Italie – Un bilan post-estival mitigé entre l’impact des tarifs et une consommation des ménages en panne
- 18.09.2025
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La croissance italienne a reculé au cours du deuxième trimestre, enregistrant une baisse de 0,1% par rapport au trimestre précédent. Malgré ce chiffre, l'acquis de croissance reste inchangé pour 2025 à 0,5%. Le contrecoup des mesures tarifaires américaines a finalement pesé plus tôt qu'attendu sur les exportations italiennes, avec un recul de ces dernières de 1,7% sur le trimestre, se traduisant par une contribution négative de -0,7% de la demande extérieure face à des importations en légère hausse (+0,4%). Si les exportations vers les États-Unis ont fortement ralenti sur le trimestre, le coup de grâce a été apporté par un franc repli des ventes en direction du Royaume-Uni et de la Chine. En zone euro, le recul des ventes en Allemagne, mais surtout aux Pays-Bas, explique en partie cette contre-performance italienne.
Parallèlement, la contribution de la demande domestique est restée contenue à hauteur de 0,4 point de PIB. La compensation est néanmoins venue d'une forte activité de restockage qui, après deux trimestres négatifs, a apporté 0,4 point de pourcentage (pp) à l’activité. Du côté des composantes de la demande intérieure, l’impulsion provient principalement de l’investissement qui enregistre son troisième trimestre de hausse consécutif, augmentant de 1%. La dynamique observée au trimestre précédent tend néanmoins à s’inverser avec une nette reprise de l’investissement productif (+2,1% après -0,2% au T1) et un ralentissement de la construction qui touche aussi bien le logement que, plus surprenant encore, le BTP. L’investissement immatériel, qui avait crû de 1,7% et contribué de 0,3 pp au T1, ralentit nettement.
Si la consommation publique augmente légèrement, la consommation des ménages s'est, quant à elle, démarquée par son absence, avec une stagnation au T2. Elle poursuit ainsi le cycle de croissance anémique enregistré depuis les quatre derniers trimestres, signe que les effets de traîne du choc inflationniste persistent dans un environnement incertain. L'arrêt de la consommation cache une double stagnation, celle des biens où la timide reprise de la consommation de biens est annulée par le recul des biens semi-durables, et celle des services.
La valeur ajoutée recule également sur le trimestre. La stagnation de la production dans les activités de services pour le troisième trimestre consécutif ne permet pas de compenser le repli aussi bien dans le secteur primaire (-0,6%) que dans l'industrie manufacturière (-0,6%). La construction, bien qu'en ralentissement, augmente cependant de 0,9%.
Malgré un climat dominé par l'incertitude, quelques indicateurs conjoncturels s'aventurent à afficher des tendances plus favorables La production industrielle se redresse légèrement en juillet, augmentant de 0,4%, cumulant ainsi deux mois de hausse consécutifs. Toutes choses égales par ailleurs, l'acquis laissé au T3 est également positif. À l’exception de l'énergie qui plombe la variation mensuelle de l'indice en juin avec une baisse de 7,3%, la performance reste globalement très positive pour les autres segments. Ainsi, la production de biens de consommation enregistre un rebond de 2,1% en juin, mettant fin au cycle de baisse observé sur les deux derniers mois. Elle est tirée aussi bien par la fabrication de biens durables que semi-durables. La production de biens d'équipement augmente également de 1,6%, soit sa plus forte accélération depuis mars. Cette inflexion est également perceptible dans les enquêtes relatives au secteur. L'indice des directeurs d'achats pour le secteur manufacturier a ainsi franchi le seuil d'expansion de 50 pour la première fois depuis mars 2023, tiré des évaluations de production en hausse, ainsi que des attentes en termes de carnet de commandes qui s'améliorent notamment grâce au segment domestique. Si l'enquête de confiance de l'Istat confirme en partie ce constat avec la stabilisation de l'indice de confiance manufacturier à un niveau supérieur à la moyenne du T2, les projections en termes de commandes sont moins optimistes en août, mais s'améliorent à horizon à trois mois.
Du côté des services, les effets d'une consommation des ménages atone commencent à peser sur le moral des entreprises de commerce de détail qui enregistrent une baisse de confiance en août, alors même que la confiance s'améliore nettement pour les services dans leur globalité, passant de 93,5 en juillet à 95 en août. Enfin, faisant écho au ralentissement de la construction dans les comptes nationaux, la confiance des entreprises du secteur continue de se détériorer. En ce qui concerne les ménages, si le début du trimestre laissait espérer une embellie avec une reprise de la confiance en juillet, les données d'août viennent tempérer cet optimisme. Les indicateurs récents montrent un ralentissement de cette dynamique positive, avec un léger recul de la confiance des consommateurs qui touche l'ensemble de ses composantes. Le pessimisme concerne la perception qu'ont les ménages de leur environnement, mais s’exprime également par des anticipations en baisse en ce qui concerne l'activité économique, avec notamment des craintes en ce qui concerne une détérioration du marché du travail. Pour le moment, cela n'affecte que légèrement leur perception de leur situation personnelle avec des intentions d'achat de biens durables qui s'améliorent.
