France – Le taux d’endettement des agents non financiers est-il préoccupant ?

France – Le taux d’endettement des agents non financiers est-il préoccupant ?

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La Banque de France a publié le taux d’endettement des agents non financiers au troisième trimestre 2023, proposant une comparaison avec les autres grands pays développés. Les ratios d’endettement apparaissent ainsi élevés en France par rapport aux autres grandes économies de la zone euro, pour le secteur privé comme pour les administrations publiques. La France ressort toutefois dans une position intermédiaire dans une comparaison plus étendue intégrant le Royaume-Uni, les États-Unis et le Japon.

L’endettement des ménages s’établit à près de 63% du PIB en France. Ce niveau est supérieur à celui des autres grands pays de la zone euro (autour de 50% en Allemagne et en Espagne, et de 40% en Italie), mais se révèle en-deçà de celui du Royaume-Uni (80%). Il est par ailleurs inférieur aux taux japonais (66%) et états-unien (100%). Rapporté au revenu disponible brut (RDB) des ménages et non au PIB, l’endettement des ménages s’élève à 96% en France, là aussi au-dessus de celui prévalant dans les autres grandes économies de la zone euro, mais nettement plus faible que celui du Japon (117%), du Royaume-Uni (123%) et des États-Unis (131%).

Pour les sociétés non financières (SNF), l’endettement brut est de 78% du PIB en France, soit plus que dans les autres grands pays européens (proche de 50% en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni, et à 60% en Espagne) et aux États-Unis (50%). Il demeure nettement en-deçà du taux japonais (102%). Toutefois, en déduisant de l’endettement des SNF leur trésorerie disponible, l’endettement dit ʺnetʺ reste plus élevé en France (39% du PIB) que dans les autres pays européens, mais dans une bien moindre mesure (il s’établit autour de 30% dans les trois autres grandes économies de la zone euro et de 20% au Royaume-Uni). La dette nette des SNF en France est en outre proche de celle aux États-Unis (35%) et au Japon (41%).

Le taux d’endettement des administrations publiques (APU) est également élevé en France (près de 112% du PIB au troisième trimestre 2023), nettement supérieur en particulier à celui de l’Allemagne (65%) et au seuil de Maastricht de 60%, censé assurer la soutenabilité de la dette publique. Au sein des grandes économies de la zone euro, seule l’Italie a une dette publique plus importante (près de 141% du PIB). Comme déjà évoqué à plusieurs reprises en matière de taux d’endettement dans cet article, les États-Unis et le Japon font ʺpireʺ que la France.

Notre opinion – Le taux d’endettement élevé des agents non financiers en France pourrait être un problème compte tenu de la hausse des taux d’intérêt de ces deux dernières années. Les agents économiques en besoin de financement sont en effet les plus affectés, car le coût de financement marginal auquel ils font face a beaucoup augmenté et le resserrement des conditions de financement peut occasionner des difficultés à obtenir un nouveau prêt bancaire. La France bénéficie toutefois d’une caractéristique protectrice, avec une part des prêts à taux variable particulièrement faible en comparaison internationale, notamment par rapport aux autres grands pays de la zone euro. Le coût de financement moyen (ou service de la dette) y augmente de ce fait nettement moins que le coût de financement des nouveaux emprunts, ce qui limite les risques de défaut des agents sur leur dette et in fine les risques pour le système financier. En outre, dans le cadre de l’épisode inflationniste récent, les débiteurs (nets) se sont plutôt retrouvés gagnants, quand les créanciers (nets) sont sortis perdants. Pour les débiteurs (emprunteurs nets), la valeur nominale de la dette est en effet fixe mais sa valeur réelle a diminué, quand les revenus (salaires, profits) ont eux été dynamiques. Pour les créanciers, la valeur réelle (son pouvoir d’achat) du patrimoine a diminué, venant amoindrir ce qu’ils peuvent en tirer. Les ménages français, plus fortement endettés que leurs homologues des grands pays européens, ont donc sans doute davantage bénéficié de cet effet redistributif.

Sans doute par crainte d’une dégradation de la note de la France par les agences de notation, il a toutefois cherché à contrecarrer cet effet négatif sur les finances publiques avec l’annulation de 10 milliards d’euros de dépenses passée par décret cette semaine, éborgnant au passage une partie de ses engagements en matière de transition écologique (-2,2 Mds€ dont 1 Md€ sur MaPrimeRénov’ et 400 M€ sur le Fonds vert), mais aussi d’emploi (‑1,1 Md€) et d’enseignement supérieur (-900 M€). De quoi douter un peu plus de la promesse gouvernementale d’un taux de chômage à 5% à horizon 2027. Reste à savoir si le jeu en valait la chandelle, c’est-à-dire si, d’une part, cela convaincra les agences de notation, et si, d’autre part, il est bien judicieux de réduire les dépenses publiques à un moment où la croissance patine.

France – Le taux d’endettement des agents non financiers est-il préoccupant ?

Le taux d’endettement élevé des agents non financiers en France pourrait être un problème compte tenu de la hausse des taux d’intérêt de ces deux dernières années. Les agents économiques en besoin de financement sont en effet les plus affectés, car le coût de financement marginal auquel ils font face a beaucoup augmenté et le resserrement des conditions de financement peut occasionner des difficultés à obtenir un nouveau prêt bancaire. La France bénéficie toutefois d’une caractéristique protectrice, avec une part des prêts à taux variable particulièrement faible en comparaison internationale, notamment par rapport aux autres grands pays de la zone euro.

Marianne PICARD, Economiste - France, Belgique et Luxembourg