Royaume-Uni – Premier du G7 ? Pas vraiment !
- 07.10.2025
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La dernière estimation du PIB britannique pour le deuxième trimestre 2025 a confirmé le ralentissement de la croissance à 0,3% en variation trimestrielle après 0,7% au premier trimestre. La croissance annuelle pour 2024 a été confirmée à 1,1%, également inchangée par rapport à l’estimation précédente.
La croissance au premier trimestre a été soutenue par le report d’une partie de l’activité, notamment des exportations, en amont de la mise en place des tarifs douaniers en avril. Sur le plan domestique, une hausse du droit de timbre début avril semble avoir soutenu le secteur de l’immobilier au premier trimestre, selon l’ONS.
Les observateurs notent que le Royaume-Uni se hisse à la première place au sein du G7 en termes de croissance du PIB sur le premier semestre de cette année. En effet, le PIB croît de 0,9% entre le T4 2024 et le T2 2025 devant les États-Unis qui enregistrent un rebond de 0,8% sur la période.
En revanche, le PIB par tête affiche une croissance plus modérée : +0,5% au T1 suivi de +0,2% au T2. Cette performance positive vient après une croissance nulle en 2024. La croissance du PIB par tête en 2024 est parmi les plus faibles au sein du G7, notamment par rapport à la France (+0,8% en moyenne annuelle), à l’Italie (+0,6%) et bien sûr aux États-Unis (+1,9%), selon les données de l’OCDE.
Si on regarde l’évolution depuis la pandémie, le PIB par tête britannique se situe encore en dessous de son niveau du T4 2019 (-0,2%), soit une situation à peine meilleure que celle en Allemagne (-1,3%).
Dynamisme dans les services, faiblesse dans l’industrie
En termes de décomposition sectorielle, la croissance au T2 s’explique principalement par le dynamisme des activités de services, en hausse de 0,4% en variation trimestrielle (+1,6% sur un an), après +0,7% au T1. La croissance y est tirée par les services d’information et communication, suivis par le secteur de la santé et des activités sociales. Les ventes de détail et de gros, ainsi que les ventes de voitures chutent sur le trimestre et pèsent sur la croissance du secteur. L’activité dans les services destinés aux ménages baisse de 0,1% sur le trimestre et reste inférieure à ses niveaux d’avant-Covid (d’environ 5%). Les services aux entreprises, en revanche, progressent de 0,5% sur le trimestre.
La construction croît fortement (+1% en variation trimestrielle, +1,9% sur un an), grâce à la fois aux nouveaux chantiers et aux activités de maintenance, avec, en particulier, une forte contribution positive des nouveaux projets d’infrastructure.
La production industrielle baisse sur le trimestre (-0,8% en variation trimestrielle, -0,4% sur un an), en raison d’une chute de la production d’électricité et de gaz. La production manufacturière croît modérément : +0,2% en variation trimestrielle après +0,3% au T1. Cependant, cette croissance repose sur un petit nombre de sous-secteurs, notamment la production pharmaceutique (+6,9% sur le trimestre) et, dans une moindre mesure, la production d’équipements électriques (+4,1%). Sur un an, la production manufacturière croît de 1%, en territoire positif pour la première fois depuis début 2024. Son niveau demeure toutefois très loin de ce qu’il était avant la pandémie.
Le secteur public, moteur de la croissance
L’analyse en termes de dépenses du PIB du T2 2025 confirme le constat de la première estimation : les dépenses publiques expliquent l’essentiel de la croissance sur le trimestre. La consommation publique progresse de 1,3% et l’investissement public de 4,1%, contribuant au total à hauteur de 0,4 point de pourcentage à la croissance du PIB.
La consommation privée reste faible et ralentit : elle ne croît que de 0,1% sur le trimestre contre 0,2% dans l’estimation précédente et après +0,3% au premier trimestre. L’investissement productif se contracte (-1,1% en variation trimestrielle), mais moins qu’estimé dans la première évaluation (-4%) et après une hausse de 4,1% au premier trimestre.
