Parole de banques centrales – La BoE examine la question du calendrier de l'assouplissement à venir, mais ne semble pas aussi pressée que les marchés

Parole de banques centrales – La BoE examine la question du calendrier de l'assouplissement à venir...

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Sur fond de baisse plus forte qu'anticipé de l'inflation des prix à la consommation, la Bank of England (BoE) a laissé son taux directeur inchangé à 5,25% (comme largement anticipé) à l'issue de sa réunion de politique monétaire du 1er février et a indiqué examiner la question du moment opportun de la prochaine baisse des taux. Le Comité de politique monétaire (MPC) reste divisé : deux membres (Catherine L. Mann et Jonathan Haskel) ont voté pour une hausse de taux supplémentaire de 25 points de base (contre trois en décembre) et un membre (Swati Dhingra) a voté pour une baisse de 25 points de base à 5%. Le partage des votes au sein du MPC révèle donc un mouvement baissier pour deux membres : Swati Dhingra mais aussi Megan Greene qui a voté pour le statu quo, alors qu'elle votait auparavant pour une hausse de taux.

Fait important, quoique sans surprise, le MPC a supprimé le biais haussier de sa forward guidance, à savoir la possibilité de hausses de taux supplémentaires s'il y avait des signes de persistance des pressions inflationnistes. La BoE confirme donc que le taux directeur est à son pic. La question qui se pose à présent au MPC n'est donc plus de savoir s'il faut resserrer davantage, mais pour combien de temps il faut maintenir le taux directeur au niveau actuel (durée de la politique restrictive et non plus ampleur du resserrement).

À cet égard, la BoE reste prudente, suggérant qu'elle garderait les taux inchangés plus longtemps que ne l'anticipaient les marchés. En effet, le langage du gouverneur Andrew Bailey, lors de sa conférence de presse, n'était pas particulièrement dovish déclarant que le MPC souhaitait recueillir « plus de preuves » que l'inflation baisserait à la cible de 2% « de manière soutenable » avant de réduire ses taux. L'inflation a certes baissé plus rapidement que prévu (à 4% en décembre, contre 4,6% anticipé), mais c'est surtout dû à la dissipation des chocs globaux sur l'énergie, les produits alimentaires et les biens. En particulier, « l'inflation dans les services a tendance à persister et reste élevée », explique le gouverneur. À 6,4% en décembre, elle est très supérieure à celle observée en zone euro et aux États-Unis. La croissance des salaires, même si elle a reculé un peu plus que prévu, demeure « significativement élevée ».

Les nouvelles prévisions d'inflation suggèrent également que la banque centrale est, dans une certaine mesure, moins optimiste que les marchés concernant le degré nécessaire d'assouplissement à venir. La courbe des taux forward sur laquelle la BoE base ses prévisions implique un assouplissement total de deux points de pourcentage sur l'horizon de prévision, soit environ un point de pourcentage de plus qu'en novembre, avec une première baisse des taux au mois de mai.

Un retour temporaire à la cible. Dans les nouvelles projections centrales, l'inflation CPI chute très fortement à court terme, à 2% au deuxième trimestre 2024. Cette baisse s'explique à la fois par les surprises favorables sur l'inflation réalisée et par une forte baisse (-15%) prévue des tarifs de l'énergie administrés en avril 2024. En revanche, elle est temporaire. En raison de la forte baisse des taux depuis novembre (impliquant une demande plus forte), les prévisions d'inflation de la BoE ont été revues significativement à la hausse à moyen terme. L'inflation augmente à partir du troisième trimestre 2024 avec la dissipation des contributions négatives des prix de l'énergie pour atteindre 2,8% fin 2024. L'inflation resterait proche de ce niveau courant 2025, avant de baisser à nouveau en 2026. Elle se situerait plus de 50 points de base au-dessus des prévisions de novembre pendant la majeure partie de 2025 (à 2,7% en moyenne trimestrielle). La cible de 2% ne serait plus retrouvée qu'à la fin de l'horizon de prévision, au quatrième trimestre 2026, soit un an après les prévisions de novembre.
 
L'inflation resterait donc supérieure à la cible pendant plus longtemps que la BoE ne le prévoyait en novembre dernier. Son profil est très différent de celui anticipé en novembre qui tablait sur une baisse graduelle du taux d'inflation, sans creux au T2.

Cela suggère que les anticipations de taux de marché qui servent d'hypothèse sous-jacente à ses prévisions d'inflation sont trop dovish par rapport aux baisses de taux qui seraient nécessaires pour ramener l'inflation à la cible durablement. Notre scénario central, qui table sur un assouplissement total de 1,5 point de pourcentage débutant en août de manière très graduelle, ne semble pour le moment pas remis en question.

Côté risques, la BoE juge à présent que les risques de persistance des pressions inflationnistes domestiques sont « équilibrés » (contre orientés à la hausse précédemment). Cela se traduit par une suppression du biais haussier sur ses prévisions d'inflation à moyen terme. En revanche, à court terme, un biais haussier (de l'ordre de 0,2/0,3 point de pourcentage) persiste et est même revu à la hausse, reflétant l'intensification des risques géopolitiques en lien avec les conflits au Proche-Orient. La BoE note que si les taux de fret ont augmenté sensiblement sur les routes d'Asie de l'Est vers l'Europe du Nord et la Méditerranée, l'impact sur les prix à la consommation a, jusqu'à présent, été limité.