Les ménages ont-ils raison d'être inquiets ? Si ces évolutions en dents de scie reflètent les incertitudes persistantes concernant le pouvoir d'achat et les perspectives économiques, le marché du travail reste, quant à lui, robuste. La hausse de l'emploi se poursuit en juillet (+0,1%), entraînant une nouvelle hausse du taux d'emploi à 62,8%. La baisse du nombre de demandeurs d'emploi se poursuit également, conduisant à une nouvelle baisse du taux de chômage qui passe de 6,2% en juin à 6% en juillet. Deux données pourraient néanmoins nous alerter : tout d’abord, les sorties du marché du travail qui se concrétisent depuis des mois par la baisse du nombre d'actifs ; ensuite, la contribution plus marquée des contrats à durée déterminée à la hausse de l'emploi en juillet. D'autant que les attentes en termes d'embauche continuent de se détériorer, en particulier dans les services et le commerce de détail et la construction.
L'inflation, quant à elle, a légèrement baissé au cours du mois d'août à 1,6% après avoir plafonné à 1,7% lors des deux mois précédents. Cette décélération masque néanmoins une légère hausse de l'inflation sous-jacente qui passe de 2% à 2,1%, tirée par les services dont les prix augmentent de 2,7%. Les biens semblent avoir repris le chemin de la désinflation avec un indice des prix passant de +0,8% en juillet à +0,6%. Les prix de l'énergie continuent aussi de baisser en août à -4,4%, toujours grâce au segment de l'énergie non régulée, tandis que l'énergie régulée[1] enregistre toujours une hausse à deux chiffres mais deux fois moins importante que celle enregistrée en avril.
Notre opinion – Il est difficile de se faire une idée, de pencher vers l'optimisme ou le pessimisme. Cela semble être le lot de l'analyste depuis plusieurs mois avec des lectures de chiffres discordants qui se répètent. Le léger mieux dans l'industrie pourrait laisser penser que le cycle de baisse est terminé, mais le ralentissement du commerce extérieur risque de venir enrayer cette dynamique. En effet, si la demande domestique – tirée par l'investissement– porte la croissance, sans amélioration franche de la consommation, la pérennité de cette dernière comme moteur de croissance reste compromise. Les ménages continuent de payer les effets du choc inflationniste avec un revenu disponible réel qui s'améliore tout juste début 2025 et les perspectives en termes de salaire ne laissent pas présager une amélioration. L'autre facteur non négligeable est celui de l'incertitude, fruit d'un contexte géopolitique mouvant : droits de douane, tension sur les marchés obligataires et un redémarrage allemand qui tarde à se concrétiser sont autant de facteurs qui devraient continuer de pousser les ménages à épargner avec un taux d'épargne au sens large qui a augmenté de 60 points de base à 9,3% au T1.
Dans ce contexte, le nouveau budget se veut rassurant, d'abord vis-à-vis des investisseurs avec une intention réaffirmée de maintenir la trajectoire budgétaire et de sortir au plus vite de la procédure de déficit excessif, mais aussi vis-à-vis des Italiens en proposant un soutien à la classe moyenne par la réforme de l'IRPEF. Cela sera-t-il suffisant ? Cela reste à voir.
Article publié le 12 septembre 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine
[1] L'énergie régulée ("mercato tutelato") désigne les tarifs d'électricité et de gaz fixés trimestriellement par l'ARERA pour les consommateurs n'ayant pas basculé vers le marché libre, système en extinction progressive (échéance juillet 2024). L'énergie non régulée comprend les produits pétroliers (carburants, combustibles) aux prix librement déterminés par le marché et les contrats d'énergie souscrits sur le "mercato libero" où les fournisseurs définissent leurs offres commerciales sans contrainte tarifaire réglementaire.

Les ménages continuent de payer les effets du choc inflationniste avec un revenu disponible réel qui s'améliore tout juste début 2025 et les perspectives en termes de salaire ne laissent pas présager une amélioration. L'autre facteur non négligeable est celui de l'incertitude, fruit d'un contexte géopolitique mouvant : droits de douane, tension sur les marchés obligataires et un redémarrage allemand qui tarde à se concrétiser sont autant de facteurs qui devraient continuer de pousser les ménages à épargner avec un taux d'épargne au sens large qui a augmenté de 60 points de base à 9,3% au T1.
Sofia TOZY, Economiste, Italie et Pays scandinaves