L'économie britannique est tombée en récession au T4-2023. L'inflation stable à 4% en janvier

L'économie britannique est tombée en récession au T4-2023. L'inflation stable à 4% en janvier

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Le Royaume-Uni termine l'année 2023 sur une note décevante : selon la première estimation de l'ONS, le PIB du T4 s'est contracté de 0,3% en variation trimestrielle après -0,1% au T3 (chiffre non révisé), un résultat plus mauvais que prévu puisque le consensus tablait sur une baisse plus modeste, de 0,1%, du PIB (0% pour nous). L'économie enregistre donc une récession technique, définie par au minimum deux trimestres consécutifs de baisse du PIB réel.

La surprise est due principalement à une forte chute des exportations (-2,9% sur le trimestre) qui, combinée à une baisse des importations de moindre ampleur (-0,8%), implique une contribution de -0,6 point de pourcentage (pp) du solde extérieur à la croissance. Selon l'ONS, la baisse des exportations s'explique par une chute de 6% des exportations de services, en particulier des services aux entreprises (activités de conseil en comptabilité, juridique et gestion, publicité, recherche de marché et sondages d'opinions publiques, voyages), tandis que les exportations de biens ont progressé (+0,8% sur le trimestre).

La demande intérieure, quant à elle, est nettement plus solide que prévu : elle progresse de 0,3% au lieu de se contracter (-0,2% anticipé) et contribue pour 0,3 pp à la croissance. C'est grâce à la formation brute de capital fixe qui rebondit de 1,4% après une baisse de 1,4% au T3, portée par l'investissement en véhicules, en équipements informatiques et en autres bâtiments et structures. L'investissement productif surprend favorablement, avec une hausse de 1,5% sur le trimestre contre des anticipations de repli. En revanche, l'investissement immobilier a continué de se contracter (-1,3%), pour le cinquième trimestre consécutif, pénalisé par les taux d'intérêt élevés. La consommation des ménages quant à elle est plus en ligne avec nos anticipations, accusant un repli modeste de 0,1%, au lieu d'une stabilité, après toutefois une baisse de 0,9% au T3, révisée à la hausse (-0,5% dans l'estimation précédente). Les variations de stocks contribuent pour +0,5 pp à la croissance après -0,3 pp au T3. Enfin, le secteur public contribue de manière mitigée à la croissance, la consommation se réduisant de 0,3%, tandis que l'investissement accélère à +5,8% après +3,9% au T3. Au total, l'État apporte une légère contribution positive de 0,1 pp à la croissance.

En termes de décomposition par output, chacun des trois principaux secteurs contribue négativement à la croissance : les services baissent de 0,2% (après -0,2% au T3), l'industrie de 1% (après +0,1% au T3) et la construction de 1,3% (après +0,1% au T3).

Sur l'ensemble de l'année, la croissance du PIB est quasi nulle : +0,1% en moyenne annuelle, après +4,3% en 2022, et contre une prévision de +0,3%. Il s'agit de la plus mauvaise performance enregistrée depuis 2009, hormis l'année 2020. Elle s'explique par un net ralentissement de la demande intérieure. La crise du pouvoir d'achat et la hausse des taux d'intérêt ont pesé sur la consommation des ménages et sur l'investissement privé. La consommation des ménages ne progresse que de 0,3% après 4,8% en 2022. L'investissement immobilier chute de 5,2% après une hausse de plus de 10% en 2022. L'investissement productif parvient à enregistrer une croissance positive, bien qu'en décélération, à 6,1% après 9,6% en 2022, grâce à des mesures fiscales généreuses au cours de la première moitié de l'année. La formation brute de capital fixe a augmenté de 2,9% après 8% en 2022 et les variations de stocks contribuent pour -0,9 pp après +1 pp en 2022.  

Une croissance plus faible que prévu n'est pas contradictoire avec les résultats également plus faibles qu'anticipé de l'inflation ces derniers mois. Après avoir surpris à la baisse en décembre (à 4% en variation sur un an), l'inflation CPI s'est stabilisée en janvier (-0,6% en variation mensuelle). Les anticipations tablaient sur un léger rebond (consensus : 4,1%) en raison d'effets de base défavorables et d'une hausse des prix de l'énergie, notamment du fait de la révision à la hausse des plafonds des prix d'énergie par le régulateur Ofgem en janvier. L'inflation sous-jacente se stabilise également, à 5,1% (consensus : 5,2%), pour le troisième mois consécutif (-0,9% en variation mensuelle). L'inflation des biens ralentit à 1,8% (un plus bas depuis avril 2021) après 1,9% en décembre, mais l'inflation des services augmente légèrement à 6,5%, pour le deuxième mois consécutif, après 6,4% en décembre.  

La stabilisation du taux d'inflation en janvier s'explique par le fait que les contributions positives, essentiellement de la composante services au logement (tels que gaz, électricité et eau) et de la composante transport, de 0,18 pp et 0,11 pp respectivement, ont été compensées par des contributions négatives des autres composantes, notamment les équipements ménagers et l'alimentaire (-0,13 pp et -0,11 pp respectivement). Le taux d'inflation de la composante services au logement est passé de -3,4% à -2,1%, ce qui s'explique principalement par l'augmentation des prix du gaz et de l'électricité (6,8% et 4% respectivement sur le mois). En ce qui concerne la composante transport, son taux d'inflation est passé de -1,1% à -0,3%, principalement en raison d'une hausse des prix des voitures d'occasion (1,5% sur le mois), partiellement compensée par une baisse des tarifs aériens (-39% sur le mois).  

