Parole de banques centrales ‒ BOE : vers une pause de l’assouplissement monétaire ?

Parole de banques centrales ‒ BOE : vers une pause de l’assouplissement monétaire ?

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La banque centrale d’Angleterre (BoE) a laissé son taux directeur inchangé à 4% à la suite de sa réunion de politique monétaire de septembre, en ligne avec les anticipations. La décision a été prise à sept voix contre deux, les « colombes » Swati Dhingra et Alan Taylor ayant préféré une baisse de 25 points de base (pdb). 

Également en ligne avec les anticipations, la BoE a décidé de diminuer le montant du programme d’assouplissement quantitatif (quantitative tightening ou QT) à 70 milliards de livres sterling pour les douze mois à venir (octobre 2025 à septembre 2026) contre 100 milliards pour les douze mois précédents, dans le cadre de son processus annuel de décision. Le stock de titres s’établirait donc à 488 milliards de livres sterling fin septembre 2026, contre 558 milliards en septembre 2025 et contre un plus haut de 895 milliards en 2022. Les titres arrivant à maturité étant de moindre ampleur au cours de l’année à venir, la décision implique néanmoins une hausse du montant des ventes de titres d’État (gilts) à 21 milliards de livres, contre 13 milliards en 2024-2025. Afin de diminuer les pressions sur les taux longs, la BoE va diminuer la proportion de ventes de titres à maturité longue au cours de l’année à venir (20% du total, soit environ 4 milliards de livres sterling). Plus concrètement, les ventes vont être distribuées comme ceci : 40% de titres courts, 40% de titres à maturité moyenne et 20% de titres longs.

Le taux directeur a été réduit pour la cinquième fois et dernière fois au mois d’août, de 25 pdb, suivant un processus d’assouplissement monétaire graduel à fréquence trimestrielle. Les données économiques au cours de l’été avaient généralement surpris à la hausse, à la fois sur le front de la croissance et sur celui de l’inflation, conduisant la BoE à changer de tonalité au mois d’août. Elle a souligné ses inquiétudes concernant la hausse des anticipations d’inflation et les risques d’effets de second tour sur les prix et les salaires qui pourraient en découler. Cela a conduit les marchés à corriger fortement leurs anticipations de taux pour ne plus anticiper de baisses cette année, notamment lors de la réunion du 6 novembre prochain, lorsque la BoE publiera ses prochaines prévisions dans son rapport de politique monétaire. 

La tonalité de la BoE, lors de la réunion de septembre, nous semble en ligne avec celle, prudente, de la réunion d’août. Dans ses « minutes » de la réunion de septembre, la BoE indique que « le Monetary Policy Committee (MPC) reste vigilant face au risque que l’augmentation temporaire de l'inflation puisse exercer une pression supplémentaire à la hausse sur les salaires et les prix, notamment à travers l'évolution d'éléments saillants, tels que les prix des produits alimentaires, alors que l'inflation totale devrait probablement rester au-dessus de l'objectif de 2% plus longtemps que prévu dans les prévisions de mai. Certains indicateurs relatifs aux anticipations d'inflation ont également continué d’augmenter au cours des derniers mois, et le MPC s’est concentré sur l'ampleur avec laquelle cela pourrait entraîner de nouveaux effets de second tour. En général, les risques à la hausse concernant les pressions inflationnistes à moyen terme sont demeurés prépondérants dans l'évaluation du Comité. »

Concernant la conduite de la politique monétaire à venir, la BoE n’a pas opéré de changement de langage : « une approche progressive et prudente du retrait supplémentaire de la contrainte monétaire restait appropriée ». Comme précédemment, « la politique monétaire n'était pas sur un chemin prédéfini » ; le moment et le rythme des futures baisses de taux dépendraient de l'ampleur avec laquelle les pressions désinflationnistes sous-jacentes continueraient de s'atténuer. Des baisses de taux devraient donc intervenir dans le futur ; mais, fidèle à elle-même, la BoE garde toute sa flexibilité.  

Les minutes de la réunion de septembre ont noté l’amélioration récente des enquêtes auprès des entreprises (notamment un PMI composite à 53,5 en août, suggérant une accélération de la croissance tirée par le secteur des services). Ce rebond du climat des affaires intervient après une première moitié de l’année qui a surpris largement à la hausse en termes de croissance (avec une hausse du PIB de 0,3% au T2 en variation trimestrielle contre 0,1% anticipé et après +0,7% au T1). La BoE anticipe désormais une croissance de la demande domestique de l’ordre de 0,25% par trimestre en moyenne au second semestre. Elle prévoit une croissance du PIB de 0,4% au troisième trimestre, en tenant compte du rebond des exportations après la signature de l’accord commercial américano-britannique (+20% sur le mois de juillet). Ce sont certes des rythmes de croissance encore bas, mais l’économie n’est plus jugée en stagnation et il s’agit là d’un changement significatif d’appréciation de la part de la BoE. Elle note tout de même que les risques domestiques et géopolitiques liés à l'activité économique demeurent. Bien que la croissance mondiale ait jusqu'à présent été résiliente, les risques liés à la politique commerciale de D. Trump demeurent, mais pourraient mettre plus de temps à se concrétiser.

