France – L’Insee table sur une croissance modérée au premier semestre

France – L’Insee table sur une croissance modérée au premier semestre

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L’Insee a publié mercredi dernier son point de conjoncture de février. D’après les indicateurs conjoncturels, la situation reste contrastée en France début 2024, mais elle s’éclaircirait au cours du premier semestre. L’Insee prévoit ainsi la poursuite de la désinflation et le retour d’une croissance modérée à cet horizon (+0,2% par trimestre), qui serait portée par la consommation, mais freinée par l’investissement. L’acquis de croissance1 pour 2024 s’établirait ainsi à +0,5% à l’issue du deuxième trimestre.

L’Insee dresse tout d’abord le bilan de la fin d’année 2023, avec une croissance atone à la fois en France et en zone euro sur les deux derniers trimestres, contrastant avec le dynamisme de l’activité outre-Atlantique. La France a toutefois échappé au pire, alors que l’Allemagne a connu une baisse de l’activité au quatrième trimestre (-0,3%) et une récession sur l’année (-0,1% de croissance CJO corrigée des jours ouvrés). L’Espagne a de son côté poursuivi son rattrapage et est la seule parmi les grands pays de la zone euro à pouvoir se targuer d’avoir fait aussi bien que les États-Unis, avec une croissance de 2,5% en 2023.

En France, la demande intérieure, qui s’était redressée au troisième trimestre, s’est contractée au quatrième trimestre 2023, sous l’effet d’une nouvelle baisse de l’investissement des ménages et d’un repli de celui des entreprises. La consommation des ménages s‘est elle aussi repliée après un rebond au troisième trimestre, mais plus légèrement. Sur le plan intérieur, seules les dépenses des administrations publiques ont donc légèrement soutenu l’activité. Le commerce extérieur a pour sa part nettement contribué à la croissance au quatrième trimestre. En revanche, le déstockage a fortement pesé sur la croissance. Sur l’ensemble de l’année 2023, la croissance (+0,9% après +2,5% en 2022) a été fortement dopée par celle du deuxième trimestre (+0,7%). La stabilité de l’activité au dernier trimestre avait été anticipée par l’Insee dans sa note de conjoncture de décembre.

D’après l’Insee, le processus de désinflation devrait se poursuivre au cours du premier semestre 2024. Au sens de l’indice des prix à la consommation, l’inflation serait ainsi proche de 2,5% en glissement annuel à partir du mois de février, après 3,1% en janvier selon les résultats provisoires. La décrue de l’inflation alimentaire se poursuivrait ainsi sur un an, ce dont attestent d’ailleurs les indicateurs avancés. Les prix des produits manufacturés décélèreraient également, et ne contribueraient presque plus à l’inflation en prévision. En revanche, l’inflation des services se maintiendrait autour de 3% et les prix de l’énergie accélèreraient sur un an, sous l’effet notamment de la hausse des taxes sur l’électricité au 1er février, ce qui soutiendrait l’inflation.

En janvier 2024, les enquêtes de conjoncture font état d’une situation mitigée. L’indicateur synthétique de climat des affaires se trouve légèrement en-deçà de sa moyenne de long terme, et le climat de l’emploi est passé sous sa moyenne de longue période. Cette situation est toutefois contrastée au sein des différentes branches de l’industrie, avec une conjoncture particulièrement dégradée dans l’agro-alimentaire, alors qu’elle reste par exemple favorable dans les matériels de transport. La confiance des ménages demeure basse, mais s’est nettement améliorée depuis un an et demi. La baisse de l’inflation ainsi que des salaires et prestations sociales dynamiques permettraient par ailleurs des gains de pouvoir d’achat. La croissance devrait ainsi repartir au premier semestre 2024 avec pour principal moteur la consommation des ménages. La consommation alimentaire rebondirait notamment, tout comme celle d’énergie après un automne clément. L’investissement des entreprises et des ménages serait en revanche toujours pénalisé par le resserrement des conditions financières au premier semestre, et le secteur de la construction pâtirait tout particulièrement du repli de l’investissement des ménages. En définitive, la croissance serait modérée au premier et deuxième trimestres (+0,2% par trimestre), et l’acquis de croissance pour 2024 s’élèverait à +0,5% à mi-année.

Le scénario de l’Insee est soumis à des aléas, notamment externes avec l’évolution des tensions géopolitiques, mais aussi de la conjoncture allemande. Des incertitudes demeurent également concernant la demande intérieure, en matière de comportement d’épargne des ménages et d’impact du resserrement monétaire sur l’investissement.

Notre opinion – Comme nous, l’Insee prévoit un rebond de la croissance au premier semestre 2024 porté par la consommation des ménages, avec en filigrane une poursuite du phénomène de désinflation combinée à des salaires dynamiques. Le diagnostic sur l’investissement, avec des perspectives dégradées à cet horizon, semble aussi en ligne avec le nôtre. Le scénario de l’Insee est toutefois plus pessimiste que le nôtre, avec un acquis de croissance à mi-année de 0,5%, contre près de 0,7% dans notre scénario. Il est en revanche difficile d’établir précisément les raisons de cet écart, car l’Insee ne publie pas le détail des prévisions par composante dans ses points de conjoncture.

La prévision de croissance de l’Insee pour le premier trimestre (+0,2%, contre +0,3% dans notre scénario) est compatible avec la toute dernière prévision de la Banque de France (entre +0,1% et +0,2%), réalisée à l’occasion de la publication vendredi dernier des résultats de son enquête de conjoncture de début février. Cette prévision tient compte des résultats de l’enquête pour le mois de janvier, mais les éléments pour le mois de février ne sont à ce stade que des prévisions de la part des chefs d’entreprises, qui pourront être révisées, et la croissance dépendra également de l’évolution au mois de mars.

Enfin, la publication par la Dares des résultats provisoires concernant les salaires de base du dernier trimestre 2023 ce vendredi renforce l’anticipation d’un rebond à venir de la consommation des ménages, avec des salaires nominaux certes en décélération sur un an, mais qui progressent enfin en termes réels.

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1 L’acquis de croissance correspond à la croissance annuelle qui se réaliserait dans le cas d’une croissance nulle sur le reste de l’année.

Article publié le 9 février 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine