que les transactions dans le Sud se maintiennent à 6%.

Malgré cette reprise, l'indice des prix ralentit légèrement au T2, passant de 4,4% à 3,9%. Tirée depuis deux trimestres par le segment de l'ancien, la baisse s'explique davantage par le net freinage des prix des logements neufs qui n'augmentent que de 1,1%. À l'exception du Nord-ouest (+3,4% contre +3,8%), la hausse des prix reflète par région, en miroir, celle des transactions, avec la plus forte hausse enregistrée dans le Nord-est (+5,4%), suivie du centre (+3,8%, contre +4,7% au trimestre précédent), et du Sud et des îles (+3,6%, contre +4,7%).

La baisse des taux d’intérêt n’est pas étrangère à la tenue de l’activité. Les taux d’intérêt à la production ont perdu 1 point de pourcentage (pp) en l’espace de deux ans pour atterrir à 3,28% au deuxième trimestre, resolvabilisant des ménages qui avaient pu être exclus du marché. Cela explique également que la part des achats financés à l’aide d’un prêt hypothécaire a progressé de près de 6 pp en l’espace de deux ans pour s’établir à 45,9% au deuxième trimestre. Selon le dernier Bank Lending Survey (juillet 2025), la demande se maintiendrait au troisième trimestre. La vigilance reste pourtant de mise puisque les taux d’intérêt s’infléchissent légèrement à la hausse.

Or, selon le dernier Observatoire du marché immobilier (OMI) publié par l’agence fiscale italienne (Agenzia delle Entrate), la part des achats immobiliers ayant bénéficié du dispositif Prima casa1, régime de déduction fiscale mis en place pour aider les jeunes à accéder à la propriété, s’établit à 72,5% au deuxième trimestre avec des taux qui montent en flèche dans certaines villes comme Rome (85%, avec un recours au prêt hypothécaire de 60%) et Gênes (82%, avec un recours au prêt hypothécaire de 45%). Or, certains dénoncent les possibilités de détournement de l’avantage fiscal2 au profit de l’acquisition de résidence secondaire ou d’investissement, ce qui agirait comme facteur de soutien à la dynamique de marché.

Notre opinion

En un mot, le secteur commence à essuyer les effets de la fin du Superbonus. Le dispositif, dont le total de déductions accumulées représente près de 127 milliards d’euros selon l'ENEA, arrive à son terme3. Réduit puis partiellement arrêté, le montant total des déductions pour 2025 ne représente que 3 milliards sur l'année. Pour ce qui est des travaux restant à réaliser, ces derniers représentent environ 4,6 milliards (96,2% ont été achevés). Au total, ce sont plus de 500 000 chantiers de rénovation qui ont été financés via le dispositif, dont 27% concernent des copropriétés. Elles absorbent près de 65% des 127 milliards, avec un ticket moyen de travaux de 600 000 euros. Enfin, 28 milliards ont permis la rénovation de près de 250 000 maisons individuelles. Si les effets du Superbonus ont été tels, c’est que le dispositif reste massif. Les interventions encouragées par le Superbonus ont donc touché près de 5% du parc résidentiel total (12 millions d'unités) et 7% des bâtiments en classe F et G.

 Notes

  1. Le dispositif cible les moins de 36 ans qui ne possèdent pas d’autre logement (jeunes et familles sous conditions) et consiste en une taxe d’enregistrement réduite (2% contre 9% sans qu’elle soit inférieure à 1 000 euros) et une TVA à 4% au lieu de 10%. Sont exclus certains types de biens inscrits au cadastre sous les références suivantes : A/1 (logements de type luxueux), A/8 (logements en villas) et A/9 (châteaux et palais de grande valeur artistique et historique). 
  2. Le rapport annuel du ministère de l’Économie et des Finances sur les dépenses fiscales de 2024 évalue à 4 123 euros par personne le seul gain lié à la réduction de la taxe d’enregistrement à 2% et table sur un coût de 2 099,3 millions d’euros par an en 2025, 2026 et 2027.  
  3. Le programme dans sa forme Superbonus devrait définitivement prendre fin au 31 décembre 2025. Après une réduction progressive des avantages fiscaux avec 110% pour les frais engagés jusqu'au 31 décembre 2023, 70% pour les dépenses engagées en 2024, ce seuil passe à 65% pour les dépenses engagées en 2025 et ne prend en compte que les dépôts effectués avant le 15 octobre 2024 avec, à l'appui, un avis sur l'honneur de début des travaux.


Article publié le 19 septembre 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

Italie – Le marché immobilier se reprend, mais pas en faveur de la construction

Le secteur commence à essuyer les effets de la fin du Superbonus. Le dispositif, dont le total de déductions accumulées représente près de 127 milliards d’euros selon l'ENEA, arrive à son terme. Au total, ce sont de plus de 500 000 chantiers de rénovation qui ont été financés via le dispositif, dont 27% concernent des copropriétés. Si les effets du Superbonus ont été tels, c’est que le dispositif reste massif.

Sofia TOZY, Economiste, Italie et Pays scandinaves