Les données du marché du travail pour le dernier trimestre, incorporant de nouveau les résultats de l'enquête Labour Force Survey qui avait été suspendue par l'ONS depuis juillet, ont révélé un marché du travail plus tendu qu'anticipé, avec un taux de chômage en baisse à 3,8% (après 3,9% en novembre), un plus bas depuis un an, et une croissance des salaires à 6,2% après 6,7% en novembre (chiffre révisé à la hausse). Le taux de chômage s'inscrit en baisse depuis juin contrairement aux données expérimentales qui indiquaient un taux de chômage stable à 4,2% depuis juin.  

Enfin, les ventes au détail du mois de janvier 2024 sont venues compléter le tableau conjoncturel de l'économie britannique. Elles ont progressé de 3,4% en volume, effaçant la baisse record enregistrée en décembre (-3,3%) et retrouvent leur niveau de novembre. Les ventes au détail restent faibles en tendance, progressant de seulement 0,7% sur un an. Les consommateurs dépensent toujours plus pour acheter moins : les ventes au détail se situent 19% au-dessus de leur niveau prépandémique en valeur contre 1,3% en-dessous en volume.

NOTRE OPINION – En dépit de la surprise du chiffre de croissance totale (qui pourra être révisé), l'analyse des composantes du PIB est plutôt rassurante quant à l'état de la demande intérieure. Certes, la consommation des ménages enregistre deux trimestres consécutifs de repli, mais la baisse au T4 est modeste. L'investissement productif et la variation de stocks surprennent positivement. En outre, les PMI de janvier indiquent une accélération de l'activité et de la demande, que le rebond des ventes au détail en janvier tend à confirmer. Si l'amélioration du climat des affaires se poursuivait dans les prochains mois, la croissance du T1-2024 pourrait surprendre positivement par rapport à notre prévision d'un rebond modeste de 0,1% en variation trimestrielle. L'acquis de croissance pour 2024 est de -0,3%, mais il ne remet pas en question notre prévision d'une croissance annuelle de 0,3% en 2024.

Côté prix, la stabilisation à la fois du taux d'inflation total et du taux d'inflation sous-jacent en janvier malgré la hausse des prix de l'énergie est une bonne nouvelle. Six composantes sur douze ont vu leur taux d'inflation chuter, trois (loisirs, éducation, hôtels et restaurants) se stabiliser et trois augmenter. Parmi les composantes où la désinflation se poursuit se trouvent les équipements ménagers (à 0,4% après 2,5% en décembre et contre un pic à 10,7% en septembre 2022), l'alimentaire et les boissons (à 7% après 8% en décembre et contre un pic à 19% en mars 2023), le textile (à 5,6% après 6,4% en décembre et contre un pic à près de 10% début 2022).

Une inflation moins élevée que prévu en décembre et en janvier pousse vers le bas nos prévisions qui intègrent à présent une forte décélération au cours des prochains mois, avec une inflation à 2% dès le mois d'avril et un plongeon sous la cible de 2% en juin (à 1,5%). Au second semestre, l'inflation réaccélèrerait mais resterait proche de la cible. Un retour soutenable à la cible semble donc devenu plus probable.

En termes d'implications pour la politique monétaire, la BoE anticipait également un taux d'inflation CPI à 4,1% en janvier. Néanmoins, pour la majorité du MPC, ce sont les indicateurs de pressions inflationnistes domestiques qui pèsent le plus dans la décision de politique monétaire. Or, le marché du travail apparaît toujours particulièrement tendu et la croissance des salaires, bien qu'en baisse, reste soutenue et plus forte que dans les autres pays avancés. De plus, le gouvernement a annoncé une hausse de près de 10% du salaire minimum en avril et un relèvement de plus de 40% des plafonds des salaires pour les travailleurs immigrés, ce qui pourrait conduire à une croissance des salaires plus forte qu'anticipé. Tant que ce risque n'est pas dissipé, la BoE devrait rester prudente. Notre scénario central continue de tabler sur une première baisse de taux en août prochain.  

Article publié le 16 février 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

L'économie britannique est tombée en récession au T4-2023. L'inflation stable à 4% en janvier

En dépit de la surprise du chiffre de croissance totale (qui pourra être révisé), l'analyse des composantes du PIB est plutôt rassurante quant à l'état de la demande intérieure. Certes, la consommation des ménages enregistre deux trimestres consécutifs de repli, mais la baisse au T4 est modeste. L'investissement productif et la variation de stocks surprennent positivement. Les PMI de janvier indiquent une accélération de l'activité et de la demande, que le rebond des ventes au détail en janvier tend à confirmer. Si l'amélioration du climat des affaires se poursuivait dans les prochains mois, la croissance du T1-2024 pourrait surprendre positivement par rapport à notre prévision d'un rebond modeste de 0,1% en variation trimestrielle. L'acquis de croissance pour 2024 est de -0,3%, mais il ne remet pas en question notre prévision d'une croissance annuelle de 0,3% en 2024.

Slavena NAZAROVA, Economiste - Royaume-Uni, Pays scandinaves et Irlande