Afrique sub-saharienne – Un espace au cœur des stratégies des grandes puissances

Afrique sub-saharienne – Un espace au cœur des stratégies des grandes puissances

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Ce début d’année a été marqué par la tournée africaine du ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Yi, au cours de laquelle il s’est rendu au sein de deux pays sub-sahariens, à savoir le Togo et la Côte d’Ivoire. Or, la diplomatie chinoise a la réputation de ne rien laisser au hasard et cette tournée symbolique cache, derrière elle, un projet politique et économique. D’une part, l’Afrique représente un bastion de votes stratégiques au sein des enceintes internationales dans un contexte de confrontation avec le monde occidental. D’autre part, les échanges extérieurs ne tirent plus la croissance du pays et la Chine tente de préserver les ʺNouvelles Routes de la soie" promues par Xi Jinping, dont l’Afrique est devenue un segment clé.

Quelques jours après la tournée de Wang Yi en Afrique, ce fut au tour de Antony Blinken, secrétaire d’État américain, d’insister sur la volonté de l’administration américaine à nouer des partenariats de long terme plutôt que de privilégier des projets tape-à-l’œil, une allusion aux grands projets d'infrastructures de la Chine sur le continent ou aux alliances de circonstance que la Russie entretient avec des régimes issus de coups d'État. Dans cette mesure, Antony Blinken s’est rendu au Cap Vert, au Nigéria, en Angola et, tout comme son homologue chinois, en Côte d’Ivoire : ce dernier n'ayant pu se rendre en Afrique du Sud, qui a intenté une procédure devant la Cour de justice internationale contre Israël. Dans un contexte de glissement de la menace djihadiste du Sahel vers le nord des pays du golfe de Guinée, les enjeux de cette tournée étaient sécuritaires. Pour autant, cette tournée américaine avait aussi pour objectif de renouveler l'engagement de long terme des États-Unis en Afrique, un continent où la Chine mais aussi la Russie étendent leur influence.

En effet, le rapprochement du Tchad avec la Russie, illustré par la récente rencontre entre le président tchadien Mahamat Idriss Déby et Vladimir Poutine à Moscou, est le parfait symbole de l’influence russe grandissante au Sahel. Par ailleurs, depuis le renversement de Mohamed Bazoum et l’arrivée au pouvoir d’une junte qui se détourne de ses alliés occidentaux, le Niger a convenu de développer de nouveaux liens militaires avec la Russie. Or, si les États-Unis disposent toujours d’une base à Djibouti, face à la mer Rouge, les emprises de Niamey et d’Agadez, au Niger, constituaient jusque-là les principales plateformes de décollage de leurs drones et de leurs avions, chargés de traquer les réseaux djihadistes allant du sud libyen au Sahel, en passant par le Soudan. Plus généralement, le Niger, tout comme le Burkina Faso et le Mali, dans le cadre de leur alliance du Sahel, se sont rapprochés de Moscou.

L’Iran, à cet égard, a tenu à saluer "la résistance de ces pays africains face aux politiques hégémoniques européennes et au colonialisme".

En Europe, Giorgia Meloni a inauguré, cette semaine, un sommet intitulé "Italie-Afrique : un pont pour une croissance commune". Doté de "ressources naturelles à valoriser et de flux migratoires à juguler", le continent africain est au cœur de tous les discours de politique étrangère de la présidente du Conseil des ministres italien. Ce plan de développement, à hauteur de 5,5 milliards d’euros, vise à la création d’emplois et d’opportunités en Afrique, afin de décourager la migration illégale à travers la mer Méditerranée. Ce plan comprend, en outre, des projets pilotes dans des domaines clés tels que l'éducation, la santé, l'eau, l'assainissement, l'agriculture et les infrastructures énergétiques. Contrairement à la France, en recul sur le continent, l’Italie souhaite se poser en facilitateur des relations euro-africaines. Pour la dirigeante, la géographie autant que la politique prédisposent la péninsule italienne à devenir un pont entre les deux continents, cette idée étant complétée au passage par une aspiration très concrète à faire de l’Italie un hub entre les ressources énergétiques africaines et les marchés européens.

Article publié le 2 février 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

Afrique sub-saharienne – Un espace au cœur des stratégies des grandes puissances

L’Afrique sub-saharienne risque, cette année particulièrement, d’être le théâtre de luttes d’influence entre les plus grandes puissances. Les récents retraits du Niger, du Burkina Faso et du Mali de la CEDEAO risquent, dans cette perspective, de matérialiser un fossé croissant entre les gouvernements élus alliés de l’Occident et les pays dirigés par l’armée qui dépendent de plus en plus de la Russie.

Thomas MORAND, Economiste (alternant)