Les exportations nettes contribuent négativement à la croissance au T2 (-0,1 point de pourcentage) après une contribution de +0,1 point de pourcentage au T1, reflétant une correction partielle des effets des droits de douane sur les exportations en amont du « Liberation Day ». Les exportations baissent de 0,2% (après +1,7% au T1) ; les importations sont stables (+1,2% au T1). Le déficit commercial en biens a ainsi augmenté au T2 pour atteindre 56,6 milliards de livres sterling, entraînant une hausse du déficit du compte courant (-3,2% du PIB au T2).
Enfin, les variations de stocks apportent une contribution nulle sur le trimestre.
Prudents, les ménages augmentent leur épargne
Les ménages ont continué d’accumuler de l’épargne au détriment de leur consommation : le taux d’épargne a augmenté de 0,2 point de pourcentage pour atteindre 10,7%, s’éloignant encore davantage des niveaux d’avant la pandémie. Les gains de pouvoir d’achat ont certes ralenti, mais restent soutenus avec un revenu disponible réel en hausse de 2,5% sur un an au T2, après un pic à 5,5% au T4 2024. La croissance des revenus d’activité est restée, en particulier, très forte au T2 : +6,9% sur un an.
Les raisons de cette prudence ne manquent pas : inflation élevée, perspectives de hausses imminentes des impôts et des taxes, impopularité du gouvernement, détérioration des conditions sur le marché du travail, incertitudes mondiales … Ce cocktail de facteurs pèse sur le moral des consommateurs et les incite à augmenter leur épargne de précaution.
Notre opinion
Le secteur public a été un contributeur majeur à la croissance britannique depuis la pandémie, notamment à travers l’investissement en capital (en hausse de plus de 30% depuis le T4 2019) et les dépenses de consommation (+13%). La demande du secteur privé a connu en parallèle une croissance anémique avec une consommation des ménages quasi nulle et un investissement productif bien moins dynamique (+10%) que l’investissement public. Ces tendances devraient se maintenir dans les trimestres à venir, le gouvernement s’étant engagé à augmenter ses dépenses militaires à 5% du PIB d’ici 2035, en ligne avec le nouvel objectif de l’OTAN. Il avait déjà augmenté significativement ses projets d’investissement dans les infrastructures et dans la transition verte dès le premier budget qui a suivi son arrivée au pouvoir en 2024, en les finançant par un recours accru à la dette et par des hausses de la fiscalité des entreprises. Pour le prochain budget de novembre, une hausse des impôts et des taxes de près de 30 milliards de livres (environ 1% du PIB) est anticipée, faute de quoi la règle budgétaire (ramener le solde budgétaire courant à l’équilibre en 2029) ne sera pas respectée. Dans le même temps, la politique monétaire reste restrictive, avec un taux directeur à 4% qui va probablement rester inchangé d’ici la fin de l’année. En effet, la BoE a augmenté sa vigilance face à une inflation toujours élevée et des anticipations d’inflation des ménages en hausse. Dans ce contexte, nous anticipons une croissance de la consommation des ménages toujours déprimée et reposant davantage sur l’épargne, tandis que l’investissement privé pourrait bénéficier à court terme d’une baisse de l’incertitude, bien que partielle, liée aux tarifs douaniers. Nous anticipons un ralentissement de la croissance à 0,1% au T4 après une croissance stable à 0,3% au T3.
Article publié le 3 octobre 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

Les ménages ont continué d’accumuler de l’épargne au détriment de leur consommation. Les raisons de cette prudence ne manquent pas : inflation élevée, perspectives de hausses imminentes des impôts et des taxes, impopularité du gouvernement, détérioration des conditions sur le marché du travail, incertitudes mondiales … Ce cocktail de facteurs pèse sur le moral des consommateurs et les incite à augmenter leur épargne de précaution.
Slavena NAZAROVA, Economiste - Royaume-Uni, États-Unis, Irlande