Zone euro – Reprise de l’activité et vitesse de désinflation, le verre à moitié vide
- 06.02.2024
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Ceux qui cherchaient dans les chiffres parus cette semaine une confirmation d’une reprise de l’activité et d’une accélération du processus désinflationniste dans la zone euro auront été déçus. La croissance du PIB au quatrième trimestre 2023 n’a fait que prolonger la stagnation du T3 2023 (0% sur le trimestre) et le taux d’inflation de janvier, bien qu’en baisse après le rebond de décembre (à 2,8%, après 2,9%), est plus élevé que nous ne l’avions prévu (2,7%).
Les enquêtes menées au mois de janvier par la Commission européenne et par S&P Global pointent toutes une activité encore bien inférieure à son niveau de long terme et en contraction. Même si du mieux se dessine dans le secteur manufacturier grâce à une demande mondiale tirée par la consommation américaine en biens, la zone euro n’en profite que très marginalement et demeure un maillon faible de la croissance globale.
De plus, c’est sur une reprise de la demande intérieure et notamment des dépenses des ménages de la zone euro qu’on comptait pour soutenir notre scénario de modeste rebond à partir du premier trimestre 2024. Mais cette hausse de la consommation privée, qui s’était pourtant amorcée au troisième trimestre 2023 dans les grandes économies de la zone, ne semble pas au rendez-vous. Bien que la première estimation du PIB ne nous permette pas de définitivement invalider cette hypothèse, car dans la plupart des pays nous ne disposons pas des composantes du PIB, la contribution de la demande intérieure est annoncée négative en France et en Italie. En France, ce sont à la fois les dépenses de consommation privée et d’investissement qui se replient. En Allemagne, on signale un recul de l’investissement dans ses composantes productives et de la construction. Seule l’Espagne affiche une croissance positive de la consommation privée et de l’investissement. Des réductions des stocks semblent avoir contribué encore à la faiblesse du PIB de la zone. La hiérarchie d’un sud plus dynamique que le centre n’est pas remise en question, le PIB ayant baissé de 0,3% sur le trimestre en Allemagne, ayant stagné en France et ayant augmenté de 0,2% en Italie et de 0,6% en Espagne.
Avec un acquis de croissance nul en fin d’année 2023, la croissance de la zone en 2024 devra compter sur une véritable accélération pour réaliser notre prévision de croissance du PIB au rythme de 0,7%.
Ce scénario compte sur la poursuite du processus désinflationniste qui alimente des gains de pouvoir d’achat ainsi que la confiance des ménages, réduisant les comportements de précaution dans l’épargne.
Ce processus est bien en cours. L’inflation de janvier s’inscrit en baisse (2,8%, après 2,9%) après le rebond de décembre, mais ce repli est inférieur aux anticipations des observateurs et à nos propres prévisions. Il semble néanmoins inférieur aux prévisions de la BCE qui table sur une inflation à 2,9% en moyenne au premier trimestre 2024. Le ralentissement de la baisse des prix de l’énergie (-6,3%, après -6,7%) et l’inertie de l’inflation des services (à 4%) expliquent cette surprise négative de l’inflation de janvier. Le ralentissement se poursuit décidemment plus pour les prix des biens industriels (2%, après 2,5%) et alimentaires (5,7%, après 6,1%), même si pour ces derniers l’inflation demeure élevée. L’inflation sous-jacente, hors composantes volatiles, s’inscrit toujours en baisse (3,3%, après 3,4%).
L’effet surprise est pourtant à relativiser car on attendait bien une plus forte inertie de l’inflation en début d’année, du fait du retrait de plusieurs mesures qui avaient limité la hausse des prix de l’énergie et de certains biens en 2023. La temporalité de ces mesures et de leur retrait est diversifiée entre pays et justifie l’hétérogénéité des dynamiques d’inflation en janvier dans la zone : baisse en Allemagne (3,1%, après 3,8%) et France (3,4%, après 4,1%) hausse en Espagne (3,5%, après 3,3%) et en Italie (0,9%, après 0,5%).
La surprise positive en provenance des enquêtes d’activité de janvier est aussi à relativiser, bien qu’elle ait le mérite d’exister. L’indice PMI dans le secteur manufacturier affiche sa troisième remontée et atteint son plus haut niveau depuis dix mois (à 46,6 points, après 44,4). Bien qu’il signale toujours une contraction de l’activité, le rythme de celle-ci s’amenuise. C’est aussi vrai pour les commandes, la production et la demande d’exportation. Les perspectives d’activité, en revanche, s’améliorent plus franchement. Les stocks de produits finis sont signalés en baisse ainsi que ceux des intrants, mais ces derniers tout comme pour les arriérés de production, à un moindre rythme. En revanche, les délais de livraison s’allongent, sous l’effet de la dislocation du commerce maritime en mer Rouge, mais cela n’a pas d’impact sur les prix, puisque la contraction des prix des intrants et des prix de vente est signalée en accélération.
Le climat des affaires des enquêtes de la Commission européenne s’est stabilisé en janvier dans tous les secteurs à l’exception de la construction où il s’est dégradé, mais il demeure en-dessous de la moyenne de long terme. Dans l’industrie c’est la demande étrangère qui s’améliore, tandis que commandes domestiques et perspectives de production s’assombrissent. Néanmoins, le niveau des stocks est considéré de plus en plus bas par les entreprises et ne devrait pas induire un nouveau déstockage, même si le taux d’utilisation des capacités se réduit. Auprès des consommateurs la situation ne semble pas s’améliorer à la fois en ce qui concerne leur situation financière et leur perception de la situation économique générale. Leurs intentions d’achats sont orientées à la baisse. Les consommateurs ont bien acté la baisse de l’inflation, mais anticipent des prix en hausse, tandis que les prix de vente sont attendus en repli dans la construction et inférieurs à leur moyenne de long terme dans l’industrie. Dans le commerce de détail les entreprises prévoient une stabilité des prix, tandis qu’ils seraient en hausse pour les entreprises des services.
Notre opinion – Alors que l’activité mondiale s’est redressée en janvier pour la première fois depuis mai 2023, selon l’indice PMI global, elle demeure stagnante dans la zone euro, freinée par la contraction de l’industrie. Le dernier trimestre 2023 n’a pas permis conforter un redressement prochain du PIB tiré par les gains de pouvoir d’achat. Mais avec un marché de l’emploi encore solide (un taux de chômage stable à 6,4% en décembre) et une inflation plutôt inerte, les arguments pour une baisse précoce des taux d’intérêt ne sont pas réunis. La transmission de la politique monétaire se poursuit avec une baisse de la demande de crédit, qui au T4 2023 se modère et une remontée qui est attendue au T1 2024. Mais la tolérance au risque du secteur bancaire continue de se dégrader, avec un resserrement des standards de crédit. Les perspectives d’un redressement de l’activité dès le T1 2024 semblent donc affaiblies, faisant peser un risque baissier sur notre prévision de croissance de 0,2% sur le trimestre.
Article publié le 2 février 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine
Alors que l’activité mondiale s’est redressée en janvier pour la première fois depuis mai 2023, selon l’indice PMI global, elle demeure stagnante dans la zone euro, freinée par la contraction de l’industrie. Le dernier trimestre 2023 n’a pas permis conforter un redressement prochain du PIB tiré par les gains de pouvoir d’achat. Mais avec un marché de l’emploi encore solide (un taux de chômage stable à 6,4% en décembre) et une inflation plutôt inerte, les arguments pour une baisse précoce des taux d’intérêt ne sont pas réunis.
Paola MONPERRUS-VERONI, Manager zone euro