Irak – Une économie en dents-de-scie
- 30.05.2024
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En résumé
Le pays fait peu parler de lui sauf quand il est acteur ou témoin des divers enjeux géopolitiques dans le golfe Persique ou lorsque des problématiques sécuritaires le propulsent souvent au premier rang de l'actualité. Toutefois, son évolution économique depuis quelques années mérite attention.
Tout d'abord, grâce à la production pétrolière qui est la manne financière quasi exclusive du pays. Effectivement, la stabilisation politique et la fin de la guerre civile ont permis un environnement plus favorable pour sécuriser les activités de production. Depuis cinq ans, celle-ci est assez stable autour de 4,4 millions de barils/jour, une bonne performance qui positionne le pays en deuxième place des producteurs du Moyen-Orient derrière l'Arabie. L'Irak est le troisième exportateur mondial de pétrole brut après l'Arabie et la Russie. Après l'effondrement des prix lors de la crise sanitaire de Covid-19, les prix du pétrole évoluent, depuis 2021, dans une fourchette relativement haute entre 60 et 120 USD le baril. Bagdad a donc bénéficié pleinement du redressement de la conjoncture pétrolière, et surtout au cours de l'année 2022.
Toutefois, la baisse de la production en 2023 en raison des plafonds décidés par les accords OPEP+ et un prix en baisse (85 USD/bbl contre 100 en 2022) ont entraîné le pays en récession l'année passée : la contraction du PIB devrait s'établir à 0,7% environ. Pour 2024, un redressement de la croissance à 2% est probable malgré le plafonnement de la production à 4,3 mbbl/j au premier semestre, en raison de la hausse du PIB non pétrolier.
Le pays est totalement rentier et la manne pétrolière représente 60% du PIB et 90% des recettes budgétaires. Toute modification de prix ou de volumes produits a des impacts immédiats sur la croissance du PIB. La diversification de l'économie est donc inexistante.
Les budgets sont très expansionnistes car la fonction publique est totalement hypertrophiée : les salaires des fonctionnaires consomment 25% du PIB et ils représentent 38% de l'emploi total. Les déficits sont aussi en grande partie issus des nombreuses sources de corruption locales. En 2023, le déficit s'est établi à 1,3% du PIB mais la dette publique est restée contenue à 44% du PIB. En 2024, un budget assez expansionniste pourrait aboutir à un déficit supérieur à 5% du PIB à ce stade.
L'inflation est relativement maîtrisée grâce au peg du dinar au dollar. Après 4,5% en 2023, elle devrait baisser à moins de 4% en 2024.
Du côté de la balance des paiements, les très forts excédents courants accumulés depuis 2021 ont fortement dopé les réserves en devises qui se sont établies à 103 Mds USD fin 2023, représentant presque deux années d'importations, un montant très correct pour un pays pétrolier.
La politique monétaire de la Banque centrale est de maintenir un peg du dinar au dollar compte tenu de l'activité économique de pays pétrolier mais elle est pragmatique en fonction des circonstances. Ainsi, en 2021, la Banque centrale a dévalué le dinar de 22% par rapport au dollar pour rééquilibrer le solde courant déficitaire. Par la suite, elle l'a réévalué en 2023 pour lutter contre l'inflation importée. Actuellement la parité de change, fixe à 1 310 par USD, ne semble pas menacée compte tenu des excédents courants (11% du PIB en 2023).
À la suite des nombreuses guerres, les besoins de reconstruction restent toujours élevés mais la subsistance de milices armées est un frein à la création de plans nationaux. L'environnement des affaires est par ailleurs complexe et ceci dissuade parfois un certain nombre d'investisseurs étrangers de répondre à des appels d'offres pour obtenir des licences de production pétrolière ou gazière comme constaté récemment. Ce mois-ci, sur 29 licences d'exploitation proposées, 13 ont été attribuées à des sociétés chinoises, les majors occidentales n'ayant pas remis d'offre.
Notre opinion – Le poids des conflits passés, des perturbations géopolitiques et financières et la très forte progression démographique font de l'Irak l'un des très rares pays au monde qui a vu sa richesse par habitant stagner depuis 25 ans. Avec seulement 10 800 USD en parité de pouvoir d'achat, elle a même régressé de 30% au cours des dix dernières années. Elle est à peine plus élevée que celle du Maroc et se situe à un niveau très bas pour un pays producteur de pétrole. La population de l'Irak a été multipliée par six depuis 1962, progressant de 7,5 à 45 millions d'habitants.
Article publié le 24 mai 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine
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Le pays est totalement rentier et la manne pétrolière représente 60% du PIB et 90% des recettes budgétaires. Toute modification de prix ou de volumes produits a des impacts immédiats sur la croissance du PIB. La diversification de l'économie est donc inexistante. Les budgets sont très expansionnistes car la fonction publique est totalement hypertrophiée : les salaires des fonctionnaires consomment 25% du PIB et ils représentent 38% de l'emploi total. Les déficits sont aussi en grande partie issus des nombreuses sources de corruption locales. En 2023, le déficit s'est établi à 1,3% du PIB mais la dette publique est restée contenue à 44% du PIB. En 2024, un budget assez expansionniste pourrait aboutir à un déficit supérieur à 5% du PIB à ce stade.
Olivier LE CABELLEC, Economiste