Le marché du travail a continué de se détendre, mais sans signes de détérioration marquée. Les postes vacants ont continué de baisser, mais moins vite que précédemment, et le ratio des postes vacants sur le nombre de chômeurs (la mesure privilégiée de détente du marché du travail) a poursuivi sa baisse sous son niveau d’équilibre. Le taux de chômage s’est stabilisé à 4,7%. La croissance des salaires dans le privé est toujours élevée, mais diminue comme prévu, à 4,7% en juillet contre 4,8% en juin. Les indicateurs sur les anticipations de salaires et de négociations salariales continuent d’indiquer une modération significative à venir de la croissance des salaires, vers 3,8% d’ici la fin de l’année. Malgré la modération de la croissance des salaires, la hausse des cotisations patronales à la sécurité sociale (Employer National Insurance Contributions) mise en place par le gouvernement en avril dernier devrait retarder la baisse de la croissance des coûts de travail à l’année prochaine. 

Après avoir surpris à la hausse au cours des quatre mois à fin juillet, l’inflation des prix à la consommation (indices CPI publiés la semaine dernière) est ressortie en ligne avec les anticipations à 3,8% au mois d’août, stable par rapport à juillet, un rythme toujours bien supérieur à la cible de 2%. Il est en outre supérieur au seuil de 3%, déclenchant l’échange de lettres entre le gouverneur de la BoE et le chancelier de l’Échiquier. L’inflation sous-jacente baisse à 3,6%, contre 3,8% sur un an en juillet, également en ligne avec les prévisions du rapport de politique monétaire de la BoE du mois d’août. C’est surtout dû à l’inflation toujours soutenue dans les services (4,7% sur un an en août), elle-même liée à la croissance élevée des salaires et à la hausse des cotisations patronales et du salaire minimum en avril. En outre, l’énergie contribue désormais positivement au taux d’inflation en raison d’effets de base défavorables, mais aussi des hausses des prix administrés. L’inflation alimentaire accélère pour le cinquième mois consécutif, à 5,3%, et figure parmi les préoccupations de la BoE en termes de risque sur les anticipations d’inflation des ménages. 

Au mois d’août, la BoE avait révisé à la hausse ses prévisions d’inflation (+30 pdb à 3,60% au T4 2025, +40 pdb à 2,5% au T4-2026) en raison d’une inflation réalisée plus forte que prévu, mais aussi à une inflation alimentaire anticipée plus soutenue. La BoE avait alors jugé que les risques haussiers autour des perspectives à moyen terme avaient augmenté légèrement par rapport à ses prévisions de mai. C’était en partie lié au risque d’effets de second tour sur les pressions inflationnistes domestiques. 

L’inflation a atteint 3,5% au T2, contre 2,8% au T1, en raison de la hausse des prix administrés au mois d’avril (électricité, gaz, eau), d’une hausse des prix alimentaires et d’une inflation des services toujours élevée, en raison d’une croissance des salaires soutenue et de l’augmentation en avril des cotisations patronales. La BoE prévoit un pic de l’inflation CPI à près de 4% en septembre (en ligne avec nos prévisions), suivi par une baisse graduelle vers sa cible de 2%. En revanche, celle-ci ne serait atteinte que vers le milieu de 2027.

Notre opinion

Il n’y avait pas vraiment de suspense concernant la réunion de politique monétaire de la BoE du mois de septembre, que ce soit pour le niveau du taux directeur ou pour le montant annuel des ventes d’actifs. Mais la communication de la BoE était importante pour les indications qu’elle donnait sur la trajectoire à venir des taux à court terme. Après la réunion d’août, lorsque la BoE a adopté une tonalité clairement plus hawkish, les marchés ont révisé à la hausse leurs anticipations de taux pour tabler sur une pause dans l’assouplissement monétaire, notamment lors de la prochaine réunion du 6 novembre. 

Il nous semble que la BoE n’est pas allée à l’encontre de ces anticipations, mais s’est gardée de fermer la porte à une éventuelle baisse de taux en novembre, en maintenant son guidage habituel, à savoir une « approche progressive et prudente » dans le retrait de la restriction monétaire. Cependant, la phrase-clé des minutes est celle où la BoE indique que les risques haussiers entourant les perspectives d’inflation à moyen terme restaient « prépondérants » dans l’analyse du comité. Avec des risques baissiers, liés à la détente en cours du marché du travail, jugés « non immédiats », les conditions économiques devraient permettre à la BoE de maintenir le statu quo sur les taux pendant cette période temporaire d’accélération de l’inflation. 

Nous allons changer notre scénario sur la BoE lors de notre prochaine publication trimestrielle du scénario global, pour décaler la prochaine baisse de taux au mois de février prochain. La BoE aura alors intégré dans ses prévisions les inévitables hausses d’impôts et de taxes à venir (budget de l’automne du 26 novembre) et l’inflation devrait avoir entamé une trajectoire descendante.

Article publié le 19 septembre 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

Parole de banques centrales ‒ BOE : vers une pause de l’assouplissement monétaire ?

Après la réunion d’août, lorsque la BoE a adopté une tonalité clairement plus hawkish, les marchés ont révisé à la hausse leurs anticipations de taux pour tabler sur une pause dans l’assouplissement monétaire, notamment lors de la prochaine réunion du 6 novembre. Il nous semble que la BoE n’est pas allée à l’encontre de ces anticipations, mais s’est gardée de fermer la porte à une éventuelle baisse de taux en novembre, en maintenant son guidage habituel, à savoir une « approche progressive et prudente » dans le retrait de la restriction monétaire. Cependant, la phrase-clé des minutes est celle où la BoE indique que les risques haussiers entourant les perspectives d’inflation à moyen terme restaient « prépondérants » dans l’analyse du comité.

Slavena NAZAROVA, Economiste - Royaume-Uni, États-Unis, Irlande