La BoE se dit prête à ajuster sa politique monétaire (à la baisse) en fonction de l'évolution des données économiques. Pour cela, elle va « continuer de surveiller de près les indicateurs de persistance des pressions inflationnistes et de résilience de l'économie dans son ensemble, y compris un ensemble de mesures de tensions dans le marché du travail, la croissance des salaires et l'inflation dans les services ». Cette forward guidance a été inchangée mais elle n'est plus soumise à la question de savoir s'il faut resserrer davantage mais à celle de la durée du maintien du taux directeur au niveau actuel. Lors de la conférence de presse, Ben Broadbent a indiqué que les indicateurs domestiques de persistance de l'inflation (sous-entendu la croissance des salaires notamment) n'avaient pas besoin de surprendre à la baisse par rapport au scénario central pour que la BoE se décide d'agir et qu'une évolution en ligne avec le scénario central serait suffisante pour baisser les taux. Simplement, pour le moment, la BoE n'est pas suffisamment confiante dans le fait que ces prévisions vont se réaliser (elle anticipe une croissance des salaires en baisse, de 6,5% au T4 2023 à 5,8% au T1-2024 et 4,8% au T2).  
 
Enfin, la BoE a révisé à la hausse ses prévisions de croissance, en prenant en compte l'assouplissement budgétaire annoncé en novembre dernier par le gouvernement, qui ajouterait 0,2 point à la croissance du PIB en 2025 et 0,3 point en 2026. Les rythmes de croissance resteraient toutefois très faibles (révisés de 0% à 0,25% pour 2024 et de 0,25% à 0,75% pour 2025) et toujours compatibles avec l'apparition de capacités non utilisées dans l'économie à partir de cette année. La BoE prévoit toujours une hausse du taux de chômage dans les prochains trimestres (à 4,5% en 2024 et à 5% en 2025). Mais la banque centrale indique que la part de l'impact du resserrement monétaire sur l'économie qui doit encore se matérialiser n'est plus que d'un tiers, contre la moitié estimé en novembre. Cela est en partie dû à la baisse des taux depuis cet été, notamment les taux des emprunts immobiliers. 

NOTRE OPINION - Bien que la BoE signale clairement que son prochain mouvement, lorsqu'il arrivera, sera à la baisse, elle nous semble plus prudente que les marchés. Pour la majorité du MPC actuellement, le degré de confiance dans le mouvement de chute durable de l'inflation vers la cible n'est pas suffisant. La question de la persistance des pressions inflationnistes domestiques nécessite encore des réponses. Il faut connaître notamment les résultats des renégociations salariales, mais aussi l'impact du relèvement du salaire minimum en avril. Les marchés semblent avoir compris le message relativement hawkish de la BoE et se sont ajustés après la réunion, bien que légèrement : la probabilité de baisse de taux au mois de mai est descendue à environ 45%, contre près de 60% avant la réunion.

En ce qui concerne notre scénario central pour la conduite de la politique monétaire, il n'est pas remis en cause par la communication de la BoE, à savoir deux baisses au second semestre 2024 (août et novembre) et quatre en 2025 (une par trimestre), ramenant le taux directeur à 3,75% fin 2025. Cet assouplissement très graduel semble en ligne avec la prudence de la BoE et sa volonté d'agir au fur et à mesure des signaux récoltés dans les données à venir. Les prévisions de la BoE d'une accélération de l'inflation au second semestre, qui existe aussi dans notre profil d'inflation mais de manière moins prononcée (inflation à 2,3% au T4-2024, contre 2,7% pour la BoE), pourraient compliquer toute décision de relever les taux au second semestre, mais comme l'a suggéré Ben Broadbent, une évolution des données en ligne avec son scénario central devrait être suffisante pour entamer le cycle de desserrement.
 

Article publié le 2 février 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

Parole de banques centrales – La BoE examine la question du calendrier de l'assouplissement à venir...

En ce qui concerne notre scénario central pour la conduite de la politique monétaire, il n'est pas remis en cause par la communication de la BoE, à savoir deux baisses au second semestre 2024 (août et novembre) et quatre en 2025 (une par trimestre), ramenant le taux directeur à 3,75% fin 2025. Cet assouplissement très graduel semble en ligne avec la prudence de la BoE et sa volonté d'agir au fur et à mesure des signaux récoltés dans les données à venir. Les prévisions de la BoE d'une accélération de l'inflation au second semestre, qui existe aussi dans notre profil d'inflation mais de manière moins prononcée (inflation à 2,3% au T4-2024, contre 2,7% pour la BoE), pourraient compliquer toute décision de relever les taux au second semestre, mais comme l'a suggéré Ben Broadbent, une évolution des données en ligne avec son scénario central devrait être suffisante pour entamer le cycle de desserrement.

Slavena NAZAROVA, Economiste - Royaume-Uni, Pays scandinaves et Irlande