Serbie – À la croisée des influences
- 15.11.2023
- 0
- Télécharger la publication (PDF - 418,18 KB)
Lire l'article
La Serbie est l'exemple type d'un pays à la croisée des différentes influences qui dans le contexte géopolitique actuel sont difficilement soutenables car la polarisation exige une prise de position. D'un côté, le pays est très proche de la Russie ‒ leurs relations diplomatiques et économiques se poursuivent ‒ mais dans le même temps le processus d'adhésion à l'UE se poursuit lui aussi. La collaboration avec la Chine est parmi les plus fortes des Balkans pendant que l'UE commence à prendre ses distances avec le partenaire chinois. Le contexte de guerre en Ukraine a réveillé le conflit dans le nord du Kosovo avec des incidents armés qui à la fois agitent les ultranationalistes et poussent les alliés européens à trouver une solution diplomatique pour éviter une extension du conflit. En somme, la Serbie cristallise à elle seule toutes les questions diplomatiques et stratégiques qui se posent à l'ensemble de l'UE.
Après une certaine résilience de l'activité économique en 2022, on devrait assister cette année à un ralentissement plus prononcé de la croissance du PIB estimé autour de 2%. L'inflation, qui devrait se situer autour de 12,9% en 2023, pénalise la consommation privée dont la croissance devrait être très modeste et cela dans un contexte de faibles gains des salaires réels. Les conditions de crédit se sont resserrées, en raison d'une politique monétaire restrictive pour combattre cette hausse des prix, ce qui a eu pour effet de ralentir les investissements privés. Le taux directeur a été augmenté à 6,5% par la Banque centrale. La demande externe a également ralenti, en raison de la plus faible dynamique économique des principaux partenaires commerciaux qui se situent dans l'UE (Italie, Allemagne; etc.).
Le coût des importations s'est renchéri surtout en 2022 en raison de la hausse des prix de l'énergie et de l'inflation un peu partout dans le monde, en dégradant ainsi le solde courant autour de 7% du PIB en 2022. Cette année, il devrait se situer autour de 3,8% du PIB mais demeure assez sensible à la variation des prix de l'énergie dont le pays reste dépendant. En revanche, les IDE permettent de financer en partie le déficit courant et d'être une source d'investissements surtout dans les infrastructures. Toutefois, la dette externe devrait augmenter dans les deux ans à venir. En dehors des partenaires européens, il est essentiel de rappeler l'importance du partenaire chinois pour la Serbie. Le pays est un des maillons clés sur l'espace européen du projet chinois de la route de la soie et de nombreux projets sont en cours. Dans le contexte actuel d'augmentations des tensions entre l'Europe et la Chine, la forte présence chinoise en Serbie peut aussi être source de divergences de stratégie.
Les finances publiques résistent relativement bien à ce contexte économique plus dégradé mais les marges de manœuvre se réduisent notamment pour soutenir les hausses des prix.
Le Parti nationaliste Serbian Progresive Party du président Vucic reste la force politique majeure du panorama politique serbe. Les élections législatives et présidentielle d'avril 2022 l'ont confirmé dans un cadre d'affaiblissement des partis de l'opposition et une concentration des pouvoirs et de l'autorité autour du président.
Plus globalement, la position serbe devient de plus en plus compliquée à tenir en raison du contexte de guerre en Ukraine. D'un côté, la Serbie et la Russie ont des relations culturelles et diplomatiques très proches avec une coopération militaire très rapprochée. De l'autre côté, sa nouvelle coopération lucrative avec la Chine s'intensifie depuis plusieurs années au point que la Serbie devrait devenir un des principaux maillons des infrastructures de la route de la soie dans les Balkans en tant que porte d'entrée vers l'UE. En parallèle de tout cela, son processus d'adhésion à l'UE progresse, certes très lentement mais Belgrade est officiellement candidate et maintient son cap sans pour autant se plier à la politique commune des sanctions et sans prendre une position claire vis-à-vis de la guerre en Ukraine. Il est clair que le pays veut conserver toutes les sources de revenus mais il se peut que les pressions européennes le poussent de plus en plus dans ses retranchements. Il faut rappeler par ailleurs que l'opinion publique est de moins en moins favorable à une adhésion à l'UE et regarde plutôt avec sympathie la Russie de V. Poutine.
Les tensions dans le nord du Kosovo ont été ravivées ces derniers mois de façon rapide avec des incidents armés. Cela peut représenter à la fois une occasion de trouver enfin une solution diplomatique mais on pourrait aussi assister à un regain de conflit armé aux portes de l'Europe. L'UE et les États-Unis ont réagi très rapidement après la montée des tensions en proposant aux deux parties prenantes un plan de normalisation qui a été rejeté dans sa première version et qui a été reformulé pour être ensuite discuté entre les chefs d'État. Cette réaction très rapide des Européens montre bien la volonté de limiter l'extension du conflit de la périphérie d'influence russe en Europe. Il n'y a toutefois pas encore d'avancée majeure dans ce processus de normalisation mais il a empêché l'escalade.
Article publié le 10 novembre 2023 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine
Les tensions dans le nord du Kosovo ont été ravivées ces derniers mois de façon rapide avec des incidents armés. Cela peut représenter à la fois une occasion de trouver enfin une solution diplomatique mais on pourrait aussi assister à un regain de conflit armé aux portes de l'Europe. L'UE et les États-Unis ont réagi très rapidement après la montée des tensions en proposant aux deux parties prenantes un plan de normalisation qui a été rejeté dans sa première version et qui a été reformulé pour être ensuite discuté entre les chefs d'État. Cette réaction très rapide des Européens montre bien la volonté de limiter l'extension du conflit de la périphérie d'influence russe en Europe. Il n'y a toutefois pas encore d'avancée majeure dans ce processus de normalisation mais il a empêché l'escalade.
Ada ZAN, Economiste